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ENTENDEMENT, Liberté, Subjectivité, Objectivité, HEGEL

Hegel, en maintenant la primauté du tout, ne peut admettre la vérité propre de l’entendement spéculatif, qui affirme l’autonomie du sujet — condition pourtant centrale de l’existence. L’entendement kantien ou scientifique, en cherchant un sens objectif, exclut la liberté en imposant des catégories fixes qui déterminent le réel à l’avance. Or la raison hégélienne reproduit cette logique en prétendant unir forme et contenu tout en niant la subjectivité. La philosophie analytique prolonge ce rejet du sujet en concevant le sens comme indépendant de toute production subjective. À l’inverse, la pensée de l’existence — surtout chez Heidegger — affirme une liberté créatrice de sens, projetant des possibilités nouvelles, mais elle refuse d’en reconnaître l'objectivité et de lui donner un nouvel entendement conceptuel.


"Hegel ne peut mesurer ce qui devient central avec l’existence : que le sujet doit, pour accéder au vrai, se séparer du tout et s’établir dans son autonomie d’individu. Soit on veut un sens objectivement reconnu. Et alors ce sens, certes déterminé par le sujet, et par le sujet comme inéluctablement libre, exclut la liberté, et donc ce qui compte par excellence pour tout sujet. Tel est, au-delà de l’entendement classique, qui suppose la même évidence du monde et du savoir, l’entendement commun, scientifique, celui dont Kant a fait la théorie... Soit on affirme, contre cet entendement, mais aussi contre la raison hégélienne qui le prolonge, et contre le sens (objectif) selon la philosophie analytique, la liberté vraie, existante, et ce qu’est réellement pour celle-ci le sens, un sens qui vaut pour l’Autre, et donc un sens objectif. Et alors cette liberté exclut qu’aucun sens vrai et objectif puisse être reconnu comme tel. Ainsi pour la pensée de l’existence en général, et notamment pour Heidegger."
JURANVILLE, 2000, JEU

ELECTION, Névrose, Subjectivité, Objectivité

Entrer dans la subjectivité essentielle, en donnant vérité à la névrose, suppose d'accueillir l'élection qui appelle à reconstituer, en tant que sujet autonome, l'objectivité vraie. (Engagement auquel n'invite pas expressément la grâce, lorsque qu'elle "touche" l'objet fini devenant oeuvre absolue, et qu'elle donne ainsi vérité à la perversion, notamment dans l'art.) L'élection, la philosophie la revendique comme étant universelle (mais la métaphysique ne saurait mesurer le réel de la finitude, soit le rejet que toujours d'abord l'existant lui oppose), également la psychanalyse, pour peu que la névrose n'y soit pas simplement dénoncée (ou traitée) comme "pathologique" mais comme le creuset d'une subjectivité vraie pouvant mener à une objectivité reconnue.


"C’est aussi l’élection dont se réclame tout créateur individuel. C’est encore, décisive pour l’histoire universelle, celle qui caractérise, et que pose comme universelle, la philosophie, le discours philosophique – qui veut que la raison vaille pour tous. Élection qui, à travers le discours philosophique, est celle aussi du discours psychanalytique. Certes, si l’on ne pose pas ainsi l’élection, la névrose ne peut pas être ce par quoi le fini se pose comme sujet absolu existant qui, d’une part, assumera sa primordiale fuite devant la finitude – culpabilité – et, d’autre part, reconstituera, à partir de là, l’objectivité vraie – bonheur. Elle ne peut donc pas être, comme nous le voulions, ce par quoi le fini accomplit effectivement son choix (principe subjectif de l’altérité essentielle)."
JURANVILLE, 2000, ALTERITE

