La pensée de Levinas se rapproche de la doctrine critique de Kant par son refus de poser un savoir ontologique définitif, cette fois au nom de la finitude de l'existence. Il distingue d'abord le discours ontologique basé sur l'essence (attitude dogmatique chez Kant), puis le discours sceptique contestant l'unité et la vérité de l'essence au nom de la différence énonciative (attitude sceptique chez Kant), et enfin le discours philosophique conditionnant le savoir ontologique au légitime jeu des discours (attitude critique chez Kant). Sauf qu'il s'agit d'un jeu sans fin car, malgré la rationalité reconnue du discours philosophique, il est exclu que ce discours puisse déboucher sur un savoir universel, ce qui hypothèque la possibilité d'une justice réelle. La responsabilité de l'homme devant l'erreur demeure absolue.
CRITIQUE, Discours, Philosophie, Existence, LEVINAS
CREATION, Existence, Autre, Essence
Si l'existence est absolument essentielle (conforme absolument à son essence), c'est parce qu'elle est essentiellement création. Elle est d'abord le fait de l'Autre divin qui, tourné vers son Autre, lui supposant l'existence, lui donne toutes les conditions pour exister vraiment, c'est-à-dire pour créer.
CONTRADICTION, Identité, Autre, Existence, KIERKEGAARD
"En refusant qu’à partir de la contradiction éprouvée par le fini, et grâce à l’Autre qui s’y manifeste, un savoir nouveau puisse advenir, la pensée de l’existence ne rejoint-elle pas ce qui fait le fond de la conception commune ou métaphysique ? Ne rejoint-elle pas l’image d’un Autre absolu tout-puissant qui ne voudrait pas pour lui, comme Autre vrai, la contradiction dans sa relation au fini comme son Autre, mais qui, lui-même hors contradiction, vouerait, comme Autre faux, le fini à une contradiction sans vérité, destructrice de toute identité, et de tout être, à la contradiction devenue terreur sacrificielle ? Nous verrons plus loin que la terreur est elle-même, face à la contradiction comme négation de l’essence, négation de l’être."
JURANVILLE, 2000, JEU
CONNAISSANCE, Métaphysique, Sujet, Existence
En matière de connaissance, la métaphysique évite la question de la finitude radicale, ainsi que la relation à l'Autre comme tel. A l'époque antique, en plaçant la vérité dans l'objet à connaître, indépendamment des limitations du sujet ; à l'époque moderne, en situant au contraire la vérité dans le sujet, à partir de quoi seulement l'objet peut être connu. Avec cette conséquence que la connaissance métaphysique s'accomplit sous la forme d'une auto-objectivation du sujet tendant à faire disparaître l'extériorité de l'objet... et donc, avec ce dernier, le principe même de toute connaissance objective au profit du seul savoir (intérieur). Il est facile de voir qu'une telle connaissance métaphysique, avec son sujet tout puissant, réalise un fantasme sexuel, pervers qui plus est, où l'objet est censé venir combler tout manque dans l'Autre. Inversement, c'est contre toute forme de connaissance absolue et vraie que se dresse la pensée de l'existence, au nom du choix existentiel (« Choisis-toi toi-même » énonce Kierkegaard) et de la confrontation avec la finitude, primant sur toute démarche de connaissance (y compris le « Connais-toi toi-même » de Socrate). Lacan en particulier, remet radicalement en question les préjugés liés au statut épistémique de l'objet aussi bien que celui du sujet, les ordonnant plutôt, du point de vue de la psychanalyse, à la cause de désir. Toutefois la question des conséquences sociales et politiques d'une telle position reste entière et non résolue.
CONNAISSANCE, Existence, Sens, Inconscient
La connaissance porte sur le particulier externe, même si elle en tire de l'universel, et elle est toujours oeuvre particulière, certes tournée vers l'universel. Affirmer l'existence, c'est donc toujours viser une connaissance particulière, mais aussi essentielle. En effet en posant l'extériorité de l'Autre absolu, aussi bien que son identité, l'existant suppose sa propre extériorité séparée et la possibilité de l'exposer dans son oeuvre propre, ayant alors valeur de connaissance. Mais la pensée de l'existence juge d'abord inconciliables l'existence, vécue authentiquement, et l'extériorité objective de la connaissance, sans se rendre compte que l'existence soi-disant authentique n'est alors que le reflet idéaliste et donc la continuation complaisante du monde social, avec son faux savoir écrasant. C'est en affirmant l'inconscient, en plus de l'existence, que l'on peut éviter le piège de l'idéalisme et parvenir à une connaissance objective. Seule la science de l'inconscient laisse place au non-sens constitutif de l'existence, et lui donne un sens finalement à la (dé)mesure du sens que l'Autre absolu a donné à son Oeuvre. A la condition de s'identifier, dans son oeuvre, à cet Autre absolu, l'oeuvre peut délivrer un sens qui soit connaissance essentielle et universelle.
