Affichage des articles dont le libellé est Parole. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Parole. Afficher tous les articles

CONTRADICTION, Parole, Autre, Inconscient

Le premier stade du paradoxe est la contradiction, puisqu'il s'agit de s'opposer à une soi-disant vérité, niant la finitude radicale, pour en proposer une autre qui, justement ne soit pas purement formelle ou convenue, mais existentielle : il s'agit d'un acte authentique, toujours d'abord refusé. Pour cette raison la source de la contradiction essentielle ne saurait être que l'Autre, l'Autre absolu, et puisqu'elle survient comme parole, parole pure (ou pure signifiance), elle ne saurait être que celle du Fils engendré. Ajoutons qu'il faut la grâce de cet Autre pour que la contradiction soit, non seulement formulée, mais solutionnée ; il faut que l'Autre absolu se retire d'une certaine façon, afin de laisser l'existant accueillir la contradiction, et réaliser son oeuvre, métaphorique, de substitution. Encore faut-il que la vérité nouvelle puisse se déployer jusqu'à l'objectivité, ce qui représente le but de la conscience, mais seulement lorsque l'inconscient, comme parole Autre et contradiction pure au niveau du sujet, a été entendu et analysé (ce qui ne serait pas possible si l'Autre inconscient ne dispensait pas sa grâce, en se faisant lui-même non-sens et non pensée, en se faisant objet).


"L’existant cependant refuse d’abord une telle contradiction essentielle qui, venant de l’Autre, et même, au fond, de l’Autre absolu, et étant la parole même, lui ferait dégager, comme nous venons de l’évoquer, toute l’objectivité vraie et existante. Face à quoi pareille contradiction ne peut revenir– et certes elle revient– que par l’Autre absolu comme Fils incarné dans le Christ. Incarnation absolument décisive pour l’histoire. Et l’Autre absolu surgissant comme contradiction essentielle de l’Homme-Dieu donne à l’existant toutes les conditions pour accueillir cette contradiction. Ce que celui-ci fait et a à faire en tant que conscience, puisque devant la contradiction il est et doit devenir toujours plus conscience, comme on l’a vu. Mais ce qu’il ne peut faire qu’en reconnaissant la conscience fausse qui était et demeure toujours d’abord la sienne. Et en accueillant, comme conscience devenue vraie, la contradiction pure qu’est alors l’inconscient même – lequel est, en soi, parole et, en fait, l’Homme-Dieu."
JURANVILLE, 2007, EVENEMENT

CHOSE, Signifiant, Nom, Parole, LACAN

Si la Chose est certes signifiante, incarnant le signifiant dans le réel, et même "rassemblant le monde" (Heidegger), c'est le Père symbolique qui instaure le monde au moyen de la nomination. Par elle-même la Chose est signifiant pur, avant toute émergence du signifié, et si Lacan dit qu'elle "fait mot" ("motus"), c'est seulement parce qu'elle est nommée ; et en ce sens toute chose rencontrée est la Chose, même si pour tout homme elle est d'abord la mère en appelant au Nom-du-Père. En un sens la Chose parle, non en disant ceci ou cela, mais en faisant référence à l'Autre elle incarne la possibilité et l'instant même de la parole. C'est pour cela que les hommes ont à rencontrer les choses comme choses, et par là-même à se confronter avec la castration, posés qu'ils sont par la Chose, d'abord maternelle, en tant que sujets parlant (Heidegger dirait plutôt "habiter le monde en poète"). Seule la théorie lacanienne du signifiant implique la réalité ontologique de la Chose à la limite entre le monde et le réel.


