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CHRIST, Péché, Grâce, Fils

Le péché, haine de Dieu (ou de l'infini), fait tellement souffrir l'existant que celui-ci déplace cette haine et cette souffrance sur la victime expiatoire : ainsi fonctionne le système sacrificiel, que vient justement remettre en cause le Christ, par son sacrifice, en endurant la souffrance mais surtout en ressuscitant d'entre les morts. Car l'affirmation socratique de l'idée, même si elle rompt formellement avec ce système, ne suffit pas à faire accepter pour tous une justice où chaque individu puisse être reconnu dans son identité à la fois citoyenne et personnelle. Et la dénonciation de l'injustice par l'existant ne peut se faire sans emporter quelque désir de vengeance, et donc reconduire l'injustice ; seul le Christ, totalement en dehors du péché de l'homme, le peut. En outre seul le Fils de Dieu, comme personne égale au Père, échappe à l'idolâtrie qui caractérise l'homme-enfant supposé victime de la "scène primitive" (Freud) : cette vision hallucinée de la sexualité (complémentarité) parentale (élargie au cosmos, et au social) qui est au fondement de toute religiosité païenne. Le philosophe tend à réduire le mal à la "faute", entendue comme faiblesse, ou ignorance ; il ne veut pas admettre (il ne le peut pas) que le péché est constitutif de son esprit, de sa (mauvaise) volonté, nullement de sa "nature" ; seul le dieu, exempt de péché, peut le lui révéler. C'est aussi la raison pour laquelle seul Dieu peut pardonner vraiment aux hommes, effaçant leurs péchés, en leur accordant positivement sa grâce : non pas la grâce que Socrate concède au disciple en le supposant raisonnable, mais la grâce divine qui rétablit le bien chez tous les hommes (le Christ s'adresse au sujet social, effectivement pêcheur). Le Christ communique non seulement la grâce, mais aussi l'élection, car il s'agit, pour les apôtres et les croyants d'enseigner et d'accomplir la Loi (l'Amour du prochain), de devenir comme il est dit dans la Bible "le sel de la terre".


""Il faut, dit fermement Kierkegaard, une révélation venant de Dieu pour éclairer l'homme sur la nature du péché et lui montrer qu'il ne réside pas dans le fait pour lui de ne pas avoir compris le juste, mais dans le fait qu'il ne veut pas le comprendre ni s'y conformer" dit Kierkegaard. Or cette affirmation par le Christ du péché fait rupture du fait de la grâce qu'elle implique. Grâce dispensée non plus, comme avec Socrate, au sujet individuel, mais au sujet social ,expressément pêcheur. Grâce qui n'est plus rencontre, mais pardon. Car, le Christ, dans son Sacrifice, se fait librement déchet, et même déchet social. Librement puisqu'en même temps il s'affirme Dieu, Dieu comme Fils, à la fois fils de Dieu et fils de l'homme. Le pardon rétablit dans sa vérité et consistance d'Autre celui qui s'était complu dans la finitude et avait refusé d'assumer cette finitude. Or être l'Autre qui pardonne, même si c'est en soi toujours possible à Dieu, est impossible à l'homme, devant certains crimes abominables, de l'ordre de la violence sacrificielle, qui se commettent contre lui ou contre les siens. Le Christ (…) introduit une rupture (…) qui va jusqu'au savoir. Et l'élection qui (…) est offerte au sujet social, au peuple, apparaît maintenant comme jugement. Le Christ en effet, dans son sacrifice (…) manifeste une élection, celle qu'il a reçue du Père et au nom de laquelle il dénonce la loi ordinaire, sacrificielle, du monde social ; il dirige expressément vers l'objectivité absolue, celle de la Loi vraie par excellence. Le Christ affirme - et c'est fondamental - qu'il n'est pas venu abroger la loi mais l'accomplir. Paul : "toute la loi tient, dans sa plénitude, en une seule parole : Tu aimeras ton Prochain comme toi-même". Cette élection est, comme la grâce, communiquée par le Christ à tout homme, même s'il sait qu'elle va être d'abord rejetée (ou faussée), par la plupart. C'est ce que montre son enseignement, formulé avec (…) une autorité propre (d'élu véritable), et non pas de délégué."
JURANVILLE, 2015, LCEDL

TRINITE, Christ, Finitude, Existence

La philosophie est-elle capable, par elle-seule, de remettre en cause le système sacrificiel qui a débouché sur la condamnation de Socrate, puis à une échelle plus universelle, sur le sacrifice du Christ ? La philosophie ne peut espérer faire reconnaître son savoir par tous en raison de la finitude radicale qui subsiste, quelque soit l'émancipation qu'elle propose au nom de la raison - l'altérité et l'universalité de celle-ci n'étant que partielle. La dénonciation de l'injustice n'est jamais suffisante tant qu'elle n'émane pas de l'Autre absolu, ce qu'accomplit le "médiateur" divin en la personne du Fils. Il s'agit pour l'homme de parvenir à une autonomie réelle lui permettant d'assumer la finitude radicale, le péché même de n'en rien vouloir savoir. Maintenant pourquoi la trinité, pourquoi le Fils ? Ce n'est que dans l'imitation du Fils que l'homme peut se libérer de la faute qu'il a tendance, névrotiquement, à attribuer au Père, lui l'enfant exclu de la "scène primitive", victime du père réel. C'est ainsi que la Création du Père (cause matérielle) ne peut s'accomplir que par la Révélation du Fils (cause formelle) ; et la paternité du Père ne peut être reconnue, depuis la créature, que par la médiation du Fils, fils engendré (et certes non créé) comme Verbe à partir de la Chair du Père. Le Verbe se déploie (c'est la "cause finale", selon Schelling) par le Saint-Esprit qui procède identiquement des deux premières Personnes, qui est leur Amour parfait, et qui entraîne les hommes également dans l'Amour et la vie de l'esprit. Cette vérité trinitaire, que Schelling a rapporté aux trois causes citées, Saint-Paul l'avait résumée par la formule : « Toute chose est de lui, par lui et pour lui. » La philosophie y puise sa définition de l'existence comme identité dans la relation à l'Autre et à partir de cette relation.


"Les hommes ne peuvent donc aller jusqu’au bout de leur libération du système sacrificiel que dans la mesure où ils entrent dans l’imitation de l’Autre absolu comme Fils, s’affrontent par amour à leur finitude radicale et l’assument heureusement. Ce qui les fait participer à la vie de cet Autre comme Esprit : l’Esprit procède du Père et du Fils et est leur amour en tant que cet amour est, en celui qui engendre et en celui qui est engendré, tout à fait identique ; l’Esprit, dit aussi Schelling, est « ce qui entraîne tout le mouvement » – cause finale. L’Autre absolu apparaît alors dans sa vérité trinitaire. Cette vérité trinitaire, la révélation chrétienne l’a proclamée. Et saint Paul l’a scellée par la formule : « Toute chose est de lui, par lui et pour lui. »  Elle correspond exactement au Dieu supposé par l’affirmation de l’existence  : car l’existence est non pas identité close, mais identité dans la relation à l’Autre et à partir de cette relation. Cette vérité trinitaire, Rosenzweig l’a rejointe, avec son ternaire de la Création, de la Révélation et de la Rédemption. Ainsi peut-on dire : dans la Rédemption, le Verbe se déploie, parmi les hommes, en dialogue universel."
JURANVILLE, 2010, ICFH