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CULPABILITE, Hétéronomie, Psychanalyse, Savoir

Si l'on ne veut pas sombrer dans une culpabilité indéfinie, comme le redoutait Nietzsche, il faut poser la culpabilité dans le savoir, où elle recevra sa juste mesure. Il faut distinguer deux types de culpabilité. Il existe une culpabilité fausse liée à la haine de soi, reflet de la haine pour le créateur. Et puis il existe une culpabilité essentielle reposant sur une hétéronomie fondamentale : c'est la culpabilité éprouvée devant l'Autre absolu, qui se mesure dans le rapport à Dieu établi par le judaïsme et le christianisme. Mais elle repose aussi sur une pluralité, en ce sens qu'elle s'éprouve également devant les autres finis. La psychanalyse, avec l'inconscient, a fait entrer la culpabilité dans le domaine du savoir, et ce n'est certes pas pour s'en débarrasser mais au contraire pour la reconnaître comme essentielle (elle consiste à avoir cédé sur l'essentiel, soit son désir).


"Telle est la culpabilité qu’a dégagée, dans l’espace du savoir rationnel pur, la psychanalyse. Lacan souligne ainsi que la psychanalyse ne vise en rien à « apaiser la culpabilité ». Il y a certes, d’après lui, une culpabilité fausse, dont il convient, autant qu’il est possible, de se libérer. C’est la culpabilité de l’« homme du commun », « reflet de sa haine pour le créateur quel qu’il soit qui l’a fait si faible et si insuffisante créature ». Mais il y a aussi une culpabilité fondamentale qu’il faut reconnaître, et qui est d’« avoir cédé sur son désir », c’est-à-dire d’avoir renoncé à son être d’individu, en se soumettant au « service des biens », à l’ordre commun du monde."
JURANVILLE, 2000, ALTER

ALIENATION, Capitalisme, Psychanalyse, Pulsion de mort

Le discours psychanalytique ne supprime pas l'aliénation, même s'il donne toutes les conditions nécessaires (venues de l'Autre) pour que la vérité puisse advenir dans la parole du patient et que celui-ci se libère de ses symptômes sous leur forme maligne ; tout simplement parce qu'il ne supprime pas la pulsion de mort, toujours à l'oeuvre derrière le masque grimaçant du Surmoi et de la culpabilité, de sorte que le patient peut toujours faire le choix paradoxal de l'aliénation en se soumettant à ce "mauvais" Autre plutôt qu'à l'Autre vrai. De la même manière le droit, pour le sujet social, n'a pas vocation à éliminer toute aliénation dès lors que pris dans le système capitaliste - lequel, en s'adossant au droit, limite pourtant (sans les éliminer) ses propres effets pervers - l'individu se laisse berner par la pseudo-création de plus-value, interprétée comme plus-de-jouir par Lacan, autrement dit le contraire même de la création, de sorte que cette participation volontaire à la jouissance capitaliste le conduit non seulement à s'aliéner aux biens du maître mais aussi à perdre réellement ses droits (alors que toutes les conditions pour en bénéficier étaient données et le sont toujours : l'Autre ne peut donc pas être accusé d'avoir failli à la place du sujet).

"Certes le droit détermine les conditions qui doivent être données socialement à l’existant pour accéder à soi-même. Conditions nécessaires, mais non suffisantes, la possibilité existant toujours, et devenant inévitablement réelle, de ne pas jouir de ses droits, et d’en rester à l’aliénation inéliminable. Le capitalisme est, selon nous, la forme sociale qu’a prise explicitement dans l’histoire – forme inséparable du droit, des progrès du droit – cette aliénation inéliminable."
JURANVILLE, ICFH, 2010 