"La Chose, au sens le plus quotidien, est donc le signifiant surgissant comme signifiant, incarné, dans le réel. Réalité muette du signifiant pur, si la parole suppose le signifié. Lacan dit que la Chose « fait mot », au sens où le mot (= motus), c’est ce qui se tait. Mais en même temps elle introduit au monde par sa référence à l’Autre de la loi et du Nom. Toute chose est à chaque fois l’occasion de la rencontre de « la Chose », dès lors que s’y produit ce surgissement du signifiant verbal pur. Non dans sa détermination spécifique (tel signifiant plutôt que tel autre, ce qui renvoie non plus au réel, mais au symbolique), mais dans la coupure de son émergence : soit l’instant de la parole. Toute chose la plus commune, pour autant qu’elle nous convie à la considérer comme chose, est la rencontre de l’autre sujet dans son corps advenant à la subjectivité... Mais dans l’existence commune, on ne laisse de tenter d’esquiver cette présence insuppressible de la Chose dans la parole, soit aussi des choses dans le monde."
JURANVILLE, LPH, 1984

CHOSE, Individu, Abandon, Parole

Le sujet doit se poser comme l'Autre de la Chose, pour devenir enfin Chose lui-même. Comment ? En se faisant Individu, contre le monde social qui tend à s'identifier abusivement à la Chose, hors toute finitude, et qui sacrifie quiconque se proclame individu (le Christ suprêmement). Il s'agit pour le sujet de recueillir l'être de Chose que la Chose lui cède par sa parole créatrice, comme à son tour il abandonnera l'être aux Choses en les nommant.


"L’individu est ainsi celui dans lequel s’accomplit l’abandon. Celui auquel la chose parlante et créatrice s’abandonne, jusqu’à ce qu’il s’abandonne à son tour, par sa propre parole créatrice. Celui, on peut le dire aussi, auquel les choses ont été abandonnées par la parole originelle, et qui a dès lors, dans sa propre parole abandonnante et créatrice, « nominative », à les nommer et les re-nommer, les créer et les re-créer – comme dans la Genèse, où il est dit des bêtes sauvages et des oiseaux du ciel que Dieu « les amena à l’homme pour voir comment celui-ci les appellerait : chacun devrait porter le nom que l’homme lui aurait donné ». "
JURANVILLE, 2000, JEU

ACTE, Analyse, Parole, Interprétation

Ce qui se passe dans l'analyse relève d'un acte de parole, celui de l'analyste. Même si c'est l'analysant qui parle (comme sujet barré) et l'analyste qui se tait (comme objet 'a' d"abord, présent physiquement, mais comme Chose signifiante ensuite), en réalité l'analysant fait bien acte d'écriture en cherchant à formuler (certes oralement) le signifiant-maître S1 (même si c'est l'analyste qui prend des notes), et l'analyste fait bien acte de parole lorsque, intervenant depuis son écoute attentive et/ou distraite, sa coupure opportune suscite au lieu de l'analysant une interprétation. Dès lors, même s'il doit parler effectivement, c'est comme si c'était l'analysant, car c'est toujours au lieu de l'analysant que l'interprétation se fait.

"Comment s’accomplit l’acte psychanalytique ? Il est acte de parole, propre à l’analyste. À quoi doit répondre l’acte d’écriture de l’analysant... C’est en tant que la Chose que l’analyste parle. Même et surtout dans son silence. C’est sa parole effective au contraire qui peut marquer sa résistance et conduire à l’échec. Quand il interprète, c’est au lieu où se déroule la parole effective, et où il s’agit d’éviter que le signifiant verbal ne s’efface au profit du symptôme. L’interprétation juste est énoncée au lieu de l’analysant, comme par l’analysant. Mais elle est l’acte de l’analyste."
JURANVILLE, LPH, 1984

