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CHRISTIANISME, Rédemption, Grâce, Amour, ROSENZWEIG

La Révélation est amenée à se répéter pour pouvoir être accueillie et acceptée par tous les hommes, conformément à l'amour de Dieu qui est absolu. C'est ainsi que la révélation chrétienne répète la révélation juive, toujours par le Fils (Verbe) mais cette fois explicitement puisqu'il devient Christ Rédempteur du fait de l'Incarnation, de la Passion, et de la Résurrection.


"Le christianisme a comme contenu, pour nous, la grâce originelle supposée par l'élection (et qui doit s'accomplir en elle); la Rédemption dans laquelle le Christ comme le Rédempteur par excellence, permet à chacun de s'établir; et l'amour auquel il appelle chacun, en réponse à l'amour divin. «Voie éternelle», dit Rosenzweig du christianisme, puisque ce dernier met en question en son fondement le paganisme et qu'il dirige tous les hommes, pour autant qu'ils s'en arrachent, vers le monde juste de la Rédemption."
JURANVILLE, UJC, 2021

CHRISTIANISME, Rédemption, Grâce, Amour

Si avec l'amour - amour du Prochain - le christianisme tient son objectivité vraie, il rencontre aussi sa propre contradiction (objective) dans le refus que l'existant et principalement le sujet social oppose à cet amour. C'est la rédemption qui apporte les conditions pour que l'amour devienne objet d'un savoir véritable et conduise à l'autonomie réelle ; la rédemption qui est donc la subjectivité - comme solution à la contradiction objective - du christianisme. Seul le Christ, par son sacrifice, peut accorder la rédemption à l'humanité, la rendre acceptable par tous, comme Dieu le Père l'avait premièrement accordée au peuple juif. Mais si elle est bien sa subjectivité vraie, avec la rédemption le christianisme rencontre aussi sa propre contradiction (subjective) dans le fait que l'existant, s'imaginant libéré de sa finitude, pourrait prétendre passer outre à toute loi (position généralement gnostique, asociale). C'est alors la grâce qui résout cette contradiction subjective, grâce reçue d'abord de l'Autre absolu, grâce que chacun doit communiquer à son tour à son Autre, lui apportant ainsi les conditions de l'autonomie véritable et l'accès au savoir ; la grâce qui est donc bien l'essence du christianisme et son altérité absolue. Cette grâce, qui permet à la rédemption de s'accomplir, et à l'amour de se répandre, le peuple christianisé doit la reconnaître au peuple juif (historiquement par la reconnaissance de l'Etat d'Israël), après la lui avoir longtemps dénié au motif que ce peuple était porteur d'une élection elle aussi refusée.


"Comment le sujet individuel qui proclame une rédemption véritable peut-il, pour le savoir de l'autonomie duquel il se réclame, obtenir l'accord, au moins implicite, du sujet social qui d'abord rejette pareille rédemption ? Comment peut-il éviter de se faire complice de ce rejet ? Il a en propre une autonomie réelle, avec la finitude ; une autonomie à lui permise par l'Autre absolu qui l'a fait son Autre ; une autonomie qui est principe du savoir. Pour que le savoir puisse se poser comme universellement reconnu, il faut simplement que le sujet individuel lui aussi dispense une semblable autonomie donc au sujet social. Autonomie et altérité, cela définit la grâce. Laquelle est donc l'altérité absolue du christianisme et son essence, la solution de sa contradiction subjective. Grâce qui permet à la rédemption d'aller jusqu'à son terme, dans un monde dont l'amour est la valeur suprême (mais où certes la haine inéliminable n'est pas oubliée)."
JURANVILLE, 2019, FHER

CHRISTIANISME, Altérité, Amour, Trinité

La religion, comme savoir de l'altérité, ne parvient à sa vérité que par la révélation qui introduit justement l'altérité vraie, celle du Dieu se rapportant à l'existant comme à son Autre - cet existant étant appelé à faire de même à l'égard de son Autre, d'abord le Dieu et ensuite le Prochain. Autrement dit la révélation appelle à s'identifier à cette hétéronomie divine, ce qui est l'autre nom de l'autonomie. Religion et altérité, cela définit nommément le christianisme en tant que religion de l'amour, puisque l'amour est non seulement ouverture à l'Autre mais transmission à l'Autre de cet amour. Par rapport au judaïsme, où les commandements d'aimer Dieu et le Prochain sont bien présents, le christianisme lui donne une portée universelle et surtout accomplit cet amour dans la Trinité illustrant l'amour parfait entre les trois Personnes.


