La philosophie à la fois suppose la démocratie (elle ne pouvait naître que sous un régime laissant une place à la parole de l'individu) et accomplit la démocratie, en ceci qu'elle éduque le peuple au sens critique afin que le débat rationnel et éclairé prenne le pas sur la simple "opinion". L'opinion n'est pas fausse en soi, elle est avant tout irréfléchie et mimétique ; elle se contente d'opiner, de dire oui aux idées préconçues, aux normes établies, ce qui motivait déjà les réserves de Platon l'égard d'un tel régime. Celui qui opine ne remet pas en cause les identités immédiates ou déjà-là, il tend à répéter et à valider dans son discours les normes les plus traditionnelles, les plus communément admises et souvent les plus injustes (car injustifiées). Celui qui, dans pareil contexte, tente de porter malgré tout un discours critique, un discours de vérité, sera immanquablement accusé de trahison, condamné et, selon le contexte, sacrifié aux "dieux de la Cité" : tel fut le sort de Socrate. A notre époque, le "règne de l'opinion" est amplifié par les moyens technologiques, et si le risque encouru par l'individu déviant est nettement moins sévère (essentiellement en raison des progrès du droit), le principal danger demeure celui qu'avait dénoncé Platon, à savoir que le règne de l'opinion conduit tout droit à la tyrannie.
DEMOCRATIE, Opinion, Philosophie, Norme, PLATON
ALTERITE, Même, Autre, Existence, PLATON, HEGEL
La métaphysique, de Platon à Hegel, confère bien à l'altérité une fonction nécessaire, dans la formation des idées ou dans fabrication du monde, mais elle ne lui reconnait aucune existence essentielle. Ainsi chez Platon, comme genre supérieur dans le Sophiste, ou comme force "rebelle" dans le Timée, l'Autre se contente - contraint et forcé - de participer au Même. Chez Hegel, l'Autre en tant qu'altération est bien au principe de l'accomplissement du Même, mais en tant que tel il ressortit au "mauvais infini" : en effet le changement est susceptible de créer à l'infini de nouvelles identités, lesquelles seraient vaines si on ne les reliait pas au développement du Concept, entité qui est essentiellement relation à soi-même puisque le Même se retrouve toujours dans l'Autre (là réside le "bon infini"). Dans la réalité supérieure de l'esprit, selon Hegel, quelque chose de vraiment autre, demeurant autre, n'existe tout simplement pas.