Avec l’époque contemporaine, la philosophie prend pour objet l’existence elle-même, qu’elle pose comme autonome et créatrice, fondement d’un savoir nouveau et d’un monde juste. Marx, Nietzsche et Husserl incarnent cette ambition : tous affirment l’autonomie de l’existant tout en reconnaissant, implicitement, sa dépendance à une altérité radicale. Chez Marx, la révolution vise à libérer l’homme de l’aliénation, mais suppose une grâce universelle que rien ne garantit. Chez Nietzsche, la rédemption créatrice cherche à surmonter l’esprit de vengeance, mais repose sur une élection individuelle qui isole. Chez Husserl, la réduction phénoménologique prétend fonder le savoir sur la conscience pure, mais requiert une foi dans la communauté du sens. Or la philosophie échoue : à la fois elle reconnait l’autonomie de l’existence, suppose la finitude, mais refuse de poser celle-ci dans le savoir. Ce déni la ramène à l’idéalisme : ainsi Marx reconduit la communauté révolutionnaire à une totalité oppressive – illusion de la société sans classes ; Nietzsche transforme l’individu créateur en figure violente et narcissique – illusion du surhomme ; Husserl réduit la conscience constituante à un formalisme abstrait – illusion d’une science rigoureuse de la conscience. De 1848 à 1914, cette exaltation philosophique de l’individu se retourne en son contraire : l’écrasement de l’individu dans les idéaux révolutionnaires, nationalistes ou scientistes. L’intervention de la philosophie dans l’histoire, parallèlement au développement du capitalisme, conduit finalement à la catastrophe de la Guerre mondiale, expression de leur fond nihiliste commun.
EPOQUE CONTEMPORAINE, Philosophie, Idéalisme, Nihilisme, MARX, NIETZSCHE, HUSSERL
"Avec l’époque contemporaine la philosophie, légitimement, voit, dans l’existence ainsi affirmée, son objet propre et, légitimement, elle veut en poser l’identité – autonomie créatrice qui serait le principe d’un savoir nouveau, lequel accomplirait la rupture et instituerait le monde juste... Mais la philosophie ne peut alors empêcher que ce qu’elle pose – identité et autonomie de l’existant, rupture que celui-ci accomplirait – ne se fausse irréparablement. Car ce qu’elle suppose – finitude radicale, rupture d’abord par l’Autre absolu –, elle ne le pose pas et ne peut pas le poser : vaut toujours l’argument kierkegaardien selon lequel poser l’existence essentielle, ce serait devoir taire l’identité et autonomie de cette existence. D’où, parce que la philosophie veut quand même poser l’identité, la rechute dans l’idéalisme."
JURANVILLE, 2007, EVENEMENT
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