TRINITE, Christ, Finitude, Existence
La philosophie est-elle capable, par elle-seule, de remettre en cause le système sacrificiel qui a débouché sur la condamnation de Socrate, puis à une échelle plus universelle, sur le sacrifice du Christ ? La philosophie ne peut espérer faire reconnaître son savoir par tous en raison de la finitude radicale qui subsiste, quelque soit l'émancipation qu'elle propose au nom de la raison - l'altérité et l'universalité de celle-ci n'étant que partielle. La dénonciation de l'injustice n'est jamais suffisante tant qu'elle n'émane pas de l'Autre absolu, ce qu'accomplit le "médiateur" divin en la personne du Fils. Il s'agit pour l'homme de parvenir à une autonomie réelle lui permettant d'assumer la finitude radicale, le péché même de n'en rien vouloir savoir. Maintenant pourquoi la trinité, pourquoi le Fils ? Ce n'est que dans l'imitation du Fils que l'homme peut se libérer de la faute qu'il a tendance, névrotiquement, à attribuer au Père, lui l'enfant exclu de la "scène primitive", victime du père réel. C'est ainsi que la Création du Père (cause matérielle) ne peut s'accomplir que par la Révélation du Fils (cause formelle) ; et la paternité du Père ne peut être reconnue, depuis la créature, que par la médiation du Fils, fils engendré (et certes non créé) comme Verbe à partir de la Chair du Père. Le Verbe se déploie (c'est la "cause finale", selon Schelling) par le Saint-Esprit qui procède identiquement des deux premières Personnes, qui est leur Amour parfait, et qui entraîne les hommes également dans l'Amour et la vie de l'esprit. Cette vérité trinitaire, que Schelling a rapporté aux trois causes citées, Saint-Paul l'avait résumée par la formule : « Toute chose est de lui, par lui et pour lui. » La philosophie y puise sa définition de l'existence comme identité dans la relation à l'Autre et à partir de cette relation.
CHOSE, Réalité, Unité, Existence
Pour poser la finitude comme bonne et vraie pour chacun, et ainsi assumer l'abandon essentiel (sans retomber dans des formes faussées de l'abandon), il convient de poser la Chose dans son unité et dans sa réalité. D'abord présente dans l'Autre absolu, donc dans l'inconscient, la Chose advient par un acte de parole qui est création, donc en toute chose dès lors qu'elle est nommée. Une création qui se fait dans le temps réel, c'est pourquoi ni la métaphysique ni l'empirisme ne connaissent la Chose : soit l'on concevra métaphysiquement une sorte d'unité supratemporelle, mais sans réalité pour le sujet, soit l'on admettra l'existence d'une réalité empirique, mais dont l'unité ne sera que nominale ou formelle, là encore hors du temps. Quant à la Chose kantienne, quand bien même elle existe "derrière" le phénomène, elle reste "en soi" inconnaissable et muette - et même si elle "se fait" connaître au sujet, sur le plan pratique, comme un idéal impossible à atteindre. La Chose réapparait dans sa vérité avec la philosophie de l'existence, dès lors que celle-ci admet la réalité d'un temps pur où le sens n'est jamais anticipable et où l'on est, toujours par conséquent, confronté au non-sens (sens et non-sens que récusent respectivement l'empirisme et la métaphysique, rappelons-le). Ainsi la Chose apparaît au coeur de l'existence, pour Heidegger, comme ce qui contient l’Ereignis, et comme ce qui enfante ("rassemble") le monde vrai autour de son propre vide, selon la structure du Quadriparti (Geviert). Ainsi encore la Chose est introduite dans sa vérité, par Lacan, comme Chose parlante ("moi la Vérité je parle") et plus généralement comme la passion de la parole ("ce qui du réel pâtit du signifiant") - en tout cas elle est davantage que cet illusoire souverain Bien, objet du désir, que Lacan évoque le plus souvent. Mais cette chose bien réelle, existante ou inconsciente, n'est jamais présentée dans son unité consistante, faute d'avoir fait de l'inconscient l'essence même de l'existence (ce que seule une raison philosophique, déployant la structure quaternaire de l'inconscient jusqu'à la totalité de l'existence, peut assumer).
