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CHOSE, Sujet, Objet, Séparation

Ce n'est pas parce que le sujet interprète d'abord la Chose comme un objet à posséder, mais dont il finit par reconnaître la finitude, qu'il doit renoncer à poser la Chose dans sa vérité d'objet absolu, ni à devenir lui-même la Chose. D'autant moins que c'est la Chose qui l'appelle à affronter cette finitude de l'objet, son non-sens constitutif, jusqu'à reconstituer peu à peu l'unité, sinon l'intégralité du sens. Pour cela le sujet doit accepter de s'établir dans la séparation, quitte à s'objectiver pour maintenir ouverte la distance avec l'Autre, jusqu'au savoir de cet Autre qui est la vraie jouissance. Telle est la finalité éthique de la cure (même si elle n'est jamais présentée comme telle) : se faire le sujet de l'Autre, d'abord en assumant ses symptômes comme sa vérité à soi, renoncer à la tendance pulsionnelle à jouir de l'Autre comme d'un objet, reconstituer au contraire la consistance de Chose de cet Autre. L'enjeu pour le sujet est toujours de choisir la séparation plutôt que la soumission (à la pulsion, au Surmoi), séparation que seul le savoir rend effective, ainsi qu'il rend effective la jouissance (qui n'est plus possession) de cet Autre, de cet Autre réel qu'est la Chose.


"La tâche du sujet, c’est ainsi de s’établir dans la séparation. Car le sujet ne s’objective que pour maintenir ouverte la relation à l’Autre impliquée par l’objet et pour laisser être cet Autre dans sa consistance de chose. Surtout, il ne le fait que parce que c’est l’Autre qui l’y appelle. Il n’y a donc pas de confusion du sujet s’objectivant et de l’objet. En fait la chose constitutivement, de par la création, se produit comme pluralité de choses séparées (« L’Esprit, dit Lévinas, est multiplicité d’individus »). Dans la séparation le sujet jouira enfin de l’Autre comme Autre, au-delà de la jouissance immédiate qui refuse, elle, la séparation. Mais ce n’est qu’en atteignant au savoir de cette jouissance, à un savoir dans lequel il témoigne de l’Autre absolu et le glorifie, qu’il s’établira définitivement dans la séparation... Lévinas et Lacan refusent néanmoins que le sujet puisse se réclamer d’un tel « savoir de la chose ». S’en réclamer, se réclamer du savoir, d’un savoir suffisant, caractériserait une subjectivité qui fuit sa finitude réelle. Mais cette prétendue altérité absolue que Lévinas et Lacan défendent ainsi, et qui exclut, pour le sujet, tout savoir vrai, a comme conséquence que celui-ci ne peut pas se poser objectivement dans sa séparation, et que, par rapport à l’Autre faux qui règne d’abord dans le monde social, et qui rejette toute séparation, le sujet apparaît toujours soumis, en fait non séparé."
JURANVILLE, 2000, INCONSCIENT

CHOSE, Objet, Sujet, Unité

La Chose n'est pas l'objet, mais c'est pourtant ainsi qu'elle se donne d'abord au sujet, l'objet présentant la seule forme d'unité compatible avec la fausse unité que le sujet se donne toujours d'abord, parce que la confrontation avec la Chose réelle ferait voler en éclats celle-ci. Il n'en demeure pas moins que la tâche d'"élever l'objet à la dignité de la Chose", dans la création, incombe au sujet - à la fois pour que la Chose soit reconnue comme différente de l'objet, et pour qu'elle se présente effectivement au sujet dans l'objet.


"Laisser venir la chose, c’est donc, pour le sujet fini, d’une part et d’abord, reconnaître la chose au-delà de l’objet, la chose en tant qu’unité en soi, au-delà de l’objet en tant qu’unité pour lui – car l’objet est toujours d’abord faussement déterminé. Et, d’autre part et ensuite, faire que peu à peu l’objet se conforme à la chose, « élever l’objet », et non pas formellement mais réellement, « à la dignité de la chose » – car une chose qui ne deviendrait pas, comme telle, objet, ne serait rien pour le sujet. C’est ainsi par l’objet, par l’objet devenant peu à peu objet vrai, absolu, que se donne, qu’ex-siste la chose pour le sujet fini. L’objet qui est la chose en tant que posée."
JURANVILLE, 2000, JEU

CHOSE, Nom, Sujet, Objet, HEIDEGGER

La Chose n'est pas l'objet, elle ne se définit pas selon des caractéristiques in abstracto ou anticipables, mais par sa présence concrète face au sujet ; mais elle n'est pas davantage constituée par la subjectivité. Avec son unité seulement sensible, c'est elle qui se présente d'abord devant le sujet, comme signifiante, et le sujet répond alors également comme signifiant - sujet de l'énonciation - en nommant la Chose. « Lors de leur nomination, les choses sont appelées et convoquées dans leur être de choses », comme le dit Heidegger, mais d'un autre côté, par leur être nominal, elles sont avant tout des structures signifiantes incarnées. Si alors la Chose "rassemble le monde" (sans lui appartenir vraiment), comme le dit Heidegger, c'est vis-à-vis du sujet posé devant elle et convoqué dans sa réalité - en tant que Phallus. Or si la Chose demande à être nommée, elle doit pour cela en appeler au Nom en général, au "Nom-du-père" provenant du grand Autre du langage, qui maintenant la fait elle-même sujet. Enfin la Chose implique également sa propre réalité de chose, cette fois en tant qu'objet (soit cette réalité que le sujet perd en tant que sujet).


