Dans la métaphore de l'être il est essentiel que l'être soit tout autre, et non de même nature que l'étant : il est verbe, ou temps réel, quand l'étant est nom, ou temps imaginaire ; de même lorsque Heidegger pose l'homme comme Dasein, métaphoriquement, le Dasein devient l'Autre de l'être, du Sein ; de même encore lorsqu'il remplace finalement le Sein (être) par l'Ereignis (Evénement originel) - exempt d'ontologie, donc de savoir, selon lui -, l'Ereignis donne son propre nom à l'homme, Eigen, qui devient l'Autre de cet Autre. Le déploiement de la métaphore de l'être serait ainsi parvenu à son troisième moment, celui de l'altérité, mais aucune reconnaissance universelle du savoir philosophique n'est envisageable selon Heidegger...
"La reconnaissance universelle du savoir philosophique est rendue philosophiquement concevable quand le déploiement de la métaphore de l’être parvient à son troisième moment. Que l’Autre, avant tout l’Autre absolu, est affirmé comme lieu premier de la vérité. Et que l’homme, l’étant humain, est en position de devenir l’Autre de cet Autre. Troisième moment où la métaphore rétrospective, comme dans le cas d’Abraham et de Jacob, est énoncée expressément (ici celle qui substitue l’être à l’étant). Heidegger aurait perçu, selon Levinas – c’est capital pour la métaphore –, que l’être est tout autre que l’étant, qu’il est verbe (pour nous, temps réel), quand l’étant est substantif (pour nous, temps imaginaire). C’est ainsi que Heidegger, à partir de l’être, Sein, comme Autre absolu, pose l’homme comme Dasein, non plus simplement un étant, mais l’être lui-même, l’être-là. C’est la métaphore. L’homme posé comme l’Autre de l’Autre, comme doué, malgré et avec sa finitude radicale, d’une vérité nouvelle et propre, créatrice de même que celle de l’Autre absolu."
JURANVILLE, 2024, PL