"Religion et altérité, cela définit selon nous le christianisme. Religion de l'amour en effet, de l'amour qui pose que le mouvement vers l'Autre est bon en soi et qu'il doit s'éveiller en chacun et avant tout en ceux qui reçoivent cet amour. On connaît la réponse du Christ au légiste qui lui demande quel est le plus grand commandement dans la Loi : « "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton Cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit". C'est le premier et le plus grand commandement. Et voici le second, qui lui est semblable : "Tu aimeras ton prochain comme toi-même". De ces deux commandements dépendent la Loi tout entière et les prophètes » (Matthieu, 22, 36-40). Certes ces formules viennent de la Bible juive, du Deutéronome (6, 5) et du Lévitique (19, 18). Mais elles ont reçu dans le christianisme une portée expressément universelle. Le christianisme montre l'amour en Dieu par la Trinité, amour du Père pour le Fils, du Fils pour le Père, des deux pour l'Esprit, de l'Esprit pour le Père et le Fils ; l'amour de Dieu pour les hommes (notamment dans le sacrifice du Christ)."
JURANVILLE, 2019, FHER

CHRIST, Passion, Amour, Grâce, KIERKEGAARD

Dans son affirmation fervente de la vérité du christianisme, Kierkegaard insiste tout particulièrement, voire exclusivement, sur la Passion du Christ (tout en négligeant l'Incarnation et la Résurrection), parce qu'elle se situe au choeur de l'épreuve existentielle du croyant : celui-ci en effet, dans la souffrance et la renonciation à soi, se confrontant avec la finitude, se dispose au mieux à recevoir la grâce et l'amour divins. La fonction sotériologique de la Passion s'avère centrale, la mission du Christ étant bien de sauver l'humanité, de la délivrer du péché. C'est en ceci que le Christ n'est pas un maître à la manière de Socrate, qui engage le disciple à découvrir - au moyen de la réminiscence - le savoir en lui ; la vérité que le croyant est appelé à découvrir, c'est la présence du péché en lui, afin de s'en délivrer, en laissant advenir non pas le savoir mais l'Amour. Si le disciple de Socrate imite son maître de même que ce dernier reconnait et confirme son propre savoir à travers celui du disciple, l'imitateur du Christ dans la Passion reçoit bien l'amour divin en partage, mais cette fois c'est une vérité et une identité nouvelles (une "nouvelle vie" littéralement) qui lui sont données, tout à fait imprévisiblement et unilatéralement, car le dieu n'en avait nullement besoin pour "se connaître" lui-même. La grâce divine établit bien une sorte d'égalité, dans la renonciation, entre le créateur et la créature, mais cette égalité s'arrête à l'individu dans son face à face avec Dieu, et Kierkegaard rejette toute perspective théologico-politique, toute possibilité de convertir la vérité en savoir et l'amour en justice sociale.


