Parce que dans son principe elle conjoint signifiance et non-signifiance, la métaphore représente la possibilité la plus générale de résoudre une contradiction. En insufflant une altérité essentielle. Par exemple la métaphore du Nom-du-Père, inventée par la mère, permet à l'enfant de réorienter son désir en l'articulant à la loi du père, le père symbolique devenant signifiant, effaçant la loi de la mère. Chaque histoire gagne ainsi en objectivité, chaque mythe individuel peut se déployer et prendre sens, grâce aux métaphores qui sont appelées à être recrées, jusqu'à la constitution finale, quaternaire, de l'oeuvre.
"La métaphore est ainsi l’altérité absolue du mythe et son essence. Ce qui, le créant et le recréant, lui donne sa structure fondamentale quaternaire. La pensée qui n’affirme que l’existence ne lui donne guère de place : pour Heidegger, qui ne l’envisage que comme figure évoquant l’intelligible en nommant le sensible, « la métaphore n’existe qu’à l’intérieur des frontières de la métaphysique ». Déjà certes Lévinas lui accorde une place majeure (dans la « signifiance-de-l’un-pour-l’autre »). Mais c’est la pensée de l’inconscient, nommément Lacan, qui la reconnaît comme principe, notamment à travers la métaphore existentiellement originelle qu’est la métaphore du Nom-du-Père, « soit la métaphore qui substitue ce Nom à la place premièrement symbolisée par l’opération de l’absence de la mère » (E, 557). La mère produit par une création cette métaphore : aux yeux de l’enfant, elle s’efface comme l’objet absolu, absolument signifiant qu’elle a été, et pose comme dorénavant suprêmement signifiant le père, non pas le père réel, mais le Nom du père, le père symbolique. Ce qui pourrait être interprété par l’analogie : la mère serait d’abord pour l’enfant ce que le père symbolique serait pour le père réel. Mais ce qui peut se comprendre dans la perspective de la création : la mère aurait créé cette métaphore ; le père réel et l’enfant à leur tour, pour être à la hauteur de leur nom, auraient à la recréer. Là serait ce à partir de quoi le mythe est déployé."
JURANVILLE, 2017, HUCM
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METAPHORE, Nom-du-Père, Désir, Phallus, LACAN
Pourquoi la métaphore du Nom-du-Père est-elle la métaphore fondamentale, le modèle de toute métaphore ? Il faut comprendre que la métaphore, par la substitution d'un signifiant à un autre, produit un signifié qui se révèle être le même pour toute métaphore, à savoir le signifié du signifiant en général. Quel est-il ? Le passage du signifiant dans le signifié caractérise proprement le désir : un sens nouveau vient d'être créé, l'accès à la signification est désormais ouvert ; or ceci est précisément lié à la fonction paternelle en tant que le père est nommé (Nom-du-Père) par la mère, dont le désir est le grand inconnu initial, en tout cas pour l'enfant. C'est pourquoi ce signifié (le désir) ne peut être représenté que par ce signifiant spécial qu'est le Phallus - présent, par conséquent, en toute métaphore - qui, tout en restant également l'objet du désir de la mère, devient le signifiant propre du désir de l'enfant.
"Il s’agit donc qu’ici apparaisse ce que Lacan a appelé « la signification du phallus ». Le premier signifiant, pour celui qu’on désigne comme le sujet, c’est la mère comme désirante, le désir de la mère. Mais « che vuole ? », que veut-elle ? A cette question, la réponse doit être apportée par la métaphore paternelle justement. Si la mère désire le père comme l’enfant désire la mère (et c’est ce désir qui fait du désir de la mère un signifiant), cela ne signifie pas autre chose d’abord sinon que c’est ce qui manque à la mère et que le père « possède », qui devient le signifiant effectif du désir de l’enfant. Soit le phallus. Le phallus est donc « signifié au sujet »... Le fait que le désir et la signification du phallus soient signifiés en même temps conduit à lier métaphore paternelle et castration (puisque l’homme, qui « n’est pas sans l’avoir », doit pour désirer aussi, s’en trouver séparé). Et c’est là que l’autre figure essentielle de la pensée inconsciente, la métonymie, prend sa place, qui consiste dans le remplacement d’un signifiant de la chaîne par l’autre qui s’y articule, soit finalement le phallus. »"
JURANVILLE, 1984, LPH
JURANVILLE, 1984, LPH
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