CRITIQUE, Fondation, Philosophie, Certitude

Pour éviter d'être vaine et de s'assimiler à un refus de tout savoir, pour accomplir la vocation politique de la philosophie, la critique (qui est, rappelons-le, négation et savoir) ne saurait être immédiate ; elle présuppose la question comme ce qui accomplit la vocation éthique de la philosophie. Mais c'est bien la politique qui, finalement, justifie l'éthique, et en constitue l'aboutissement. Grâce à la critique, la philosophie est doublement fondatrice. D'abord, du côté de l'objet, elle permet de fonder l'objectivité vraie face à l'objectivité ordinaire, laquelle tend toujours à s'absoluiser faussement : elle le fait par la puissance spéculative et créatrice (métaphorique) du concept. Ensuite, du côté du sujet, elle permet à la subjectivité de se fonder elle-même sur la certitude, comme fondatrice du savoir et de l'objectivité du savoir. Mais ce principe fondateur subjectif implique la reconnaissance de la finitude radicale - par le moi s'identifiant à l'Autre absolu et assumant l'élection, donc pas seulement en tant qu'individu.


"C’est ainsi par le moi que se déploie subjectivement la critique. Moi qui a fait, comme individu, dans la position d’exclu de la « scène primitive », sous la menace du sacrifice, l’épreuve de la finitude radicale. Moi qui est entré, comme individu, dans le travail de l’œuvre et de la question – car, s’il s’engage dans cette épreuve en tant que moi, c’est en tant qu’individu qu’il la fait. Mais moi qui, par la critique, vise expressément (c’est son élection de moi, au-delà de la grâce de l’individu, de même que l’élection du concept va au-delà de la grâce de l’être) à instituer le monde juste où chacun pourra devenir individu – et moi."
JURANVILLE, 2000, JEU

CONSCIENCE, Entendement, Subjectivité, Sens

Pour le sujet fini, la conscience se manifeste initialement par la reconnaissance de ce qui est objectivement partagé dans son monde. Cependant, la vraie conscience définie comme sens et subjectivité, émerge lorsque le sujet reconstitue un sens objectif à partir de sa propre liberté. C'est la condition pour que lui-même, mais aussi tout autre, puisse "entende" (et comprendre) le sens de ce qui est dit. Ce sens concerne l’existence humaine, dans sa finitude et son autonomie, lorsqu'interviennent les concepts philosophiques : correctement définis et articulés, ils deviennent des règles pour la pensée, à réinstituer à chaque fois par chaque sujet.


"Sens et subjectivité définissent l’entendement : quand il produit le sens à partir de soi, le sujet « entend », « comprend », ce qu’il dit et ce qui est. C’est donc par l’entendement que se donne la conscience. Entendement qui en est l’acte, comme la jouissance, sens et temporalité, est l’acte de verra, de l’inconscient. Le sens que produit un tel entendement est celui, suprêmement, de l’existence, dans sa finitude et son autonomie... Par l’entendement le fini devient ainsi parfaitement l’Autre (dans sa puissance créatrice). La conscience constituante de Husserl, laquelle, à partir du noème, et donc, à la fois, de l’idée du sens et de la réalité du non-sens, crée ou plutôt recrée l’objet."
JURANVILLE, 2000, JEU

CONSCIENCE, Entendement, Autre, Subjectivité

La conscience, devenue psychologique ou phénoménologique, s'accomplit dans l'entendement qui est subjectivité et sens (l'on se fait sujet de l'Autre, dont la parole a été, littéralement, "entendue"). C'est le moment de l'objectivité absolue de la conscience, cette conscience que Husserl nomme "constituante", quand le travail des concepts, notamment dans la philosophie, devient effectif et ce jusqu'au savoir.