"« Le dieu n'a pas besoin de disciple pour se comprendre lui-même. Mais, s'il se meut lui-même et non par besoin, qu'est-ce qui le meut, sinon l'amour ? » (MPh, 72). Amour qui vise l'amour venant, en retour, du disciple, et donc l'égalité (« La préoccupation du dieu est de rétablir l'égalité. Faute d'y réussir, l'amour serait malheureux » MPh, 77). De sorte que le maître divin doit, pour libérer le disciple de l'enchantement et ravissement devant lui-même comme idole, s'abaisser lui-même, se faire simple serviteur. Grâce dispensée par ce maître au disciple qui aura à « recevoir dignement la grâce [ainsi] offerte à tout homme imparfait, c'est-à-dire à chacun de nous » (ECh, 67). Grâce qui lui ouvre la voie pour devenir « homme nouveau », pour re-naître » (MPh, 60 sq). Et cela en aimant à son tour, en ayant foi en ce Dieu qui ne peut pas se communiquer directement et qui doit d'abord susciter le scandale et le rejet : « Il lui faut exiger de devenir objet de foi. Sinon, il devient une idole » (ECh, 131). La Passion du Christ est, à partir de là, non pas à admirer, mais à imiter par l'existant comme sujet individuel. Et cela en s'affrontant à la finitude radicale ou péché, et dans les autres qui le menacent de violence sacrificielle, et en lui-même qui tend à être complice de cette violence. Epreuve de renonciation à soi, à l'identité qu'on s'était fabriquée : « Renonce à toi-même et souffre pour cette raison : tel était le christianisme ». Mais certes épreuve dans laquelle on advient à une nouvelle identité, celle de l'individu qu'est l'homme nouveau : « Au sens chrétien, il n'y a jamais de lutte que celle de l'individu ; car le propre de l'esprit, c'est justement que chacun soit un individu devant Dieu, de sorte que la communauté est une détermination inférieure à celle de l'individu que chacun peut et doit être » (ECh, 108, 174 sq, 188 et 197)."
JURANVILLE, 2019, FHER

CHOSE, Prochain, Proximité, Jouissance, LEVINAS

La Chose se caractérise comme l'unité réelle de la réalité, mais dans son désir d'approcher ce "prochain" au plus près, le sujet fausse à la fois son désir et la Chose elle-même; en la fantasmant comme une unité mythique (c'est le corps de la mère) dont il pourrait jouir : il se confondrait alors avec elle et abdiquerait face à l'épreuve de la finitude et du non-sens. La Chose doit au contraire rester Autre, séparée, pour être désirée comme le prochain. C'est ainsi que Levinas thématise la "proximité" du prochain, une proximité fondamentalement "encombrante", dont le sujet ne sait quoi faire - à part l'aimer, à part se constituer lui-même comme sujet dans l'amour. Mais s'il évoque bien une "sagesse de l'amour", Levinas n'envisage pas, au nom de l'altérité, la possibilité d'établir un savoir effectif de cette proximité.


"Le sujet, dans son désir, veut rendre la chose toujours plus proche, s’approcher toujours plus du cœur de la chose, du cœur qui unifie tout le réel. Mais le sujet, en fait, désire d’abord posséder la chose et, par elle, combler le manque, effacer la finitude. Ainsi avant tout avec ce qui est pour lui, d’après la psychanalyse, la chose primordiale : le Nebenmensch (ou « prochain ») originel dont parle Freud, la mère, le « corps mythique de la mère ». Il découvre alors - ou plutôt doit découvrir, est appelé, par la chose comme Autre, à découvrir - qu’il lui faut renoncer à la jouissance immédiate qu’il peut en prendre."
JURANVILLE, 2000, INCONSCIENT

AUTRE, Désir, Amour, Foi

L'amour défini comme vérité du désir, et d'abord du désir de l'Autre absolu, permet au fini de s'établir dans la foi. La foi dissipe la superstition - ainsi que la primordiale haine de Dieu - dès lors que l'Autre absolu est reconnu non seulement comme désirable mais aussi comme désirant : car l'Autre absolu se rapporte, à son tour, au fini comme à son Autre. Accepter le désir, y compris en assumant l'irréductible sexualité, ouvre le fini à la révélation, via l'amour. De son côté ce que l'Autre absolu désire, à travers son amour pour la créature, c'est qu'elle s'établisse dans son autonomie. Poser objectivement l'autonomie est également le but de la philosophie, amour (et désir) de la "sagesse", mais elle n'y parviendra qu'en déclarant sa foi dans la révélation, car sa raison finie ne sera jamais suffisamment universelle.


