Le principe universel de la démocratie devrait s’appliquer à tous car il remet en cause les hiérarchies - traditionnelles - qui continuent de paupériser et d'exclure certains peuples de la coopération des nations, les rendant toujours plus vulnérables au colonialisme qui n'a pas rendu les armes. Mais il affronte deux obstacles, justement liés au colonialisme : d’une part, une science dominée par quelques nations et intégrée au capitalisme ; d’autre part, une vision fantasmée d’une démocratie absolue se réclamant du communisme, mais dissimulant son échec par un impérialisme accru. L’anticolonialisme authentique permet de dépasser ces freins : il préserve les apports de la philosophie et du judéo-christianisme — justice, autonomie individuelle, confrontation à la finitude — tout en dénonçant leur dévoiement lors des entreprises coloniales. Reconnaître cette falsification et admettre que toutes les civilisations disposent en elles des ressources pour accéder aux valeurs universelles est la meilleure façon d'affirmer celles-ci et de les partager.
"L'universel de la démocratie devrait en soi déjà, de même que ceux de l'État, de l'église et de la science, s'étendre à l'univers entier. Il le devrait parce qu'il met en question, comme universel surgissant en l'Autre et ne venant à l'existant que pour autant que ce dernier est et se veut l'élu de cette Autre, les hiérarchies traditionnelles empêchant certains peuples d'entrer dans le mouvement de l'histoire. Et cependant, de même que ceux de l'État, de l'église et de la science, il se heurte à un double obstacle qui résulte là aussi du paganisme fondamental de l'humain."
JURANVILLE, 2015, LCEDL