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CONTRADICTION, Identité, Essence, Objectivité, HEGEL

La contradiction se présente comme la négation d'une identité, et plus profondément d'une essence reconnue comme fausse au coeur de cette identité. Grâce à la contradiction, la véritable essence peut être posée dans le concept ; mais cette essence sera nécessairement faussée, par finitude, et donc à son tour contredite. D'une façon générale, la contradiction fait s'effondrer, chez le sujet ou en dehors de lui, toute identité supposée déjà là et donc anticipative ; corollairement elle fait découvrir l'Autre comme le lieu premier de la vérité. La contradiction principale, bien décrite par Hegel, est celle du sujet et de l'objet, puisque le premier n'a de cesse, sur le chemin de la reconnaissance, de chercher à s'objectiver ; ce faisant il commence par poser l'identité déjà-là de l'objet, depuis sa propre identité subjective supposée, ce qui n'aboutit qu'à une détermination subjective de l'objet ; il ne lui reste plus qu'à remette également en question sa propre identité subjective. Etc.


"La contradiction devient réelle et vraie, quand l’identité immédiate, même sous sa forme la plus pure, comme anticipative, et aussi l’essence telle qu’elle est d’abord déterminée, sont reconnues comme fausses et comme devant être mises en question. Et donc quand on affirme l’existence. La vraie contradiction, d’une part, fait s’effondrer l’identité que se supposait toujours déjà le sujet ; d’autre part, elle fait découvrir l’Autre comme lieu premier de l’identité vraie par laquelle elle se résoudra ; et enfin, elle conduit, grâce à ce qui vient de cet Autre, à la position effective, par le sujet, et pour autant qu’il a traversé toute la finitude, de l’identité nouvelle. Elle est en elle- même, parce qu’au fond de l’identité c’est de l’essence qu’il s’agit, négation de l’essence, négation de l’essence fausse, pour accéder à la vraie. Elle prépare au concept, comme position de l’essence, et y appelle. Dans le travail ici présenté, à tous les niveaux de l’analyse, joue une telle contradiction vraie et existante. L’essence est posée, sous tel ou tel mode, dans un concept ; mais le fini fausse cette essence ; d’où la contradiction ; et sa résolution dans un nouveau concept, que devra créer ou recréer le fini. La contradiction est ainsi, à tous les niveaux de l’analyse, et dans le cadre, à chaque fois, de la forme métaphorique, le mode général de la progression du savoir."
JURANVILLE, 2000, JEU

CONSCIENCE, Sens, Savoir, Autre, HEGEL, HUSSERL

La conscience n'est pas seulement liberté, mais sens. Or le sens est donné par l'Autre, il s'agit donc que le sujet parvienne au même savoir qu'il suppose en l'Autre ; c'est alors qu'il se fait con-scius, complice ou confident de l'Autre. Hegel se contente de distinguer la conscience d'objet et la conscience de soi, chacune représentant l'Autre par la seconde. Mais cette identification des consciences reste interne au sujet : nul Autre vrai ici pour lui faire éprouver la finitude radicale. Comme si la vérification du savoir, la vraie connaissance, pouvait se réaliser sans l'Autre ! Un début de solution pointe chez Husserl, avec la conscience constituante, déjà ex-sistante - mais il ne précise pas comment cette conscience, d'abord psychologique, devient phénoménologique en s'identifiant à l'Autre pour reconstruire le savoir. Et pour cause : depuis Freud, cet Autre porte le nom d'Inconscient.


"Le sujet comme conscience veut s’être réellement mis du point de vue de l’Autre ; et il ne l’aura fait que s’il lui offre le sens objectif qui lui conviendra, et s’il atteint au même savoir qu’il suppose en cet Autre ; il sera alors con-scius, complice (ou confident) dans le même savoir. Un tel sens, qui est propre, avant tout, à la conscience psychologique (et phénoménologique), est capital aussi, bien sûr, pour la conscience morale, si elle ne veut pas se perdre dans le subjectivisme. La conscience comme liberté et sens est ainsi ce qui, dans le sujet, l’appelle à reconstituer, à « vérifier » ou, mieux, à recréer imprévisiblement, un savoir supposé en l’Autre. Elle est ce qui ouvre au travail de la pensée, et ce qui devient le lieu de ce travail, où peu à peu s’accomplit le savoir. Elle implique une bonne névrose, et la montre permettant tout le déploiement de la sublimation."
JURANVILLE, 2000, JEU

