METAPHORE, Identité, Signifiance, Nom, LEVINAS

La métaphore promeut la signifiance d'un terme substitué à un autre (renvoyé provisoirement à la non-signifiance), dont il est maintenant l'Autre vrai, porteur d'une nouvelle identité. Levinas évoque un tel effacement du sujet devant Autrui dont il est responsable : ce n'est rien d'autre qu'une substitution signifiante (métaphore) d'Autrui à moi et une identification de moi à Autrui, mais bien au niveau du dire (signifiance au sens plein - c'est pourquoi il y a obligation, éthique) et non à celui du dit (simple renvoi réciproque, égalitaire, non éthique). Or le premier terme (ou sujet) subissant la substitution ne disparait pas, il est amené à se reconstituer au contraire (après avoir subi jusqu'au bout l'épreuve du non-sens et de la contradiction) par la grâce de cet Autre qui, après l'avoir changé, lui dispense les conditions pour se signifier à nouveau lui-même, c'est-à-dire finalement retrouver la puissance créatrice du nom au moyen de nouvelles métaphores.

"Pourquoi donner une place absolument décisive à la métaphore dans un ouvrage intitulé: Philosophie et langage ? Parce que l’existant a été infidèle (c’est son péché originel, dit Benjamin) à la puissance créatrice du nom; parce que pèse dorénavant sur lui l’exigence de la restaurer effectivement, de reconstituer comme nouvelle l’identité et consistance originelle ; et parce que cette identité pourra alors être principe du savoir philosophique. Or la métaphore permet une telle restauration et reconstitution. Car elle est substitution d’un terme (nom) posé comme pleinement signifiant, lieu d’identité et consistance pleine, à un autre effacé au contraire, renvoyé dans la non-signifiance – le terme effacé ayant à faire jusqu’au bout l’épreuve de sa non-signifiance, jusqu’à se reconstituer comme pleinement signifiant lui aussi. Car l’identité supposée du terme qui subit la substitution est effacée, vidée, réduite à néant par rapport au terme qui lui est substitué et qui est en position d’Autre vrai, lieu par excellence de la vérité, de la signifiance, de l’identité et consistance : la générosité de Booz, trop humain, n’est rien par rapport à celle de la gerbe mythique qui se déploie et s’offre sans réserve... La métaphore peut donc être présentée comme conduisant à l’élaboration d’une identité nouvelle, par identification à l’Autre."
JURANVILLE, 2024, PL

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