"Un tel amour est certes amour du fini pour l’Autre absolu, de l’homme pour Dieu. L’homme veut alors et attend la révélation. Ainsi éminemment pour la philosophie. Qui ne peut, en fin de compte, que « déclarer son impuissance » à faire elle-même accepter par tous son savoir vrai. Et qui doit dès lors proclamer sa foi en l’Autre divin qui se révèle. Mais cet amour est d’abord celui que le sujet fini suppose en l’Autre absolu. ­De cet amour la philosophie comme « amour de la sagesse » a en propre, Levinas lui-même le souligne, de donner la mesure. Car elle veut que chacun accède à l’autonomie, et au vouloir, pour tous les autres, de cette autonomie."
JURANVILLE, ALTER, 2000

AMOUR, Transfert, Séduction, Chose, LACAN

Lacan a pu affirmer que du transfert l’amour était « la face de résistance ». Pour autant il ne faudrait pas confondre l'amour de transfert, bien présent dans l'analyse, avec l'amour qui fait acte, l'amour qui permet d'accéder à la sublimation dans le cadre de la cure. Certes la cure ne va pas sans le transfert, qui ne va pas sans l'amour ; mais cet amour qui se mêle à la haine et qui fonctionne à la séduction doit être dépassé. De quelle haine s'agit-il ? Celle qu'entraîne inévitablement l'identification de l'analyste, par l'analysant, à son propre symptôme - mécanisme propre de la névrose. L'analyste placé dans la position du père réel (en tant qu'imaginarisé, donc finalement du père imaginaire), dans le cadre du transfert, est ainsi aimé comme son propre symptôme et fatalement haï pour la même raison. De quelle séduction maintenant s'agit-il ? L'analyste, depuis la place de la Chose qu'il occupe, ouvre structurellement à l'analysant l'occasion de s'identifier au père symbolique ; il le fait en lui communiquant son amour, celui qu'il puise dans le savoir qu'il incarne en tant que la Chose. Mais en tant que névrosé, le sujet analysant refuse cette identification (qui le confronterait à la castration), comme il refuse cet amour de l'analyste auquel il réplique et résiste par l'amour de transfert (amour-séduction), comme il refuse ce savoir de la Chose en faisant de l'analyste un sujet, un "sujet supposé savoir".


"Pour permettre de passer outre au transfert et rendre possible la sublimation, l’analyste doit effectuer sans cesse son propre travail de deuil, ouvrir par son interprétation équivoque et énigmatique un espace pour la parole de l’analysant. Répondre aux séductions du transfert par le refus de se prendre pour le maître, et à la haine par un amour, un autre amour que celui de la névrose. Cet autre amour est de structure, mais il prolonge l’amour névrotique. C’est lui qui fait acte."
JURANVILLE, 1984, LPH  

AMOUR, Savoir, Névrose, Femme, LACAN

En affirmant « la femme ne peut aimer en l’homme que la façon dont il fait face au savoir dont il âme », Lacan renvoie au savoir impliqué par le symptôme, et donc l'amour éprouvé dans le cadre de la névrose, y compris l'amour de transfert. Et il oppose au savoir "dont on âme" le "savoir dont on est", hors refoulement, à situer du côté de l'analyste, qui suscite lui aussi de l'amour. L'amour, quel qu'il soit, se supporte d’un certain rapport entre deux savoirs inconscients, et chacun y "marque la trace de son exil, non comme sujet, mais comme parlant, de son exil du rapport sexuel" - c'est en quoi la parole amoureuse, sur la voie de la sublimation, supplée au non-rapport sexuel. Mais sur cette voie l'amour névrotique, passant par l'identification au symptôme, doit être dépassé dans sa composante de haine... car "l'insu c'est la Mourre" ironise Lacan... pour parvenir à aimer le savoir inconscient de l'autre... "l’insu que sait de l’une-bévue"... , en bref celui qui aime est aimé comme celui qui sait est su. Cela ne veut pas dire que l'amour lève tout le refoulé, ou que la sublimation soit sans limite : la rencontre de l'Autre sexe - toujours féminin, en un sens - peut bien avoir lieu, cet Autre reste malgré tout l'Autre, et une femme comme le dit Lacan, irréductiblement, reste "un symptôme pour tout homme".