CHOSE, Existence, Quaternaire, Mère, HEIDEGGER
Heidegger critique trois interprétations dominantes de la « choséité » dans la pensée occidentale : 1) La chose comme substance avec qualités (thèse métaphysico-dogmatique), une unité réelle présupposée. 2) La chose comme faisceau de sensations (thèse empirico-sceptique, ex. Russell, Quine), une unité conventionnelle et fictive. 3) La chose comme matière informée (thèse philosophico-critique), une unité anticipée liée à la production. Contre ces conceptions, la pensée de l’existence et la psychanalyse proposent une « chose vraie », ex-sistante et ouverte à l’Autre absolu. En tant que finie cette chose s’inscrit dans un quaternaire, souvent décrit mais non posé comme tel, comme matrice d'une logique absolue.
AUTRE, Finitude, Condition, Existence
Le refus que, toujours d'abord, l'homme oppose à l'Autre absolu ne l'empêche pas de recevoir de cet Autre toutes les conditions (grâce, élection, foi) pour accueillir à son tour l'existence, ni d'ailleurs de continuer à éprouver douloureusement sa finitude, au point de la fausser, sous les auspices d'un Autre faux idolâtré et faussement protecteur, dont il ne serait que le déchet.
ATHEISME, Altérité, Existence, Dieu, LACAN
"En fait, pour nous, si on le prend à la lettre sans chercher à voir ce qui s'y cache, l'athéisme n'est que manifestation suprême du rejet de l'Autre, de l'altérité, de l'existence et prétention à la toute-suffisance et toute-puissance prométhéenne de l'homme. C'est ce que suggère Lacan : « L'athéisme, dit-il ainsi, est la maladie de la croyance en Dieu, croyance que Dieu n'intervient pas dans le monde. Dieu intervient tout le temps, par exemple sous la forme d'une femme » ; ou encore, contre le déisme aristotélisant de Voltaire : "La religion est vraie. Elle est sûrement plus vraie que la névrose, en ceci qu'elle nie que Dieu soit purement et simplement - ce que Voltaire croyait dur comme fer -, elle dit qu'il ex-siste, qu'il est l'ex-sistence par excellence, c'est-à-dire qu'il est le refoulement en personne”. Dieu inconscient, refoulé. Reste, selon nous, que l'existence de Dieu, pour refoulée et latente qu'elle soit toujours au départ, devient patente par la Révélation. Or ce rejet de l’altérité, de l’ouverture à l’Autre, en l’occurrence à l’Autre primordial qu’est l’Autre divin, conduit inévitablement, comme dans le paganisme, à une fabrication d’idole."
JURANVILLE, UJC, 2021
IDENTITE, Altérité, Existence, Structure existentiale, KIERKEGAARD
Les fameuse "sphères de l'existence" selon Kierkegaard sont quasiment homologues aux "structures existentiales" (Juranville) déductibles de la théorie de l'inconscient, deux théories qui visent à établir la vérité de l'existence à l'aune d'une altérité radicale. Ces structures permettent de situer, et de formaliser, différents modes de l'identité avec l'existence, sachant qu'elles témoignent à chaque fois d'un évitement de la part du sujet pour poser cette identité avec toute l'objectivité requise du point de vue de l'Autre. D'abord le mode de la séparation avec la sphère esthétique, qui correspond à la structure perverse en psychanalyse. Ensuite celui du choix qui caractérise la sphère éthique, à laquelle correspond la névrose. Enfin la répétition, propose à la sphère religieuse selon Kierkegaard, à laquelle on peut faire correspondre la sublimation. Il existe une quatrième sphère pourtant écartée d'office par Kierkegaard, considérée comme impossible et hors existence puisqu'excluant par principe l'altérité : ce serait la métaphysique, stade de l'identité originelle avant toute relation, à laquelle il faudrait faire alors correspondre la psychose.