DISCOURS, Vérité, Autre, Individu

Là où le problème donne lieu au savoir, le paradoxe donne lieu au discours qui a pour mission de le soutenir : pour cela il doit se faire raison et vérité, vérité donnée à la raison. Sa totale cohérence ne suffit pas (illusion métaphysique) s'il faut que l'Autre endosse et reconstitue à son tour le discours, le vérifie. La vérité ne peut surgit que de l'Autre et le modèle du discours de vérité est bien sûr celui de l'Autre absolu comme Fils, comme Verbe. En ce sens le discours est le pendant, du côté du paradoxe, de l'amour du côté du sacrifice. Ce discours vrai tenu par l'Autre absolu, par le Fils incarné dans le Christ, correspond dans le système des discours au discours de l'individu ; c'est logiquement le discours premier de l'existant, mais c'est aussi celui que le sujet individuel, par finitude, et a fortiori le sujet social, par intolérance, rejette systématiquement. Dans l'histoire il fut introduit par Socrate, comme par exception, puis universalisé par le Christ pour toucher cette fois le sujet social et remettre en question l'ensemble du monde sacrificiel. Il se présente comme le discours paradoxal par excellence. Redécouverte dans le discours analytique, la parole de vérité toujours menacée d'exclusion (qu'elle soit religieuse ou psychanalytique), nécessite toutefois d'être justifiée rationnellement - et fixée socialement - dans le cadre d'un discours philosophique (universitaire) qui ne rejetterait pas par avance la perspective d'un savoir vrai.

" Certes ce discours vrai de l’individu avait déjà surgi, dans l’histoire, avec Socrate. Mais il devait, pour toucher le sujet social lui-même, et introduire à une effective mise en question du monde sacrificiel, être tenu par l’Autre absolu lui-même. Et il est en l’occurrence le discours du Christ dans son enseignement. Discours constamment paradoxal. Éminemment dans le « Sermon sur la Montagne », et notamment dans les « Béatitudes » par lesquelles ce sermon commence : « Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux. Heureux les affligés, car ils seront consolés. Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés. Heureux ceux qui sont persécutés… » Discours vrai qui dispense sa grâce, puisque la grâce est ce qui permet qu’il passe à son Autre Mais discours vrai qui dispense aussi son élection, puisqu’il faudra que l’existant à son tour tienne un tel discours et entre dans sa passion."
JURANVILLE, 2007, EVENEMENT

DISCOURS, Psychanalyse, Parole, Ecriture, LACAN

La psychanalyse n'est pas une science, car comment vérifier une hypothèse et une méthode qui sont mises en oeuvre et ne s'éprouvent que par le seul amour de transfert ? Elle est bien plutôt un discours spécifique, celui qui pose l'existence de l'inconscient en tant qu'Autre, au-delà de la seule parole de l'analysant qui est pourtant invitée à éclore au sein de ce dispositif. Pour Lacan, le discours est « une structure nécessaire qui dépasse de beaucoup la parole, toujours plus ou moins occasionnelle ». C'est pourquoi, en tant qu'il est tenu initialement par l'analyste, occupant la place silencieuse de l'objet-déchet, ce discours est qualifié paradoxalement de "discours sans parole" par Lacan, « ce qui ne désigne rien d’autre que le discours que supporte l’écriture » précise-t-il.

"Le psychanalyste fait donc passer son affirmation de l’inconscient, pour autant qu’il tient son discours de la place silencieuse de l’objet sexuel comme déchet. Ce qui peut sembler paradoxal, puisqu’il s’agit d’un discours. Mais, pour Lacan, le discours est « une structure nécessaire qui dépasse de beaucoup la parole, toujours plus ou moins occasionnelle ». Et il dit, de manière provocante : « L’essence du discours psychanalytique est un discours sans parole. » Le discours psychanalytique se caractérise, c’est bien connu, par le silence du psychanalyste. Un tel silence (de l’espèce de celui que nomme Yves Bonnefoy quand il dit : « Insinue dans ce cœur, pour qu’il ne cesse pas, Ton silence comme une cause fabuleuse ») ne se contente pas de faire taire le bavardage pour laisser venir une parole vraie. En tant qu’il soutient un discours, il suppose une écriture (le « discours sans parole » est, pour Lacan, « ce qui ne désigne rien d’autre que le discours que supporte l’écriture ». Dire silencieux certes, mais le discours psychanalytique énonce quand même l’affirmation de l’inconscient et il reçoit tout un développement de la place du patient-analysant, Lacan soulignant que, par rapport à son auditoire, lui-même est à cette place (« À votre égard, je ne puis être ici qu’en position d’analysant »."
JURANVILLE, 2010, ICFH

