La Révélation est amenée à se répéter pour pouvoir être accueillie et acceptée par tous les hommes, conformément à l'amour de Dieu qui est absolu. C'est ainsi que la révélation chrétienne répète la révélation juive, toujours par le Fils (Verbe) mais cette fois explicitement puisqu'il devient Christ Rédempteur du fait de l'Incarnation, de la Passion, et de la Résurrection.
CHRISTIANISME, Rédemption, Grâce, Amour, ROSENZWEIG
CHRISTIANISME, Rédemption, Grâce, Amour
Si avec l'amour - amour du Prochain - le christianisme tient son objectivité vraie, il rencontre aussi sa propre contradiction (objective) dans le refus que l'existant et principalement le sujet social oppose à cet amour. C'est la rédemption qui apporte les conditions pour que l'amour devienne objet d'un savoir véritable et conduise à l'autonomie réelle ; la rédemption qui est donc la subjectivité - comme solution à la contradiction objective - du christianisme. Seul le Christ, par son sacrifice, peut accorder la rédemption à l'humanité, la rendre acceptable par tous, comme Dieu le Père l'avait premièrement accordée au peuple juif. Mais si elle est bien sa subjectivité vraie, avec la rédemption le christianisme rencontre aussi sa propre contradiction (subjective) dans le fait que l'existant, s'imaginant libéré de sa finitude, pourrait prétendre passer outre à toute loi (position généralement gnostique, asociale). C'est alors la grâce qui résout cette contradiction subjective, grâce reçue d'abord de l'Autre absolu, grâce que chacun doit communiquer à son tour à son Autre, lui apportant ainsi les conditions de l'autonomie véritable et l'accès au savoir ; la grâce qui est donc bien l'essence du christianisme et son altérité absolue. Cette grâce, qui permet à la rédemption de s'accomplir, et à l'amour de se répandre, le peuple christianisé doit la reconnaître au peuple juif (historiquement par la reconnaissance de l'Etat d'Israël), après la lui avoir longtemps dénié au motif que ce peuple était porteur d'une élection elle aussi refusée.
CHRISTIANISME, Altérité, Amour, Trinité
La religion, comme savoir de l'altérité, ne parvient à sa vérité que par la révélation qui introduit justement l'altérité vraie, celle du Dieu se rapportant à l'existant comme à son Autre - cet existant étant appelé à faire de même à l'égard de son Autre, d'abord le Dieu et ensuite le Prochain. Autrement dit la révélation appelle à s'identifier à cette hétéronomie divine, ce qui est l'autre nom de l'autonomie. Religion et altérité, cela définit nommément le christianisme en tant que religion de l'amour, puisque l'amour est non seulement ouverture à l'Autre mais transmission à l'Autre de cet amour. Par rapport au judaïsme, où les commandements d'aimer Dieu et le Prochain sont bien présents, le christianisme lui donne une portée universelle et surtout accomplit cet amour dans la Trinité illustrant l'amour parfait entre les trois Personnes.
CHRIST, Passion, Amour, Grâce, KIERKEGAARD
"« Le dieu n'a pas besoin de disciple pour se comprendre lui-même. Mais, s'il se meut lui-même et non par besoin, qu'est-ce qui le meut, sinon l'amour ? » (MPh, 72). Amour qui vise l'amour venant, en retour, du disciple, et donc l'égalité (« La préoccupation du dieu est de rétablir l'égalité. Faute d'y réussir, l'amour serait malheureux » MPh, 77). De sorte que le maître divin doit, pour libérer le disciple de l'enchantement et ravissement devant lui-même comme idole, s'abaisser lui-même, se faire simple serviteur. Grâce dispensée par ce maître au disciple qui aura à « recevoir dignement la grâce [ainsi] offerte à tout homme imparfait, c'est-à-dire à chacun de nous » (ECh, 67). Grâce qui lui ouvre la voie pour devenir « homme nouveau », pour re-naître » (MPh, 60 sq). Et cela en aimant à son tour, en ayant foi en ce Dieu qui ne peut pas se communiquer directement et qui doit d'abord susciter le scandale et le rejet : « Il lui faut exiger de devenir objet de foi. Sinon, il devient une idole » (ECh, 131). La Passion du Christ est, à partir de là, non pas à admirer, mais à imiter par l'existant comme sujet individuel. Et cela en s'affrontant à la finitude radicale ou péché, et dans les autres qui le menacent de violence sacrificielle, et en lui-même qui tend à être complice de cette violence. Epreuve de renonciation à soi, à l'identité qu'on s'était fabriquée : « Renonce à toi-même et souffre pour cette raison : tel était le christianisme ». Mais certes épreuve dans laquelle on advient à une nouvelle identité, celle de l'individu qu'est l'homme nouveau : « Au sens chrétien, il n'y a jamais de lutte que celle de l'individu ; car le propre de l'esprit, c'est justement que chacun soit un individu devant Dieu, de sorte que la communauté est une détermination inférieure à celle de l'individu que chacun peut et doit être » (ECh, 108, 174 sq, 188 et 197)."