"La conscience se donne au savoir comme entendement... On a ouï (ouïr, d'audire) l'appel de l'Autre, on y a obéi (obéir, d'oboedire, ob-audire), on l'a entendu (au sens de l'entendement — entendre a pris en français le sens d'ouïr, mais en gardant celui de comprendre). C'est la « vocation » en tant qu'elle mène jusqu'au bout de l'œuvre. Et c'est, pour l'œuvre qu'est la philosophie, la formation et l'usage des concepts spéculatifs où la conscience philosophique répond à la parole (appel) de l'Autre en supposant dans ses objets (et en elle-même) la même parole."
JURANVILLE, HUCM, 2017

CERTITUDE, Subjectivité, Critique, Finitude, DESCARTES

L’individu qui se revendique d’une vision absolue doit reconnaître que l’objectivité ordinaire, qu’il absolutise illusoirement, est produite par sa propre subjectivité. Il doit commencer par poser la subjectivité comme source de l’objectivité absolue. La certitude, position de la subjectivité, et l’évidence, position de l’objectivité, sont au cœur de la critique, ce par quoi et ce dans quoi elle s'accomplit. Dans la deuxième Méditation, après le doute radical provoqué par l'hypothèse du Malin Génie, Descartes affirme la certitude du « Je suis, j’existe », mais cette certitude reste ponctuelle et dépendante de la pensée. Elle nécessite la confirmation divine pour atteindre une identité durable, permettant de déployer le savoir vrai de la critique. Cependant - contradiction subjective de la critique -, d'une telle certitude essentielle l’individu ne veut pas, il est prêt à accepter une objectivité comme celle qu’induit la subjectivité transcendantale chez Kant, c'est-à-dire celle des sciences positives, tout en refusant la critique radicale de sa propre finitude.


"Comment l’existant qui s’est mis en marge du monde ordinaire et qui se réclame, comme individu, d’une évidence vraiment absolue (c’est sa « vision ») peut-il donner à cette évidence toute son objectivité ? Il est là devant l’objectivité ordinaire. Pour pouvoir réellement la dépasser, il doit découvrir non seulement que c’est par finitude radicale qu’il l’avait faussement absolutisée, mais surtout que c’est lui comme sujet qui la produit et la reproduit : il doit donc poser la subjectivité en lui et en tout existant comme ce qui peut produire et reproduire l’objectivité absolue. Or position et subjectivité définissent la certitude, comme position et objectivité définissent l’évidence. La certitude est ainsi la subjectivité absolue de la critique, ce par quoi elle s’accomplit, comme l’évidence en est l’objectivité absolue, ce dans quoi elle s’accomplit."
JURANVILLE, HUCM, 2017

CERTITUDE, Evidence, Subjectivité, Objectivité

L'évidence, comme la certitude, sont des actes du sujet. L'évidence n'est pas l'objectivité en soi, mais la position subjective de l'objectivité, et en tant que telle l'instrument de la (bonne) mélancolie ; tandis que la certitude n'est pas la subjectivité en soi, mais la position de la subjectivité, et comme telle l'instrument de la culpabilité essentielle. La certitude est l'acte du sujet se posant comme principe de toute objectivité, quant il vise au savoir vrai, et quand l'objectivité commune, avec son évidence trompeuse, s'effondre sous l'effet du doute radical.


"De même que la mélancolie a comme instrument l’évidence, et que c’est ainsi qu’elle apparaît au fini, de même la culpabilité a comme instrument la certitude, par quoi elle se donne au fini... L’évidence, l’évidence vraie, est ce qui attire vers sa propre réeffectuation. La certitude est ce qui pousse à accomplir cette réeffectuation, dans l’œuvre et le savoir."
JURANVILLE, 2000, ALTER

