La philosophie à la fois suppose la démocratie (elle ne pouvait naître que sous un régime laissant une place à la parole de l'individu) et accomplit la démocratie, en ceci qu'elle éduque le peuple au sens critique afin que le débat rationnel et éclairé prenne le pas sur la simple "opinion". L'opinion n'est pas fausse en soi, elle est avant tout irréfléchie et mimétique ; elle se contente d'opiner, de dire oui aux idées préconçues, aux normes établies, ce qui motivait déjà les réserves de Platon l'égard d'un tel régime. Celui qui opine ne remet pas en cause les identités immédiates ou déjà-là, il tend à répéter et à valider dans son discours les normes les plus traditionnelles, les plus communément admises et souvent les plus injustes (car injustifiées). Celui qui, dans pareil contexte, tente de porter malgré tout un discours critique, un discours de vérité, sera immanquablement accusé de trahison, condamné et, selon le contexte, sacrifié aux "dieux de la Cité" : tel fut le sort de Socrate. A notre époque, le "règne de l'opinion" est amplifié par les moyens technologiques, et si le risque encouru par l'individu déviant est nettement moins sévère (essentiellement en raison des progrès du droit), le principal danger demeure celui qu'avait dénoncé Platon, à savoir que le règne de l'opinion conduit tout droit à la tyrannie.
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DEMOCRATIE, Opinion, Philosophie, Norme, PLATON
""La philosophie se heurte, dans sa visée de justice, à la démocratie ordinaire – comme cela apparaît clairement chez Platon, et comme cela est supposé dans la philosophie ultérieure. Car la démocratie ordinaire se caractérise par le règne de ce qu’on appelle l’opinion. Laquelle est opposée par Platon au savoir sous tous ses aspects (connaissance, science, intelligence, etc.). L’opinion est une prise de position dans le champ politique où des questions sont apparues (en lien avec l’avènement de la philosophie), une prise de position qui, à la différence du savoir, ne requiert aucun travail sur soi, aucune mise en question de l’identité immédiate ; elle est en cela une expression de l’existant comme Chose prétendument originelle dans son autonomie abstraite qui dit oui ou non, et d’abord oui (on « opine »). Cette opinion est au départ diverse (ou peut dire oui ou non), et cependant, parce qu’elle s’en tient à l’identité immédiate (qu’elle protège), elle tend à devenir unique – c’est l’opinion publique, l’Opinion, le « On » selon Heidegger."
JURANVILLE, 2010, ICFH
DEMOCRATIE, Election, Opinion, Volonté générale
Dans une véritable démocratie, la volonté générale s'exprime bien à travers la voix des représentants du peuple, et non par la "volonté de tous" comme le redoutait déjà Rousseau. Donc elle repose sur l'engagement des élus et non sur la participation de tous. La représentation populaire n'a rien à voir avec le reflet, même proportionnel, de la réalité sociologique. La diversité des opinions est un leurre (car les extrêmes profitent toujours de la liberté d'expression pour s'imposer) tant qu'elle ne débouche pas, via un débat rationnel et encadré, sur des positions assumées (pas toujours "populaires"). Ceci découle de l'essence premièrement éthique de l'élection que vient ensuite confirmer l'engagement politique : il faut d'abord vouloir faire cesser une situation d'injustice, or tout le monde ne le veut pas ni ne peut proposer de solutions éclairées. Comme l'écrit Juranville, "l'élu est celui qui répond de l'appel de l'Autre à s'affronter au réel de la finitude de l'homme et à en devenir responsable auprès de tous les autres".
"Les élus du peuple, ses représentants, ne sont pas ses délégués. Il n'y a pas dans la vraie démocratie de mandat impératif. Car la vérité, la "volonté générale", est en acte dans chacun des représentants; mais elle est, dans le peuple, simplement supposée, en sommeil, et recouverte ordinairement par ce que Rousseau appelle "la volonté de tous". Et il ne faut pas exiger qu'à la diversité de la populations corresponde une diversité des représentants puisque, si le peuple peut confirmer par ses votes la volonté générale, ce sont les représentants seuls qui en sont l'expression."
JURANVILLE, 2015, LCEDL
"Les élus du peuple, ses représentants, ne sont pas ses délégués. Il n'y a pas dans la vraie démocratie de mandat impératif. Car la vérité, la "volonté générale", est en acte dans chacun des représentants; mais elle est, dans le peuple, simplement supposée, en sommeil, et recouverte ordinairement par ce que Rousseau appelle "la volonté de tous". Et il ne faut pas exiger qu'à la diversité de la populations corresponde une diversité des représentants puisque, si le peuple peut confirmer par ses votes la volonté générale, ce sont les représentants seuls qui en sont l'expression."
JURANVILLE, 2015, LCEDL
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