CONSCIENCE, Raison, Totalité, Entendement, HEGEL

Comment le sujet fini, qui vise un jugement vrai en tenant compte de celui de l’Autre sur lui, peut-il éviter de confirmer le jugement d’objectivation condamnante ? Comment aller jusqu’au bout de ce jugement vrai et donner toute sa vérité à la conscience ? Par la raison. Car l’Autre absolu doit être reconnu comme source première du jugement vrai, et le sujet fini, en intégrant ce jugement, doit permettre à tout autre sujet d’y accéder également. C’est ce que permet la raison : vérité de la totalité que chacun peut reconstruire à partir de soi. De même que la création veut l’inconscient, la raison veut la conscience, et dans un monde juste, elle reconnaît en chacun sa puissance créatrice et rationnelle. Hegel a bien pensé la raison comme vérité de la totalité, mais seulement comme un processus naturel ne mobilisant qu'une contradiction apparente. Or le refus de la totalité vraie, par le fini, impose le recours au jugement de l'Autre absolu qui non seulement s'impose comme absolument vrai mais peut être reconstituer par chacun, dans sa solitude et son autonomie d'individu. C'est ici que le jugement vrai, avant de se réaliser dans la raison et dans l'histoire, se forme premièrement dans l'entendement pur individuel - tant critiqué par Hegel. En refusant le jeu essentiel de l'existence, qu'il reconnait pourtant, en ignorant l'oubli inévitable et a fortiori l'oubli essentiel impliqué par cette existence, Hegel ne fait que projeter dans la conscience absolue finale une vérité présente au départ - simple état de fait social - allant progressivement vers sa supposée confirmation.


"Certes Hegel a bien vu que la raison est vérité de la totalité – d’où sa critique, à la fois, contre l’entendement kantien, et contre la raison kantienne. Mais ce qu’il n’a pas vu, et pas pu voir, c’est que la raison ne se réalise pas par un mouvement naturel, qu’elle ne va pas ainsi vers la reconnaissance universelle, et que, dans le mouvement non naturel de sa réalisation, l’entendement pur a une place décisive. Car le fini refuse toujours d’abord la totalité vraie, et s’arrête toujours d’abord à une totalité fausse, sacrificielle. Seul dès lors l’Autre absolu, l’Autre divin, raison universelle, nécessité primordiale, loi, mais loi qui s’efface pour laisser les hommes la recréer librement, peut faire que finalement tous les hommes acceptent la raison. Ce qu’il fait par la révélation. Et le fini qui s’est engagé, porté par la foi, dans la raison, dans la totalité vraie de la raison vraie, doit de son côté, avant de pouvoir faire reconnaître cette totalité et cette raison, parvenir seul à l’entendement pur, dans son autonomie d’individu, dans sa solitude qui est celle aussi, autrement, de l’entendement divin."
JURANVILLE, 2000, JEU

ALTERITE, Même, Autre, Existence, PLATON, HEGEL

La métaphysique, de Platon à Hegel, confère bien à l'altérité une fonction nécessaire, dans la formation des idées ou dans fabrication du monde, mais elle ne lui reconnait aucune existence essentielle. Ainsi chez Platon, comme genre supérieur dans le Sophiste, ou comme force "rebelle" dans le Timée, l'Autre se contente - contraint et forcé - de participer au Même. Chez Hegel, l'Autre en tant qu'altération est bien au principe de l'accomplissement du Même, mais en tant que tel il ressortit au "mauvais infini" : en effet le changement est susceptible de créer à l'infini de nouvelles identités, lesquelles seraient vaines si on ne les reliait pas au développement du Concept, entité qui est essentiellement relation à soi-même puisque le Même se retrouve toujours dans l'Autre (là réside le "bon infini"). Dans la réalité supérieure de l'esprit, selon Hegel, quelque chose de vraiment autre, demeurant autre, n'existe tout simplement pas.