"Comment s’effectue alors ce rassemblement du monde ? La chose convoque et renvoie l’homme en le posant comme sujet. L’homme est impliqué par la chose en tant que phallus, puisque le phallus, c’est « le sujet dans sa réalité ». Réalité de l’homme qui regarde la chose. Mais en même temps la chose appelle un nom. Dans un premier sens, cela signifie que la chose demande à être nommée. Dans un second sens, qu’elle requiert l’avènement du Nom en général. La chose implique donc, non seulement la réalité de l’homme qui se trouve en sa présence et la rencontre, mais le Nom primordial, soit le Nom-du-Père, et sa propre nomination à elle. Ce qui l’installe elle-même comme sujet par la détermination de ce qu’on a évoqué comme « trait unaire ». La chose implique enfin sa propre réalité, non pas sa réalité de sujet (qui serait aussi le phallus), mais sa réalité de chose. Cette réalité que perd le sujet comme sujet, soit celle de l’objet."
JURANVILLE, LPH, 1984

CASTRATION, Sexualité, Pulsion, Chose, LACAN

Initiée par le signifiant Phallus, qui lui-même renvoie au vide réel de la Chose, la castration interrompt le principe de plaisir et le cycle pulsionnel. Certes l'objet de la pulsion est dit "perdu", mais tout autant et indéfiniment "retrouvé", donc la perte ici n'est pas réelle (à la différence de la Chose) mais un simple effet du processus pulsionnel, imaginaire. Cependant, si elle s'oppose ai sexuel de la pulsion, la castration ne se situe pas totalement hors du champ sexuel puisqu'elle conditionne - via le Phallus - aussi bien le désir que la jouissance.


"Parlant du champ du principe de plaisir, Lacan dit de l’objet qui y est retrouvé qu’il est de sa nature un objet retrouvé, et que si on peut le dire perdu, ce n’en est qu’une conséquence après coup. C’est, malgré qu’en ait Lacan, le domaine de la pulsion partielle (dont la pulsion de mort fait bien le fond, mais dissimulé). Et pour autant que la pulsion est le lieu primordial du sexuel, la castration, qui lui retire son objet, conduit à une certaine « désexualisation »... Mais le positif auquel elle amène est lui-même sexuel. C’est en tant que phallus que le sujet désire et jouit."
JURANVILLE, LPH, 1984

ANGOISSE, Répétition, Sens, Objet, FREUD

L'épreuve de l'angoisse permet d'accomplir la répétition et de donner sens au non-sens, comme le veut l'Autre, malgré la tentation de s'enferrer dans le non-sens. Cette duplicité de l'angoisse, Freud la signalait déjà en distinguant l'angoisse survenant du fait de la perte de l'objet, la libido entravée se révélant alors comme pulsion de mort, et l'angoisse permettant au "moi" de parer à la disparition de l'objet en fonctionnant comme "signal", et donc de conserver l'objet (notamment sexuel) : dans ce cas la pulsion de vie (Eros) ne prend le relais que pour mieux servir, in fine, la pulsion de mort maquillée en plaisir sexuel. Mais l'angoisse vraie, celle qui n'enferme pas dans l'objectivité ordinaire, est toujours un signal adressé par l'Autre vrai (typiquement l'analyste) depuis l'inconscient du sujet, induisant pour celui-ci l'obligation d'assumer cette angoisse, tout comme l'Autre l'a assumée, et d'en assumer la répétition jusqu'à la lente reconstitution du sens, qui devra s'effectuer dans l'objectivité de l'oeuvre.


"Qu’est-ce qui montre qu’on veut vraiment passer, de la fuite devant le désespoir constitutif, au désespoir essentiel où il est assumé ? Que la pulsion de mort est réellement liée dans la pulsion de vie ? Et qu’on reconstitue effectivement, comme le veut l’Autre vrai, le sens à partir du non-sens ? Qu’est-ce qui permet donc d’accomplir la répétition ? L’angoisse. Dont nous avons déjà dit qu’elle est unicité et hétéronomie. Traverser l’épreuve de l’angoisse, c’est sans cesse éprouver, à la fois, la tentation de s’enfermer dans le non-sens, et l’exigence venue de l’Autre de constituer le sens à partir de ce non-sens. L’apaisement n’étant atteint, et donc la jouissance, que lorsque la répétition a été conduite jusqu’au sens objectif, à l’œuvre et au savoir."
JURANVILLE, 2000, L’INCONSCIENT

ALIENATION, Sexualité, Possession, Objet

Tout homme doit affronter l'aliénation à la sexualité - figurée d'abord par couple parental et plus généralement par le Phallus - pour se libérer de son pouvoir de possession. Là où le sujet se tenait devant l'Autre comme son objet, son complément, voire son instrument, il doit réaliser - par la grâce de l'Autre vrai, par exemple le psychanalyste - que le "rapport sexuel" n'existe pas et que la sexualité recèle, fondamentalement, la pulsion de mort.