"Le savoir de l'analyste doit être distingué du savoir qu’aurait un « sujet supposé savoir », tout savoir de sujet étant nécessairement un savoir qui ne rencontre pas de limites, un savoir de l’ordre de l’écriture de la science, savoir séparé de sa vérité. Il doit être distingué aussi du savoir névrotique qui fait la vérité de ce savoir de la science. Évoquant un amour qui ne peut être qu’autre que l’amour névrotique du transfert, Lacan dit que « la femme ne peut aimer en l’homme que la façon dont il fait face au savoir dont il âme », et il oppose ce savoir dont il âme au savoir dont il est. Le savoir dont on « âme », auquel il faut faire face pour accéder à la sublimation, c’est le savoir impliqué par le symptôme, le savoir inconscient de la névrose qui conduit à reconnaître en l’autre l’objet de l’amour névrotique. Le savoir dont on est est le savoir de l’analyste, le savoir de l’écriture parlante, hors de tout refoulement."
JURANVILLE, 1984, LPH 

AMOUR, Analyse, Savoir, Sublimation, LACAN

Ce n'est pas pour rien que Lacan dit, à propos du savoir analytique, qu’il est la « lettre d’amour ». Si l'amour, donc ici le savoir analytique, est « ce qui supplée au rapport sexuel », il est proprement ce qui permet la sublimation dans le cadre l'expérience analytique. Cela ne se comprend que si cette expérience établit un rapport entre la Chose réelle (dont tient lieu l'analyste) et l'Autre symbolique (au lieu duquel est placé l'analysant). Car initialement c'est la Chose maternelle, chose parlante et signifiante quoique réelle, qui appelle le sujet à la place du père symbolique. Elle aime le sujet en le posant comme signifiant, comme Autre ; elle lui adresse cette "lettre d'amour" - ce que fait aussi l'analyste - pour qu'il énonce à son tour, à la place de l'Autre symbolique, ledit signifiant paternel. C'est bien ce qui fait de l'analyse une authentique sublimation, par un authentique acte d'amour, duquel résulte un authentique savoir dont bénéficie le sujet.


"Le savoir psychanalytique n’est pas simplement un savoir théorique. Et il n’est pas non plus un outil pour l’analyste. Il instaure la situation analytique, où la sublimation devient possible. En tant qu’écriture parlante, il fait du psychanalyste la Chose maternelle, qui appelle le sujet à la place du père symbolique. Et fait advenir en lui le signifiant. Ce qui n’est autre que l’aimer... C’est donc l’amour qui, dans la situation analytique, rend possible le passage à la sublimation. Il est alors acte. Le savoir de l’analyste est ainsi ce qui rend possible l’accession du sujet à la sublimation. Et il est également le savoir à quoi parvient le sujet dans la sublimation."
JURANVILLE, 1984, LPH 

AMOUR, Amitié, Démocratie, Politique

La démocratie est à la politique, sur le plan social, ce que l'amitié est à l'amour, sur le plan individuel : à savoir une façon d'assumer la finitude constitutive à laquelle l'homme est confronté dans sa relation avec l'autre. C'est le capitalisme qu'il s'agit d'assumer dans le cadre de la politique, et c'est la sexualité dans le cadre de l'amour.


"L’amour est, quant aux relations individuelles, comme la politique quant aux relations sociales : non pas une relation particulière, mais l'absolutisation ou intensification de toute relation... De même que l'amour, assumant la finitude radicale comme sexualité, laisse place à l'amitié et conduit, au-delà de la passion primordiale, à la vie de l'esprit, de même la politique, assumant cette même finitude comme capitalisme, laisse place à la démocratie."
JURANVILLE, 2015 