ACTE, Philosophie, Histoire, Psychanalyse

Comme savoir de la rupture en général, l'histoire s'analyse dans son concept comme événement, récit, puis acte. "Il [l'acte] est ce qui fait accueillir la rupture de l’événement en tant que cette rupture doit se répéter aussi longtemps qu’elle ne s’est pas accomplie dans le savoir." écrit Juranville. Lacan reconnait au seul discours analytique la capacité de faire acte, faisant en sorte que l'Autre, le patient, accède à sa vérité. C'est pourtant en se plaçant sur le terrain de la philosophie, en posant l'être comme vérité du sujet de l'inconscient qu'il a cherché à faire entendre et reconnaitre cet acte analytique. Car la philosophie poursuit elle-même une visée d'acte, acte politique au niveau du sujet social, tout en prenant la psychanalyse comme modèle de discours permettant à l'acte de s'accomplir (le patient y étant placé par l'analyste au lieu de la vérité). Déjà la relation éthique, comme relation à l'homme vrai selon Levinas, relève d'une logique de l'acte - simple visée cependant, sans aller jusqu'à s'accomplir en acte politique. L'acte politique de la philosophie nécessite que celle-ci accorde sa grâce aux autres grands discours, qu'elle reconnaisse leur vérité partielle et qu'elle s'efface comme pouvoir face à l'Autre absolu de la religion. L'acte propre de la philosophie est donc bien l'achèvement de l'histoire. L'acte comme fin de l'histoire (et épiphanie des religions) s'analyse alors comme libération (l'acte en lui-même), responsabilité (ce dans quoi et par quoi s’accomplit l’acte), enfin comme révélation (ce qui inspire l'acte jusqu'à son accomplissement).

"Freud et Lacan, le premier en l’introduisant, le second en l’accomplissant, ont montré, dans la psychanalyse, le modèle de l’acte – de l’acte en tant que seul il peut s’opposer réellement à la catastrophe absolue qu’est l’holocauste. Freud, parce qu’il a affirmé l’inconscient dans le cadre d’une relation thérapeutique, a pu donner à ce concept toute sa portée. Et il a découvert alors, d’une part, l’inéliminable de la pulsion de mort – d’où son pressentiment de l’holocauste, la pulsion de mort ne pouvant, face à l’exigence d’entrer dans la fin de l’histoire, qu’entraîner vers la catastrophe absolue –, d’autre part la possibilité offerte par la psychanalyse, en s’affrontant à la pulsion de mort, de faire triompher sur elle la pulsion de vie – acte."
JURANVILLE, 2007, EVENEMENT

DISCOURS, Vérité, Autre, Individu

Là où le problème donne lieu au savoir, le paradoxe donne lieu au discours qui a pour mission de le soutenir : pour cela il doit se faire raison et vérité, vérité donnée à la raison. Sa totale cohérence ne suffit pas (illusion métaphysique) s'il faut que l'Autre endosse et reconstitue à son tour le discours, le vérifie. La vérité ne peut surgit que de l'Autre et le modèle du discours de vérité est bien sûr celui de l'Autre absolu comme Fils, comme Verbe. En ce sens le discours est le pendant, du côté du paradoxe, de l'amour du côté du sacrifice. Ce discours vrai tenu par l'Autre absolu, par le Fils incarné dans le Christ, correspond dans le système des discours au discours de l'individu ; c'est logiquement le discours premier de l'existant, mais c'est aussi celui que le sujet individuel, par finitude, et a fortiori le sujet social, par intolérance, rejette systématiquement. Dans l'histoire il fut introduit par Socrate, comme par exception, puis universalisé par le Christ pour toucher cette fois le sujet social et remettre en question l'ensemble du monde sacrificiel. Il se présente comme le discours paradoxal par excellence. Redécouverte dans le discours analytique, la parole de vérité toujours menacée d'exclusion (qu'elle soit religieuse ou psychanalytique), nécessite toutefois d'être justifiée rationnellement - et fixée socialement - dans le cadre d'un discours philosophique (universitaire) qui ne rejetterait pas par avance la perspective d'un savoir vrai.

" Certes ce discours vrai de l’individu avait déjà surgi, dans l’histoire, avec Socrate. Mais il devait, pour toucher le sujet social lui-même, et introduire à une effective mise en question du monde sacrificiel, être tenu par l’Autre absolu lui-même. Et il est en l’occurrence le discours du Christ dans son enseignement. Discours constamment paradoxal. Éminemment dans le « Sermon sur la Montagne », et notamment dans les « Béatitudes » par lesquelles ce sermon commence : « Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux. Heureux les affligés, car ils seront consolés. Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés. Heureux ceux qui sont persécutés… » Discours vrai qui dispense sa grâce, puisque la grâce est ce qui permet qu’il passe à son Autre Mais discours vrai qui dispense aussi son élection, puisqu’il faudra que l’existant à son tour tienne un tel discours et entre dans sa passion."
JURANVILLE, 2007, EVENEMENT

DISCOURS, Psychanalyse, Parole, Ecriture, LACAN

La psychanalyse n'est pas une science, car comment vérifier une hypothèse et une méthode qui sont mises en oeuvre et ne s'éprouvent que par le seul amour de transfert ? Elle est bien plutôt un discours spécifique, celui qui pose l'existence de l'inconscient en tant qu'Autre, au-delà de la seule parole de l'analysant qui est pourtant invitée à éclore au sein de ce dispositif. Pour Lacan, le discours est « une structure nécessaire qui dépasse de beaucoup la parole, toujours plus ou moins occasionnelle ». C'est pourquoi, en tant qu'il est tenu initialement par l'analyste, occupant la place silencieuse de l'objet-déchet, ce discours est qualifié paradoxalement de "discours sans parole" par Lacan, « ce qui ne désigne rien d’autre que le discours que supporte l’écriture » précise-t-il.