JURANVILLE, 2019, FHER
CHOSE, Prochain, Proximité, Jouissance, LEVINAS
La Chose se caractérise comme l'unité réelle de la réalité, mais dans son désir d'approcher ce "prochain" au plus près, le sujet fausse à la fois son désir et la Chose elle-même; en la fantasmant comme une unité mythique (c'est le corps de la mère) dont il pourrait jouir : il se confondrait alors avec elle et abdiquerait face à l'épreuve de la finitude et du non-sens. La Chose doit au contraire rester Autre, séparée, pour être désirée comme le prochain. C'est ainsi que Levinas thématise la "proximité" du prochain, une proximité fondamentalement "encombrante", dont le sujet ne sait quoi faire - à part l'aimer, à part se constituer lui-même comme sujet dans l'amour. Mais s'il évoque bien une "sagesse de l'amour", Levinas n'envisage pas, au nom de l'altérité, la possibilité d'établir un savoir effectif de cette proximité.
AUTRE, Désir, Amour, Foi
L'amour défini comme vérité du désir, et d'abord du désir de l'Autre absolu, permet au fini de s'établir dans la foi. La foi dissipe la superstition - ainsi que la primordiale haine de Dieu - dès lors que l'Autre absolu est reconnu non seulement comme désirable mais aussi comme désirant : car l'Autre absolu se rapporte, à son tour, au fini comme à son Autre. Accepter le désir, y compris en assumant l'irréductible sexualité, ouvre le fini à la révélation, via l'amour. De son côté ce que l'Autre absolu désire, à travers son amour pour la créature, c'est qu'elle s'établisse dans son autonomie. Poser objectivement l'autonomie est également le but de la philosophie, amour (et désir) de la "sagesse", mais elle n'y parviendra qu'en déclarant sa foi dans la révélation, car sa raison finie ne sera jamais suffisamment universelle.
AMOUR, Transfert, Séduction, Chose, LACAN
Lacan a pu affirmer que du transfert l’amour était « la face de résistance ». Pour autant il ne faudrait pas confondre l'amour de transfert, bien présent dans l'analyse, avec l'amour qui fait acte, l'amour qui permet d'accéder à la sublimation dans le cadre de la cure. Certes la cure ne va pas sans le transfert, qui ne va pas sans l'amour ; mais cet amour qui se mêle à la haine et qui fonctionne à la séduction doit être dépassé. De quelle haine s'agit-il ? Celle qu'entraîne inévitablement l'identification de l'analyste, par l'analysant, à son propre symptôme - mécanisme propre de la névrose. L'analyste placé dans la position du père réel (en tant qu'imaginarisé, donc finalement du père imaginaire), dans le cadre du transfert, est ainsi aimé comme son propre symptôme et fatalement haï pour la même raison. De quelle séduction maintenant s'agit-il ? L'analyste, depuis la place de la Chose qu'il occupe, ouvre structurellement à l'analysant l'occasion de s'identifier au père symbolique ; il le fait en lui communiquant son amour, celui qu'il puise dans le savoir qu'il incarne en tant que la Chose. Mais en tant que névrosé, le sujet analysant refuse cette identification (qui le confronterait à la castration), comme il refuse cet amour de l'analyste auquel il réplique et résiste par l'amour de transfert (amour-séduction), comme il refuse ce savoir de la Chose en faisant de l'analyste un sujet, un "sujet supposé savoir".
AMOUR, Savoir, Névrose, Femme, LACAN
En affirmant « la femme ne peut aimer en l’homme que la façon dont il fait face au savoir dont il âme », Lacan renvoie au savoir impliqué par le symptôme, et donc l'amour éprouvé dans le cadre de la névrose, y compris l'amour de transfert. Et il oppose au savoir "dont on âme" le "savoir dont on est", hors refoulement, à situer du côté de l'analyste, qui suscite lui aussi de l'amour. L'amour, quel qu'il soit, se supporte d’un certain rapport entre deux savoirs inconscients, et chacun y "marque la trace de son exil, non comme sujet, mais comme parlant, de son exil du rapport sexuel" - c'est en quoi la parole amoureuse, sur la voie de la sublimation, supplée au non-rapport sexuel. Mais sur cette voie l'amour névrotique, passant par l'identification au symptôme, doit être dépassé dans sa composante de haine... car "l'insu c'est la Mourre" ironise Lacan... pour parvenir à aimer le savoir inconscient de l'autre... "l’insu que sait de l’une-bévue"... , en bref celui qui aime est aimé comme celui qui sait est su. Cela ne veut pas dire que l'amour lève tout le refoulé, ou que la sublimation soit sans limite : la rencontre de l'Autre sexe - toujours féminin, en un sens - peut bien avoir lieu, cet Autre reste malgré tout l'Autre, et une femme comme le dit Lacan, irréductiblement, reste "un symptôme pour tout homme".