"Il y a bien une forme d’altérité dans la conception traditionnelle et ordinaire... L'altérité n'est alors néanmoins rien d'essentiel et reste prise dans le cadre de l'identité toujours déjà là qui se déploie ou, au mieux (Hegel), se développe en s'approfondissant : l'altérité n'apporte en rien l'essence, rien d'essentiel."
JURANVILLE, 2021, UJC

ALIENATION, Altérité, Identité, Existence, HEGEL

Il y a bien chez Hegel, en tant que point d'aboutissement extrême de la métaphysique, une reconnaissance et une pensée de l'altérité mais seulement comme aliénation surmontée. L'existence apparaît bien comme relation essentielle à l'Autre, lequel s'ouvre en retour à son Autre ; mais cet Autre apparaît finalement conforme à une identité déjà-là, simplement perdue puis retrouvée, finalement désaliénée ; nullement comme un Autre pourvoyeur d'une identité nouvelle et imprévisible, que l'existant devrait découvrir et reconstituer peu à peu.

"Et l’altérité n’aura été, pour Hegel, qu’une aliénation, et une aliénation surmontable. L’ouverture à l’Autre n’aura été que l’occasion de perdre l’identité qu’on s’était donnée – c’est l’aliénation. Non pas pour recevoir de l’Autre, imprévisiblement, une identité nouvelle qu’on aurait à reconstituer peu à peu dans l’épreuve de la finitude radicale – c’eût été l’altérité vraie, inséparable de l’existence essentielle. Mais pour accéder à l’identité (fausse selon nous) qu’on avait toujours déjà au fond de soi – c’est l’aliénation surmontée."
JURANVILLE, ICFH, 2010 

DISCOURS UNIVERSITAIRE, Savoir, Autre, Philosophie, HEGEL

Le discours universitaire s'oppose au discours du maître, et plaçant le savoir et non plus la loi en position dominante, bien qu'il n'efface pas l'effet de fascination propre à tout discours et qu'il reconduise une volonté de pouvoir. L'universitaire (et d'abord le clerc, historiquement) revendique un Autre absolu au-delà du maître, et aussi au-delà de l'objet idolâtré par le peuple. Dans l'optique philosophique qui englobe largement ce discours, cela correspond d'une part à l'attitude critique kantienne (réduction de la connaissance à l'objectivité finie mais supposition d'un Absolu moral au-delà, pour éviter justement l'idolâtrie), d'autre part à la Science hégélienne (pour qui le doute et la finitude font partie du chemin par lequel le Concept en vient à se poser dans sa vérité). Reste une impuissance caractéristique, pour ce discours, à atteindre justement l'Autre (toujours idéalisé, en fait) et donc à rendre crédible la vérité visée. Si Lacan surnomme Hegel « le plus sublime des hystériques », paradoxalement, c'est bien parce que l'effet produit par ce discours (sa chaine signifiante inférieure) reconduit, en l'inversant, la relation signifiante hystérique (chaine supérieure dudit discours) en tant qu'elle se méprend, typiquement, sur la nature même du désir, rabattu sur un désir de savoir, savoir attribué à un sujet qui plus est ! « C’est la béance où s’engouffre le sujet qu’il [ce discours] produit de devoir supposer un auteur au savoir » dit Lacan dans Radiophonie, soit la "Je-cratie", cette fausse identité du "Je idéal, du Je qui maîtrise", où Lacan voit le mythe philosophique par excellence. Reste que, socialement, du point de vue de l'histoire, ce discours doit avoir sa légitimité selon Juranville, comme les trois autres discours ; disons même que son rôle, de par sa nature intellectuelle, sa position enseignante, sa relative abnégation au regard du pouvoir (ce que Juranville appelle sa "grâce") est de favoriser une telle reconnaissance mutuelle entre les différents discours.

"Un troisième discours est alors introduit par l’existant  pour autant que, s’étant engagé dans l’épreuve de la finitude  radicale, il est prêt à en assumer expressément quelque chose et qu’il veut, à partir de là, réellement s’opposer au discours du  maître. Discours dont la dominante n’est plus la loi, comme pour le discours du maître, ni le symptôme, comme pour le  discours hystérico-populaire, mais le savoir où s’exprime cette  assomption expresse. Ce discours s’oppose bien réellement au discours du maître, il élève bien un autre pouvoir contre le  pouvoir du maître. Mais il ne libère pas de l’essentiel, qui est la soumission fascinatoire à l’Autre voulu faux et idolâtrique, bien au contraire il tend à la faire apparaître comme indépassable. Car d’une part, reconnaissant expressément la finitude, l’existant fait référence à un Autre absolu au-delà du maître ramené à sa finitude d’humain et qui ne peut plus incarner cet Autre. Autre divin ou grand auteur qui a, dans et par son œuvre, rendu perceptible, manifesté et montré la présence indubitable d’un tel Autre absolu."
JURANVILLE, 2024, PL

