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DIEU, Existence, Trinité, Preuve, DESCARTES

Que découvre le philosophe, lorsque qu'il pose l'inconscient en plus de poser l'existence ? et que découvre le patient, après avoir accompli jusqu'au bout le travail de la cure ? Dans les deux cas, c'est l'existence de Dieu qui est révélée, mais précisément Dieu comme inconscient. C'est la condition pour que le savoir philosophique, le savoir rationnel pur, devienne universellement reconnu ; car il ne fait que confirmer, et vérifier alors le savoir religieux de la Révélation. Et c'est la condition pour que le savoir religieux lui-même apparaisse dans sa rationalité pure, en l'occurrence trinitaire. La vérité de l'existence n'est autre que celle de la Trinité comprise comme Relation, puissance de l'Un absolu de se rapporter à l'Autre comme un autre Soi également absolu (c'est l'engendrement du Fils par le Père), c'est-à-dire comme une autre Personne mais non une autre substance (le Fils est également Dieu). Le Fils quant à lui existe dans sa relation au Tiers qu'est l'Esprit saint (tout aussi divin, quoique tourné vers l'Homme). Aux trois Personnes correspondent les trois preuves de l'existence divine, telles que les a formulées Descartes, toutes trois reposant sur l'idée de perfection. D'abord la preuve par la causa sui (ou « deuxième » preuve par les effets selon Martial Guéroult) se rapporte au Père : elle stipule que si la créature possède pareille idée de perfection, il est manifeste qu'elle même n'est point parfaite ; or si elle était cause de sa propre existence, elle n'aurait pas manqué de s'octroyer toutes les perfections, ce qui implique qu'elle doit son existence à un être extérieur effectivement parfait, capable de se donner à lui-même sa propre existence, soit le Créateur ou Dieu le Père. Ensuite la preuve par l'idée d'infini (ou « première » preuve par les effets selon Guéroult) ne fait que reprendre cette implication au niveau de la logique interne de l'esprit humain, et se rapporte comme telle au Fils : en effet si l'homme possède l'idée d'un être infiniment parfait, il ne saurait être lui-même à l'origine de cette idée, pareille idée ne pouvant être conçue par un esprit fini et imparfait : elle lui a donc été communiquée par un esprit lui-même parfait, celui d'un Dieu Révélateur, soit le Verbe ou Fils de Dieu. Enfin la preuve dite "ontologique" reprend cette implication à un niveau seulement abstrait en apparence, qui se rapporte à l'Esprit saint : en effet l'idée de perfection implique nécessairement l'existence, puisque c'est une plus grande perfection d'exister plutôt que le contraire ; cette preuve exprime la vérité éthique selon laquelle il est meilleur, pour l'humain, de vouloir l'existence (entendre de s'ouvrir à son Autre) plutôt que l'inverse (entendre : se replier sur soi), car il participe alors à la vie divine, à quoi l'engage précisément l'Esprit rédempteur, tout aussi divin que le Père et le Fils. (L'humain cherchera sans doute à en tirer l'idée - fausse - de sa propre divinité, et se repliera fatalement sur son intérêt exclusif, au lieu de prendre en compte, dans l'éthique, l'ensemble de la création.)


"Vérité rationnelle et trinitaire qui, d'une part, découle de la détermination de l'être en Dieu comme existence absolue, et plus précisément absolument absolue, c'est-à-dire comme identité originelle s'effaçant comme telle en s'ouvrant à son Autre et devant se reconstituer à partir de ce qui, imprévisiblement, viendra de cet Autre. C'est ainsi que, dans le cadre de l'essence ex-sistante, l'Un primordial s'ouvre vers son Autre en le produisant nécessairement à partir de soi comme un autre soi, semblable à soi, en l'engendrant (c'est le Deux). Et que le Un et le Deux se retrouvent dans un mouvement encore d'existence absolue non pas l'un vers l'autre (c'est déjà fait pour le Un, ce serait fermeture pour le Deux), mais vers un autre Autre à venir (c'est le Trois). Père, Fils, Esprit. La Trinité du Dieu chrétien. Le Oui, le Non et le Et, dans le mouvement existentiel selon Rosenzweig. N'en disons pas plus ici et citons simplement saint Augustin quant à la relation du Père et du Fils, sans que soit évoqué par lui le terme d'existence : « Même si le Père et le Fils sont deux choses différentes, il ne s'agit pas là d'une substance différente, puisque ce n'est pas selon la substance qu'ils sont appelés ainsi, mais selon la relation, sans pourtant que la relation soit un accident puisqu'elle n'est pas muable »."
JURANVILLE, PHER, 2019