"Le psychanalyste fait donc passer son affirmation de l’inconscient, pour autant qu’il tient son discours de la place silencieuse de l’objet sexuel comme déchet. Ce qui peut sembler paradoxal, puisqu’il s’agit d’un discours. Mais, pour Lacan, le discours est « une structure nécessaire qui dépasse de beaucoup la parole, toujours plus ou moins occasionnelle ». Et il dit, de manière provocante : « L’essence du discours psychanalytique est un discours sans parole. » Le discours psychanalytique se caractérise, c’est bien connu, par le silence du psychanalyste. Un tel silence (de l’espèce de celui que nomme Yves Bonnefoy quand il dit : « Insinue dans ce cœur, pour qu’il ne cesse pas, Ton silence comme une cause fabuleuse ») ne se contente pas de faire taire le bavardage pour laisser venir une parole vraie. En tant qu’il soutient un discours, il suppose une écriture (le « discours sans parole » est, pour Lacan, « ce qui ne désigne rien d’autre que le discours que supporte l’écriture ». Dire silencieux certes, mais le discours psychanalytique énonce quand même l’affirmation de l’inconscient et il reçoit tout un développement de la place du patient-analysant, Lacan soulignant que, par rapport à son auditoire, lui-même est à cette place (« À votre égard, je ne puis être ici qu’en position d’analysant »."
JURANVILLE, 2010, ICFH

PSYCHANALYSE, Foi, Existence, Philosophie

Si la psychanalyse n'est pas une science mais un discours affirmant l'inconscient comme Autre, et même nommément comme "discours de l'Autre", ce discours analytique ne peut se soutenir en dernière instance - dans la perspective de l'existence - que de la foi. L'analyse comporte alors les trois conditions d'une relation authentique à l'existence, consistant à dépasser justement le refus de l’existence (finitude radicale) et d’accéder à l’autonomie réelle : la grâce (par laquelle l'analyste s'efface comme maître de vérité), l'élection (par laquelle l'analysant est désigné comme détenteur d'une vérité), enfin la foi (par laquelle il est possible de tirer parti, pour soi-même et pour les autres, de cette vérité). Enfin si la psychanalyse n'est pas non plus philosophie, elle permet de dépasser l'impuissance caractéristique des philosophies de l'existence, arrêtées au stade la grâce avec Kierkegaard notamment (refusant, au nom de la finitude, d'envisager l'accès au savoir de l'autonomie), ou arrêtées au stade de l'élection avec Levinas et la pensée messianique (refusant, au nom d'un absolutisme de l'altérité, de mettre en oeuvre le savoir pratique de l'autonomie).

"Or ce discours ne passe comme vrai à son Autre que parce qu’il ne pose pas comme tel son savoir et parce qu’il est tenu de la place silencieuse de l’objet sexuel comme déchet. Car le psychanalyste doit, pour faire passer à l’Autre l’affirmation de l’inconscient, reconnaître en acte sa finitude radicale à soi. Ce qui est, à la fois, tenir compte de l’argument kierkegaardien et y passer outre. Et ce que le psychanalyste fait par cela seul qu’il affirme l’inconscient, puisqu’affirmer l’inconscient, c’est pour lui, là où il allait être pris pour un maître qui sait (conscience souveraine), poser que la vérité est en l’Autre qui se rapporte ainsi à lui, et même en un Autre absolu au-delà de tout l’ordre humain. Reconnaissance en acte de la finitude radicale qui a, bien sûr, cette conséquence qu’aux yeux de la psychanalyse l’existant n’a pas à donner infiniment à l’autre existant. Il ne le peut pas. Et l’exiger de soi serait, pour lui, se fabriquer une image idéale (le « donateur infini ») qui deviendrait une idole dont il serait lui-même le déchet – de même qu’il serait alors le déchet de l’autre existant. C’est là une critique décisive de l’argument lévinassien."
JURANVILLE, 2010, ICFH