"Aliénation perverse à ce qui est supposé pouvoir, tout pouvoir, s’être fait absolument objet. Aliénation qui capte, dans la sexualité comme objectivité finie illusoirement absolutisée, l’humain en tant qu’il est constitutivement en relation avec l’autre humain . Aliénation qui caractérise la socialisation première et ordinaire. Aliénation qui est alors, pour le patient, non plus obsession, mais possession : celui qui obsède s’était installé devant la place ; celui qui possède s’est installé au cœur de la place."
JURANVILLE, ICFH, 2010 

METAPHORE, Etre, Objet, Théologie

Puis, toujours dans le premier moment de son déploiement, la métaphore de l'être identifie bien l'étant à l'objet, mais en le reconnaissant dans sa finitude (un être non seulement sensible et temporel, mais pécheur, et fuyant sa finitude) par rapport à l'être absolu, divin, éternel (alors qu'il est créateur) : cette interprétation correspond historiquement à la période médiévale. Avec l'institution de l'Eglise, se déploie le savoir théologique trinitaire du réalisme, fondé sur le Verbe, donc ouvert à la temporalité. Cette fois le Sacrifice du Christ (Incarnation, Passion, Résurrection) devait permettre l'universalisation de la Révélation et de son savoir.

"L’objet (l’étant) est ensuite reconnu dans sa finitude. Il est toujours le sensible par rapport à l’être comme l’intelligible. Mais il est de plus le fini par rapport à l’être comme l’absolu ; il est le radicalement fini dans le cas de l’homme, dès lors que, par le péché, celui-ci se détourne de Dieu, de l’absolu, de ce qui est par excellence l’être ou l’intelligible – toujours présenté comme l’intemporel, alors qu’il est maintenant créateur. À partir du Sacrifice du Christ (Incarnation, Passion, Résurrection), l’avènement du christianisme devait permettre, par la grâce en lui glorifiée, d’obtenir la diffusion et l’universalisation les plus amples ; de passer outre aux limites qu’avaient rencontrées la philosophie et, plus originellement, le judaïsme, d’abord porteur seul de la Révélation. C’est, dans l’histoire universelle, l’époque médiévale. Le savoir définitif qui y est élaboré est celui, théologique, du réalisme. Il se fonde sur le langage comme verbe (avec ses trois personnes, ses trois temps – passé, présent, futur – et ses trois modes fondamentaux – indicatif, impératif, subjonctif –, toujours à l’image de la Trinité divine)."
JURANVILLE, 2024, PL

METAPHORE, Etre, Objet, Ontologie

Dans un premier moment de son déploiement, la métaphore de l'être identifie l'étant à l'objet, soit à une version seulement formelle de l'être qui se divise de surcroit en un pôle sensible temporel (mais c'est un temps imaginaire) et un pôle intelligible intemporel : cette interprétation "métaphysique" de la différence être-étant, où le premier n'est jamais qu'une version absolutisée du second, correspond historiquement à la période antique. Dans la cadre de la démocratie et de l'institution de l'Etat, s'y déploie le savoir ontologique de l'idéalisme, fondé sur le Nom - mais un savoir qui ne peut pas atteindre la reconnaissance universelle.

"La métaphore de l'être pose d’abord l’étant comme objet. L’étant n’est alors identifié que formellement, et pas encore réellement, à l’être. L’objet (ici l’étant) est d’abord absolutisé – illusoirement parce qu’il devra être découvert dans sa finitude, véritablement aussi parce qu’un savoir en est définitivement établi. L’étant, en effet, est identifié formellement à l’être, l’étant comme sensible participe de l’être comme intelligible – ce que Heidegger souligne (à l’époque de la « métaphysique », du « platonisme », la « différence ontologique » entre l’étant et l’être serait perdue, interprétée comme celle du sensible et de l’intelligible). L’être lui-même (l’idée) n’est pas alors envisagé comme temps réel, créateur, mais, parce qu’intemporel, hors temps, comme se différenciant de l’étant apparemment pris dans le temps, en fait dans le temps ordinaire, imaginaire, en fait donc lui-même hors temps. C’est, dans l’histoire universelle, l’époque antique. Le savoir définitif qui y est développé est celui, ontologique, de l’idéalisme. Il se fonde sur le langage comme nom."
JURANVILLE, 2024, PL