AMOUR, Analyse, Savoir, Sublimation, LACAN
Ce n'est pas pour rien que Lacan dit, à propos du savoir analytique, qu’il est la « lettre d’amour ». Si l'amour, donc ici le savoir analytique, est « ce qui supplée au rapport sexuel », il est proprement ce qui permet la sublimation dans le cadre l'expérience analytique. Cela ne se comprend que si cette expérience établit un rapport entre la Chose réelle (dont tient lieu l'analyste) et l'Autre symbolique (au lieu duquel est placé l'analysant). Car initialement c'est la Chose maternelle, chose parlante et signifiante quoique réelle, qui appelle le sujet à la place du père symbolique. Elle aime le sujet en le posant comme signifiant, comme Autre ; elle lui adresse cette "lettre d'amour" - ce que fait aussi l'analyste - pour qu'il énonce à son tour, à la place de l'Autre symbolique, ledit signifiant paternel. C'est bien ce qui fait de l'analyse une authentique sublimation, par un authentique acte d'amour, duquel résulte un authentique savoir dont bénéficie le sujet.
AMOUR, Amitié, Démocratie, Politique
La démocratie est à la politique, sur le plan social, ce que l'amitié est à l'amour, sur le plan individuel : à savoir une façon d'assumer la finitude constitutive à laquelle l'homme est confronté dans sa relation avec l'autre. C'est le capitalisme qu'il s'agit d'assumer dans le cadre de la politique, et c'est la sexualité dans le cadre de l'amour.
AMOUR, Sujet social, Christ, Psychanalyste, SOCRATE
Socrate, le Christ, le psychanalyste : ce sont les trois figures historiques dont on peut attendre qu'elles fassent advenir l'amour dans le monde social, parce que dans les trois cas ce n'est pas seulement un amour abstrait qui est donné, mais bien toutes les conditions pour qu'il devienne réalité. Socrate aime le disciple : il lui dispense d'abord sa grâce, en tant que maître, par sa déclaration de non-savoir. Il lui transmet ensuite l'élection, à charge pour lui d'entrer à son tour dans le dialogue et de surmonter la contradiction pour accéder au savoir et à cet objet précieux - objet d'amour autant que de désir - qu'est la sagesse. Certes, en raison de cette élection même et de la nature de cet objet, sagesse et amour ne seront pas accordés effectivement à tous, et la philosophie doit prendre acte de son incapacité à instituer, seule, un monde juste. Le Christ aime le disciple : il dispense sa grâce d'Autre absolu au disciple et à tout homme en tant que sujet social, prêche l'amour du Prochain et l'exigence de justice pour tous, mais bien sûr il ne peut faire que tous soient égaux devant l'élection que cette grâce implique, aussi le christianisme doit-il prendre acte de son échec à réaliser la justice sociale dans le monde. Le psychanalyste aime le patient ...même si c'est le patient qui éprouve l'amour de transfert (à quoi ne se résume pas l'amour) mais c'est l'analyste qui transfère premièrement, qui donne l'amour depuis le lieu qu'il occupe réellement, et inconsciemment, celui de la Chose. En tout cas il dispense au patient cette grâce de lui supposer un inconscient comme lieu de la vérité, mais aussi - là réside l'élection - il lui offre de devenir un sujet individuel (et pas seulement un sujet social) ayant à conquérir son autonomie. Et donc, une fois de plus, il n'appartient pas directement au discours analytique de réaliser la justice sociale, il reviendra toujours à la philosophie - maintenant inspirée par la psychanalyse - d'enseigner, pour qui veut l'entendre, l'amour, la justice, et cette fois explicitement la reconnaissance de l'individu véritable.
AMOUR, Vérité, Altérité, Désir
Si, dans son acte, le sacrifice est renonciation, c’est par et dans l’amour qu’il s’accomplit. Il faut proclamer l'amour pour s'assurer que la relation à l'Autre impliquée dans la renonciation ou encore que l’altérité présente dans l’immédiateté, soit le désir, recevra bien vérité aux yeux de tous, puisque désir et en même temps vérité définissent l'amour. Car dans l'amour le désir est non seulement présent mais réellement accompli, dès lors que l'objet aimé désire à son tour, et réaffirme non simplement le désir tourné vers l'objet mais l'amour de l'Autre comme tel présent dans l'objet. Car le propre du vrai amour est de donner à son objet toutes les conditions pour advenir au même désir et au même amour. Paradigmatiquement, c'est l'amour de Dieu pour la créature par l'intermédiaire du Fils engendré, amour dont le Fils témoigne à son tour en donnant sens à la création, ce qu'il accomplit en donnant son propre amour à l'homme, lequel aime Dieu en retour, et décisivement son Prochain...