CERTITUDE, Culpabilité, Objectivité, Altérité, DESCARTES

La certitude qui advient au sujet, par l'expérience du cogito et par la grâce du Dieu non trompeur, n'est pas tant un rapport à soi qu'une soumission à l'hétéronomie ; elle se fait instrument de la culpabilité essentielle et fait prendre conscience au sujet qu'il a à s'objectiver, à ne pas en rester à la certitude immédiate de soi. Pourtant, c'est bien comme conscience abstraite ignorant toute finitude, que la subjectivité se pose d'abord intérieurement et qu'elle engage, face au monde, son entreprise d'objectivation. Alors ces deux mouvements inverses, érigeant une subjectivité et une objectivité également absolues, également désincarnées, lui font oublier la certitude première basée sur l'altérité essentielle. Le sujet peut encore reconnaître cette altérité, affirmant sa propre finitude (et culpabilité) mais en occultant cette fois la nécessité de l'objectivation et allant jusqu'à nier toute possibilité d'un savoir vrai. Ce à quoi s'en tient la pensée de l’existence tant qu'elle ignore la vérité structurale de l'inconscient.


"Que la certitude soit l’instrument de la culpabilité, cela se comprend déjà en ce qu’elle rappelle au sujet qu’il a à s’objectiver, à accomplir son œuvre de sujet. C’est cette certitude qui meut Descartes dans sa recherche du principe. C’est elle qu’il dégage comme telle pour y atteindre, puisque c’est à partir d’elle qu’il reconstituera, avec la grâce du Dieu bon, tout le système du savoir vrai."
JURANVILLE, 2000, ALTER

INDIVIDU, Subjectivité, Objectivité, Autre, LACAN

La pensée de l'existence avec Kierkegaard, comme la théorie de l'inconscient avec Lacan, posent la division du sujet en disjoignant temporellement la pensée de l'être ; mais seule la seconde rend possible, pour l'individu, une nouvelle objectivité pour autant que l'Autre lui en donne toutes les conditions : grâce, élection, et foi. En vertu de quoi, de la division du sujet l'on peut repasser à l'indivision, mais cette fois de l'individu, sans quoi aucune rupture de sa part ne serait possible.

"L’individu peut et doit, en tant que subjectivité existante, parvenir à l'objectivité. Car la subjectivité est relation à l’Autre et épreuve, dans cette relation, d’une contradiction à traverser pour devenir pleinement objectif (reconnu)... Mais la relation à l’Autre ne saurait demeurer, aux yeux de qui affirme l’existence, ce qu’elle était pour la pensée moderne, une relation qu’une subjectivité toujours déjà là ouvre pour s’objectiver et se connaître. Aux yeux de qui affirme l’existence, la relation à l’Autre survient imprévisiblement, faisant s’effondrer toute subjectivité déjà là. C’est une telle subjectivité qui commence par l’épreuve de pareil effondrement que vise Lacan quand il déclare : « De naître avec le signifiant, le sujet naît divisé. » Division du sujet qu’il a pu commenter ainsi : « Je pense où je ne suis pas, donc je suis où je ne pense pas. » Où il retrouve Kierkegaard opposant, à la subjectivité moderne, la « subjectivité de l’éthique et de l’existence », celle qui assume que « l’existence sépare la pensée et l’être, les tient distants l’un de l’autre dans la succession »... Certes la subjectivité se caractérise initialement et constitutivement par sa « division ». Certes, dans la relation à l’Autre, elle est, toujours d’abord et chaque fois à nouveau, objet, par quoi elle doit reconnaître et à partir de quoi elle doit éprouver sa finitude radicale (c’est ce que Lacan appelle l’objet « a ») – elle est en cela subjectivité finie, se sachant objet fini. Mais elle peut alors, par l’Autre, passer de sa « division » à une « indivision » d’individu, de monade – et devenir, comme, formellement, chez Hegel, subjectivité absolue menant l’objectivité jusqu’à son terme. Indivision du sujet avant tout par la grâce venue de l’Autre, sans laquelle il ne saurait y avoir d’individu... Mais indivision du sujet aussi par l’élection venue de l’Autre, sans laquelle l’individu ne pourrait pas s’engager à accomplir la rupture. Et par la foi venue de l’Autre, sans laquelle l’individu n’accomplirait pas effectivement, dans l’objectivité, cette rupture."
JURANVILLE, 2010, ICFH