DISCOURS DU MAITRE, Loi, Plus-de-jouir, Fascination, LACAN

Le discours du maitre est le premier dans l'ordre d'apparition des discours : le maître ici n'est pas celui qui enseigne mais celui qui édicte la loi de ce qui est. Cette loi (historiquement elle vient avec la Révélation juive, et rend possible la philosophie) n'est pas d'abord rapportée à l'Autre absolu vrai (divin), mais à un Autre absolu faux, l'idole païenne dont le maître se fait le représentant (il faudra l'Histoire et d'autres événements "cruciaux" pour qu'advienne le règne de l'Autre absolu vrai). L'ordre social qui en découle ne peut être qu'injuste mais la loi du maitre parvient à s'imposer à l'aune d'une rationalité dogmatique (creuse, mais ayant réponse à tout) suffisamment déployée pour faire illusion. Cela, face à l'esclave qui, de son côté, se laisse fasciner par le maître et ne peut s'affranchir de l'illusion du tout-social, ni donc revendiquer son individualité. Le maître est celui qui, initialement, s'est affranchi justement de ce fantasme, et qui, renonçant à la jouissance, a osé affronter la mort. Il reste à l'esclave de travailler pour le maître, avec pour seul privilège d'accéder à quelque savoir technique, tandis qu'il se fait lui-même objet-déchet - mais un objet de plus en plus nécessaire de sorte que se reconstitue le fantasme du maître, sujet devenant dépendant de son objet. De là à imaginer, comme le développe Hegel, que l'expertise acquise par l'esclave pourra suffire à renverser le maître, on sait que ce raccourci est vivement critiqué par Marx : aucun changement profond n'est matériellement possible dans le cadre de ce dispositif de domination tant que l'esclave est spolié de la plue-value de son travail. Il n'en aurait pas la force, une révolution serait nécessaire, donc un changement structurel de discours. Lacan répond à Hegel que le maître n'est pas seul à se vautrer dans la jouissance de l'objet, une part du plus-de-jouir revient bien à l'esclave (sinon il ne serait pas maintenu "esclave" aussi bien d'un "idéal" de la consommation), et il répond à Marx que justement l'esclave s'enchaîne de lui-même à la jouissance d'objet, refusant à nouveau le travail sur soi de renonciation nécessaire à une vraie émancipation, et que dans ces conditions - révolution ou pas - il serait abusif de parler d'un quelconque "progrès".

"Le discours apparaît dans le monde social – et c’est là qu’il a sa réalité matérielle – comme réponse à la question qui se pose aux hommes quant à ce qu’ils ont à être. Et cette réponse consiste d’abord à énoncer la loi qui organise ce monde. Une loi qui est initialement celle de l’Autre absolu faux, de l’idole, mais qui n’est pas définitivement celle-là, et pourra devenir celle de l’Autre absolu vrai, du vrai Dieu. Ambiant dans le monde social, ce primordial discours peut être déployé expressément comme tel, comme raison et donc savoir rationnel. Il justifie ce qui est. Mais ce qui est est d’abord inévitablement injuste, parce que l’effet de ce discours sur son autre, sur celui auquel il s’adresse, est alors non pas de l’aider à se conformer à la loi énoncée, mais de le vouer à la fascination devant cette raison et de le soumettre à l’arbitraire éventuel de celui qui tient le discours... Celui qui tient ce primordial discours suscite en son autre la toujours présente, toujours prête à surgir à nouveau soumission fascinatoire devant le tout social, devant l’idole selon la loi de laquelle le tout est ordonné et devant le maître qui incarne cette idole – non pas maître qui enseigne, mais maître qui domine. Soumission fascinatoire dont on peut dire qu’elle est libre, mais d’une liberté qui se perd – c’est là une des formes de la pulsion de mort – et qui ne peut plus se recouvrer par soi, il y faudra l’Autre."
JURANVILLE, 2024, PL