AMOUR, Sujet social, Christ, Psychanalyste, SOCRATE

Socrate, le Christ, le psychanalyste : ce sont les trois figures historiques dont on peut attendre qu'elles fassent advenir l'amour dans le monde social, parce que dans les trois cas ce n'est pas seulement un amour abstrait qui est donné, mais bien toutes les conditions pour qu'il devienne réalité. Socrate aime le disciple : il lui dispense d'abord sa grâce, en tant que maître, par sa déclaration de non-savoir. Il lui transmet ensuite l'élection, à charge pour lui d'entrer à son tour dans le dialogue et de surmonter la contradiction pour accéder au savoir et à cet objet précieux - objet d'amour autant que de désir - qu'est la sagesse. Certes, en raison de cette élection même et de la nature de cet objet, sagesse et amour ne seront pas accordés effectivement à tous, et la philosophie doit prendre acte de son incapacité à instituer, seule, un monde juste. Le Christ aime le disciple : il dispense sa grâce d'Autre absolu au disciple et à tout homme en tant que sujet social, prêche l'amour du Prochain et l'exigence de justice pour tous, mais bien sûr il ne peut faire que tous soient égaux devant l'élection que cette grâce implique, aussi le christianisme doit-il prendre acte de son échec à réaliser la justice sociale dans le monde. Le psychanalyste aime le patient ...même si c'est le patient qui éprouve l'amour de transfert (à quoi ne se résume pas l'amour) mais c'est l'analyste qui transfère premièrement, qui donne l'amour depuis le lieu qu'il occupe réellement, et inconsciemment, celui de la Chose. En tout cas il dispense au patient cette grâce de lui supposer un inconscient comme lieu de la vérité, mais aussi - là réside l'élection - il lui offre de devenir un sujet individuel (et pas seulement un sujet social) ayant à conquérir son autonomie. Et donc, une fois de plus, il n'appartient pas directement au discours analytique de réaliser la justice sociale, il reviendra toujours à la philosophie - maintenant inspirée par la psychanalyse - d'enseigner, pour qui veut l'entendre, l'amour, la justice, et cette fois explicitement la reconnaissance de l'individu véritable.

"Pour nous, et Socrate, et le Christ par excellence, et le psychanalyste aiment, et la succession historique de ces trois amours permet seule que l’amour soit reconnu de tous dans le monde social... La philosophie (le discours philosophique) reprenant la psychanalyse peut montrer en celle-ci le jeu du vrai amour, le psychanalyste transférant le premier sur le patient, et le patient ayant alors à entrer dans le même transfert et dans le même amour. Et c’est ainsi, à la fin de l’histoire ouverte par l’avènement de la philosophie en Grèce, que l’amour peut être reconnu socialement comme il le doit, et comme le voulait la philosophie, tout sujet social ayant la possibilité, dans une relation de l’ordre de celle qu’introduit le discours psychanalytique, d’advenir comme sujet individuel, et de répondre à l’amour (éminemment celui du Christ) par l’amour."
JURANVILLE, 2007, EVENEMENT

AMOUR, Vérité, Altérité, Désir

Si, dans son acte, le sacrifice est renonciation, c’est par et dans l’amour qu’il s’accomplit. Il faut proclamer l'amour pour s'assurer que la relation à l'Autre impliquée dans la renonciation ou encore que l’altérité présente dans l’immédiateté, soit le désir, recevra bien vérité aux yeux de tous, puisque désir et en même temps vérité définissent l'amour. Car dans l'amour le désir est non seulement présent mais réellement accompli, dès lors que l'objet aimé désire à son tour, et réaffirme non simplement le désir tourné vers l'objet mais l'amour de l'Autre comme tel présent dans l'objet. Car le propre du vrai amour est de donner à son objet toutes les conditions pour advenir au même désir et au même amour. Paradigmatiquement, c'est l'amour de Dieu pour la créature par l'intermédiaire du Fils engendré, amour dont le Fils témoigne à son tour en donnant sens à la création, ce qu'il accomplit en donnant son propre amour à l'homme, lequel aime Dieu en retour, et décisivement son Prochain...

"Car dans l’amour il y a un désir, mais un désir d’emblée heureux (et qui ne peut pas être immédiatement déçu), d’emblée accompli et qui, simplement, attend quelque chose de l’objet comme Autre, que l’accomplissement qu’on lui suppose devienne effectif, qu’il s’établisse lui-même dans le même désir heureux présent chez celui qui aime, et dans le même amour. L’amour est donc bien désir et en même temps vérité. Surgissement du désir, du vrai désir, dans le réel, et réeffectuation, re-position de ce désir par tout existant – car un amour qui s’arrêterait à un objet ne peut être que faux, l’amour, comme le désir, allant vers l’Autre comme tel, et voulant simplement, à la différence du désir, faire advenir cet Autre dans son objet. De là la portée, pour la philosophie qui veut l’histoire, et donc la rupture, et donc le sacrifice, et donc la renonciation, de l’amour."
JURANVILLE, 2007, EVENEMENT