CHOSE, Métaphore, Psychanalyse, Philosophie

Au-delà du corps maternel, objet mythique du désir, au-delà de l'objet fini de la pulsion, la Chose ("freudienne", comme l'appelle Lacan) est l'énonciation vraie, la vérité parlante ; elle surgit socialement dans le discours psychanalytique pour accomplir la métaphore de l'être, substituer l'être à l'étant au niveau du sujet individuel ; mais comme il est impossible pour la psychanalyse d'accomplir cette métaphore jusqu'au bout et en son nom dans le champ social, il revient à la philosophie, dispensant sa grâce au sujet social, se faisant Chose elle-même (c'est la "chose" philosophique, l'affaire propre de la philosophie), de déployer la métaphore de l'être cette fois à l'échelle de l'histoire - même si elle devra à son tour, à un moment, reconnaître son impuissance politique, et en appeler à la religion qui seule peut donner sa vérité et sa légitimité à chacun des discours fondamentaux du champ social.

"La Chose est en soi, dans le monde social où elle émerge et pour autant que ce monde a rompu avec la violence sacrificielle et qu’il laisse place au savoir vrai, ce que Lacan appelle « la Chose freudienne », à laquelle il fait dire : « Moi, la vérité, je parle. » Elle s’incarne décisivement dans le psychanalyste énonçant: Il y a l’inconscient, laisse venir librement les paroles qui sont en toi et il se révélera... Elle s’incarne socialement dans le discours qu’elle tient en parlant et qui est le discours psychanalytique... Ce discours dit l’inconscient, il le dit en tant que l’inconscient serait l’être passant à l’étant humain. Mais il ne peut le dire comme tel jusqu’au bout, de façon pleinement rationnelle, parce que ce serait perdre la grâce qu’il dispense à son autre et se contredire. De là ce que dit Lacan rejoignant à sa manière ce que nous appelons la métaphore de l’être : « L’inconscient est ce qui, de parler, détermine le sujet en tant qu’être, mais être à rayer de cette métonymie dont je supporte le désir en tant qu’impossible à dire comme tel. » Reste que la Chose freudienne, le discours psychanalytique, ne peut pas s’assurer sa présence dans le monde social... Et qu’il faut donc, pour garantir cette présence, un discours qui, reprenant tout ce qu’a apporté le discours psychanalytique, et le posant comme être, à la fois institue et justifie de façon absolument rationnelle un monde sans plus aucune violence sacrificielle institutionnalisée. C’est précisément la tâche de la philosophie, du discours philosophique. [Lesquel] dispense sa grâce propre à l’existant comme sujet social, comme tenant l’un des discours fondamentaux du monde social et y prenant ainsi une position... Telle est, au-delà de la Chose psychanalytique, la Chose philosophique dans laquelle s’accomplit, selon la métaphore de l’être, toute l’histoire universelle."
JURANVILLE, 2024, PL

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