ABANDON, Finitude, Parole, Signifiance

L'abandon se définit comme vérité de la finitude, assentiment donné à cette finitude que l'on éprouve dans la relation à l'Autre, dans l'idée que l'Autre donnera aussi vérité à la finitude en s'abandonnant à son tour, jusqu'à ce que tout homme finisse pas reconnaitre cette finitude principalement dans le savoir. Or accueillir la finitude et s'abandonner dans le savoir revient à accueillir la signifiance, la vérité de la signifiance c'est-à-dire la parole - parole qui est ce que l'on donne, donc l'acte même de l'abandon, à tout Autre, jusqu'à la constitution d'un savoir rationnel pour tous.

"Parce que l’abandon n’est pas simplement finitude, mais vérité de la finitude, celle-ci devant apparaître bonne et essentielle aux yeux de tous, accueillir l’abandon essentiel, c’est accueillir la vérité de la signifiance, celle-ci devant, elle aussi, apparaître essentielle aux yeux de tous ; c’est donc accueillir la parole. Parole qui, comme vérité et en même temps signifiance, est ainsi l’acte de l’abandon, l’acte par lequel celui qui s’abandonne se tourne vers son Autre dont il attend le même abandon – et la même parole. L’abandon étant ce par quoi on veut le jeu, et s’engage à l’instituer ou le réinstituer comme nouveau, la parole est alors l’objectivité même de la puissance créatrice, en l’Autre absolument Autre et, à partir de là, dans le fini... Et principe créateur, par lequel on s’engage à assumer toute la finitude et à répondre à toutes les objections. De là le poids d’une vraie parole, par exemple quand on « donne sa parole » – et tous n’ont pas de « parole », ne sont pas capables de « donner leur parole ». Et signifiance supposée venir en l’Autre. Pas de parole qui ne vise la parole de l’Autre, qui n’appelle à parler."
JURANVILLE, 2000, JEU

INDIVIDU, Parrhèsia, Parole, Autrui, FOUCAULT

Le Parrhèsiaste ne désigne pas seulement l'homme du "souci de soi", "celui qui fait valoir sa propre liberté d'individu qui parle" selon Foucault, il est aussi l'homme qui se soucie d'autrui en lui tenant une parole de vérité tout en laissant advenir en l'autre, tel Socrate par la vertu du dialogue, une même parole de vérité.

"La captation par le social est mise en question avec l’avènement du l’histoire. Et c’est alors qu’apparaît l’individualisme. Ce qu’a parfaitement dégagé Foucault avec le thème du “souci de soi” - qui se complète, quand il s’agit de l'individu véritable, du « souci de l'autre » et qui se noue alors autour du terme de parrhèsia. Socrate, qui fonde, repris par Platon, la philosophie, c'est par excellence, dit-il, « le parrhèsiaste », « celui qui fait valoir sa propre liberté d'individu qui parle ». « C'est l'homme du souci de soi et il le restera », mais aussi celui du souci des autres et même du souci que ces autres pourraient avoir pour leurs autres (il est "celui qui guide les autres vers le soin d'eux-mêmes, et éventuellement vers la possibilité de prendre soin des autres"). Celui qui, tout en maintenant l'exigence du savoir - à quoi il a été appelé par l'oracle de Delphes : « Connais-toi toi-même » -, s'efface comme maître qui sait ; affirme son non-savoir ; et soutient que la vérité est en chacun comme individu et qu'il faut la laisser venir, par la parole, dans le dialogue entre individus. Cet individualisme de la pratique socratique se prolongeant, pour Foucault, à l'époque hellénistico-romaine et s'épanouissant, pour lui, avec le christianisme."
JURANVILLE, 2021, UJC