CREATION, Sacré, Oeuvre, Trinité

Si la présence est d'acte du sacré, et la puissance ce par quoi et dans quoi il s'accomplit la création est à la fois l'effet et le principe subjectif du sacré. Il s'agit, par la création, d'échapper à la puissance fantasmatique, traditionnelle, du sacré, la création qui débouche sur l'oeuvre individuelle elle-même engageant tout autre à créer à son tour. Certes l'existant suppose toujours d'abord la création de l'Autre absolu, celle qui vient du Père (le sacré par excellence), s'accomplit par le Fils (via son Sacrifice), et vise à étendre l'Esprit sur la terre. S'ouvre alors l'espace du sacré, et donc de la création, pour la créature séparée imitant en cela l'oeuvre du Christ, c'est-à-dire réalisant son individualité. Lui aussi traverse la passion de l'oeuvre et lui aussi accomplit en cela un sacrifice essentiel. Comme le Fils, il communique d'abord sa présence et sa grâce et s'efface devant son oeuvre, s'en remettant à l'Autre ; puis il communique sa puissance et son élection, à l'oeuvre comme à tous ceux qui la poursuivront et devront à leur tour en subir la passion ; enfin il communique la création elle-même et la foi en celle-ci, dans le fait que l'oeuvre sera finalement accueillie par tous et accomplira la Révélation.


"Le sacré est enfin création. Car il n’y a plus, pour le fini qui suppose ou affirme une puissance vraie, et qui refuse d’être rabattu en fait à la puissance fantasmatique traditionnelle, pour le fini qui veut aller jusqu’au bout de ce à quoi l’invite la puissance du Sacré et accomplir cette puissance par la sienne propre, pour le fini qui veut donner toute sa vérité au sacré, qu’à poser la création. Comme création effective, et non pas abstraite ; et donc notamment comme création par le fini en général, à partir de la finitude, débouchant sur l’œuvre... Le savoir philosophique est alors l’œuvre par excellence du fini, où la puissance créatrice est à la fois, explicitement, ce par quoi tout est « produit », et de quoi tout est « déduit ». Où l’on rejoindrait existentiellement ce que Spinoza a dit formellement, que « l’ordre et la connexion des idées est le même que l’ordre et la connexion des choses »."
JURANVILLE, 2000, JEU

CHRISTIANISME, Altérité, Amour, Trinité

La religion, comme savoir de l'altérité, ne parvient à sa vérité que par la révélation qui introduit justement l'altérité vraie, celle du Dieu se rapportant à l'existant comme à son Autre - cet existant étant appelé à faire de même à l'égard de son Autre, d'abord le Dieu et ensuite le Prochain. Autrement dit la révélation appelle à s'identifier à cette hétéronomie divine, ce qui est l'autre nom de l'autonomie. Religion et altérité, cela définit nommément le christianisme en tant que religion de l'amour, puisque l'amour est non seulement ouverture à l'Autre mais transmission à l'Autre de cet amour. Par rapport au judaïsme, où les commandements d'aimer Dieu et le Prochain sont bien présents, le christianisme lui donne une portée universelle et surtout accomplit cet amour dans la Trinité illustrant l'amour parfait entre les trois Personnes.


"Religion et altérité, cela définit selon nous le christianisme. Religion de l'amour en effet, de l'amour qui pose que le mouvement vers l'Autre est bon en soi et qu'il doit s'éveiller en chacun et avant tout en ceux qui reçoivent cet amour. On connaît la réponse du Christ au légiste qui lui demande quel est le plus grand commandement dans la Loi : « "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton Cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit". C'est le premier et le plus grand commandement. Et voici le second, qui lui est semblable : "Tu aimeras ton prochain comme toi-même". De ces deux commandements dépendent la Loi tout entière et les prophètes » (Matthieu, 22, 36-40). Certes ces formules viennent de la Bible juive, du Deutéronome (6, 5) et du Lévitique (19, 18). Mais elles ont reçu dans le christianisme une portée expressément universelle. Le christianisme montre l'amour en Dieu par la Trinité, amour du Père pour le Fils, du Fils pour le Père, des deux pour l'Esprit, de l'Esprit pour le Père et le Fils ; l'amour de Dieu pour les hommes (notamment dans le sacrifice du Christ)."
JURANVILLE, 2019, FHER