CHOSE, Métaphore, Psychanalyse, Philosophie

Au-delà du corps maternel, objet mythique du désir, au-delà de l'objet fini de la pulsion, la Chose ("freudienne", comme l'appelle Lacan) est l'énonciation vraie, la vérité parlante ; elle surgit socialement dans le discours psychanalytique pour accomplir la métaphore de l'être, substituer l'être à l'étant au niveau du sujet individuel ; mais comme il est impossible pour la psychanalyse d'accomplir cette métaphore jusqu'au bout et en son nom dans le champ social, il revient à la philosophie, dispensant sa grâce au sujet social, se faisant Chose elle-même (c'est la "chose" philosophique, l'affaire propre de la philosophie), de déployer la métaphore de l'être cette fois à l'échelle de l'histoire - même si elle devra à son tour, à un moment, reconnaître son impuissance politique, et en appeler à la religion qui seule peut donner sa vérité et sa légitimité à chacun des discours fondamentaux du champ social.

"La Chose est en soi, dans le monde social où elle émerge et pour autant que ce monde a rompu avec la violence sacrificielle et qu’il laisse place au savoir vrai, ce que Lacan appelle « la Chose freudienne », à laquelle il fait dire : « Moi, la vérité, je parle. » Elle s’incarne décisivement dans le psychanalyste énonçant: Il y a l’inconscient, laisse venir librement les paroles qui sont en toi et il se révélera... Elle s’incarne socialement dans le discours qu’elle tient en parlant et qui est le discours psychanalytique... Ce discours dit l’inconscient, il le dit en tant que l’inconscient serait l’être passant à l’étant humain. Mais il ne peut le dire comme tel jusqu’au bout, de façon pleinement rationnelle, parce que ce serait perdre la grâce qu’il dispense à son autre et se contredire. De là ce que dit Lacan rejoignant à sa manière ce que nous appelons la métaphore de l’être : « L’inconscient est ce qui, de parler, détermine le sujet en tant qu’être, mais être à rayer de cette métonymie dont je supporte le désir en tant qu’impossible à dire comme tel. » Reste que la Chose freudienne, le discours psychanalytique, ne peut pas s’assurer sa présence dans le monde social... Et qu’il faut donc, pour garantir cette présence, un discours qui, reprenant tout ce qu’a apporté le discours psychanalytique, et le posant comme être, à la fois institue et justifie de façon absolument rationnelle un monde sans plus aucune violence sacrificielle institutionnalisée. C’est précisément la tâche de la philosophie, du discours philosophique. [Lesquel] dispense sa grâce propre à l’existant comme sujet social, comme tenant l’un des discours fondamentaux du monde social et y prenant ainsi une position... Telle est, au-delà de la Chose psychanalytique, la Chose philosophique dans laquelle s’accomplit, selon la métaphore de l’être, toute l’histoire universelle."
JURANVILLE, 2024, PL

INDIVIDU, Libération, Altérité, Psychanalyse

L'individu est l'altérité absolue de la libération et son essence, il est ce qui doit finalement être libéré ; et le discours psychanalytique est le moyen de cette libération, contre le discours du maître, et avec la philosophie en permettant à celle-ci de se penser comme savoir effectif.

"La libération n'est fixée socialement — et l'acte philosophique définitivement accompli — que si, dans le savoir philosophique, est proclamé l'individu comme ce qui doit être libéré, qui l'est finalement et qui, de là, devient libérateur. C'est ce que permet, à la philosophie, l'émergence sociale de la psychanalyse, qui montre comment l'existant devient un tel individu. Car la psychanalyse permet à la philosophie et de se penser et de se poser comme savoir et, dans ce savoir, de poser comme effectif et objectif l'avènement, dans le monde social, de l'individu. Car la psychanalyse montre comment se produit cet avènement. Comment l'existant peut-il sortir de la position, toujours première, de déchet fasciné devant celui qui tient le discours et qui est devenu pour lui, au mieux, un idéal et un modèle ? En s'établissant dans l'épreuve de la finitude. Ce vers quoi le dirige l'Autre et avant tout l'Autre absolu, et ce qu'il ne peut qu'en s'installant dans son unicité hors de tout modèle et en constituant et reconstituant à partir de là son identité. Unicité et identité, cela définit l'individu. L'individu est donc l'altérité absolue de la libération et son essence."
JURANVILLE, FHER, 2019