La rencontre de l'Autre, en qui réside initialement le sens, ouvre la perspective d'un savoir du sens (ou savoir de l'âme, dirait Kierkegaard) qui, reconstitué, trouve son objectivité dans le langage poétique, domaine de la métaphore. Pris dans sa simple possibilité, ce savoir nouveau s'exprime dans la poésie en tant que langage épique et par la métaphore en tant que substitution ; il trouve sa forme matérielle et sa reconnaissance sociale dans les arts plastiques (liés à l'espace, d'où leur caractère épique selon Rosenzweig). Pris maintenant dans sa corruptibilité (car sa réalité est faite de contradictions), ce savoir s'exprime dans la poésie en tant que langage lyrique et par la métaphore en tant qu'accentuation ; sa forme matérielle et son existence sociale se retrouvent dans la musique (liée au flux du temps). Pris enfin dans sa personnalité, résolvant les conflits, le savoir de l'âme s'exprime dans la poésie en tant que langage dramatique et par la métaphore comme identification ; il affirme son objectivité et son existence sociale dans les arts de la représentation (liés à l'action).
"Si l'art est ce par quoi s'obtient l'accord de tous les individus d'une communauté, la poésie (comme vérité de l'existence) est ce par quoi l'homme fait exister au sens plein du terme, en lui donnant consistance, ce qui apparaît autour de lui. La poésie est "art général", dit Hegel, ce que reprend Rosenzweig. Qui en fait "l'art vivant au sens propre", avant que Heidegger ne proclame que "Tout Art est dans son essence poésie". Par une modalité qui établit la représentation dans sa consistance. Dans une consistance qui est elle-même nécessité."
JURANVILLE, 2015, LCEDL