TRINITE, Christ, Finitude, Existence

La philosophie est-elle capable, par elle-seule, de remettre en cause le système sacrificiel qui a débouché sur la condamnation de Socrate, puis à une échelle plus universelle, sur le sacrifice du Christ ? La philosophie ne peut espérer faire reconnaître son savoir par tous en raison de la finitude radicale qui subsiste, quelque soit l'émancipation qu'elle propose au nom de la raison - l'altérité et l'universalité de celle-ci n'étant que partielle. La dénonciation de l'injustice n'est jamais suffisante tant qu'elle n'émane pas de l'Autre absolu, ce qu'accomplit le "médiateur" divin en la personne du Fils. Il s'agit pour l'homme de parvenir à une autonomie réelle lui permettant d'assumer la finitude radicale, le péché même de n'en rien vouloir savoir. Maintenant pourquoi la trinité, pourquoi le Fils ? Ce n'est que dans l'imitation du Fils que l'homme peut se libérer de la faute qu'il a tendance, névrotiquement, à attribuer au Père, lui l'enfant exclu de la "scène primitive", victime du père réel. C'est ainsi que la Création du Père (cause matérielle) ne peut s'accomplir que par la Révélation du Fils (cause formelle) ; et la paternité du Père ne peut être reconnue, depuis la créature, que par la médiation du Fils, fils engendré (et certes non créé) comme Verbe à partir de la Chair du Père. Le Verbe se déploie (c'est la "cause finale", selon Schelling) par le Saint-Esprit qui procède identiquement des deux premières Personnes, qui est leur Amour parfait, et qui entraîne les hommes également dans l'Amour et la vie de l'esprit. Cette vérité trinitaire, que Schelling a rapporté aux trois causes citées, Saint-Paul l'avait résumée par la formule : « Toute chose est de lui, par lui et pour lui. » La philosophie y puise sa définition de l'existence comme identité dans la relation à l'Autre et à partir de cette relation.


"Les hommes ne peuvent donc aller jusqu’au bout de leur libération du système sacrificiel que dans la mesure où ils entrent dans l’imitation de l’Autre absolu comme Fils, s’affrontent par amour à leur finitude radicale et l’assument heureusement. Ce qui les fait participer à la vie de cet Autre comme Esprit : l’Esprit procède du Père et du Fils et est leur amour en tant que cet amour est, en celui qui engendre et en celui qui est engendré, tout à fait identique ; l’Esprit, dit aussi Schelling, est « ce qui entraîne tout le mouvement » – cause finale. L’Autre absolu apparaît alors dans sa vérité trinitaire. Cette vérité trinitaire, la révélation chrétienne l’a proclamée. Et saint Paul l’a scellée par la formule : « Toute chose est de lui, par lui et pour lui. »  Elle correspond exactement au Dieu supposé par l’affirmation de l’existence  : car l’existence est non pas identité close, mais identité dans la relation à l’Autre et à partir de cette relation. Cette vérité trinitaire, Rosenzweig l’a rejointe, avec son ternaire de la Création, de la Révélation et de la Rédemption. Ainsi peut-on dire : dans la Rédemption, le Verbe se déploie, parmi les hommes, en dialogue universel."
JURANVILLE, 2010, ICFH

PHILOSOPHIE, Histoire, Personne, Trinité

Même si elle est déterminée comme discours, la philosophie rejoint une geste plus large qu'on peut dire poétique, et plus précisément historique. On le voit bien, subjectivement d'abord, en ceci selon la philosophie l'Individu (porté par la grâce) doit non seulement devenir Moi (porté par l'élection) mais encore Personne (porté par la foi). Personne qui est le vrai sujet du discours et qui doit y engager, justement, son histoire, comme elle doit y engager tout Autre. Cela se produit pour autant qu'elle est tournée vers l'Autre absolu, le Dieu personnel du christianisme, modèle de relation de personne à personne dans sa trinité, ouvrant ainsi à chacun l'espace de sa propre histoire.

"Mais le sujet ne peut accéder à la raison vraie du discours que si, à partir de la grâce qui lui vient de l’Autre, et toujours d’abord, certes, de l’Autre absolu (vrai), à partir de la liberté alors à lui offerte, il s’engage à aller jusqu’au savoir, jusqu’au savoir de la liberté, jusqu’à l’esprit ; s’il se fait, non seulement individu (dont l’essence est la grâce), ni même moi (dont l’essence est l’élection), mais personne (dont l’essence est la foi). C’est ainsi par la personne que le discours est tenu."
JURANVILLE, 2000, JEU