ALTERITE, Identité, Existence, Finitude
La pensée philosophique qui ne voit dans l'altérité qu'une composante ontologique de l'identité, qu'un mode transitoire vers la connaissance de soi (comme pour Hegel), manque évidemment l'altérité essentielle requise dans le cadre d'une pensée de l'existence. Car précisément l'existence se définit comme altérité mais aussi comme identité, les deux étant à penser ensemble. Mais à leur tour, les pensées de l'existence qui se contentent de poser un Autre absolu au-delà de l'humain, ou à la limite à l'intérieur de l'humain, en guise d'altérité, sans poser comme telle l'identité vraie qu'elle suppose, passent également à côté de l'altérité essentielle. Contrairement aux pensées traditionnelles de l'identité, ces pensées de l'existence reconnaissent bien la finitude radicale de l'humain, mais elles ne lui offrent aucune solution pour dépasser l'identité ordinaire, la condamnent à une autoflagellation sans fin. Le salut vient de l'identité vraie contenue en l'Autre, d'abord comme Autre absolu, laquelle s'efface comme telle devant son Autre en supposant à celui-ci identité et consistance - ce qui ne contredit nullement la finitude de l'existant, puisque cette identité nouvelle surgit du don imprévisible émanant de l'Autre absolu (c'est la grâce qui lui est accordée), à condition que l'existant la reconstitue par lui-même (c'est l'élection qui lui est destinée), mais à condition d'abord qu'il l'accueille (c'est la foi qui lui est communiquée).
ALTERITE, Même, Autre, Existence, PLATON, HEGEL
La métaphysique, de Platon à Hegel, confère bien à l'altérité une fonction nécessaire, dans la formation des idées ou dans fabrication du monde, mais elle ne lui reconnait aucune existence essentielle. Ainsi chez Platon, comme genre supérieur dans le Sophiste, ou comme force "rebelle" dans le Timée, l'Autre se contente - contraint et forcé - de participer au Même. Chez Hegel, l'Autre en tant qu'altération est bien au principe de l'accomplissement du Même, mais en tant que tel il ressortit au "mauvais infini" : en effet le changement est susceptible de créer à l'infini de nouvelles identités, lesquelles seraient vaines si on ne les reliait pas au développement du Concept, entité qui est essentiellement relation à soi-même puisque le Même se retrouve toujours dans l'Autre (là réside le "bon infini"). Dans la réalité supérieure de l'esprit, selon Hegel, quelque chose de vraiment autre, demeurant autre, n'existe tout simplement pas.
ALIENATION, Altérité, Identité, Existence, HEGEL
Il y a bien chez Hegel, en tant que point d'aboutissement extrême de la métaphysique, une reconnaissance et une pensée de l'altérité mais seulement comme aliénation surmontée. L'existence apparaît bien comme relation essentielle à l'Autre, lequel s'ouvre en retour à son Autre ; mais cet Autre apparaît finalement conforme à une identité déjà-là, simplement perdue puis retrouvée, finalement désaliénée ; nullement comme un Autre pourvoyeur d'une identité nouvelle et imprévisible, que l'existant devrait découvrir et reconstituer peu à peu.
ALIENATION, Révolution, Existence, Société, MARX
L'aliénation pour Hegel est le processus nécessaire par lequel l'esprit absolu s'incarne et se perd, dans un premier temps, dans la conscience humaine, pour mieux se ressaisir et se comprendre lui-même. Aliénation purement formelle et de type religieuse dénoncent les jeunes hégéliens et Marx en particulier, lequel souligne le caractère avant tout social et économique de l'aliénation et en appelle à la révolution pour permettre une autonomie réelle. Mais l'inconséquence de Marx, au regard de l'existence, qu'il suppose et reconnait pourtant - au moins formellement, au titre de l'individu concret disposant de sa force de travail - est d'ignorer les conséquences encore plus aliénantes et totalitaires d'une révolution prétendant nier l'aliénation dans son principe. Comme si pour penser l'existence il ne fallait pas en même temps reconnaitre le caractère radical et inévitable de l'aliénation, comme sujétion à l'Autre en général (et d'abord à l'Autre absolu), justement pour la vaincre - autant que possible, mais jamais totalement - comme prétendue justification du pouvoir (laquelle doit revenir au droit).
PSYCHANALYSE, Foi, Existence, Philosophie
"Or ce discours ne passe comme vrai à son Autre que parce qu’il ne pose pas comme tel son savoir et parce qu’il est tenu de la place silencieuse de l’objet sexuel comme déchet. Car le psychanalyste doit, pour faire passer à l’Autre l’affirmation de l’inconscient, reconnaître en acte sa finitude radicale à soi. Ce qui est, à la fois, tenir compte de l’argument kierkegaardien et y passer outre. Et ce que le psychanalyste fait par cela seul qu’il affirme l’inconscient, puisqu’affirmer l’inconscient, c’est pour lui, là où il allait être pris pour un maître qui sait (conscience souveraine), poser que la vérité est en l’Autre qui se rapporte ainsi à lui, et même en un Autre absolu au-delà de tout l’ordre humain. Reconnaissance en acte de la finitude radicale qui a, bien sûr, cette conséquence qu’aux yeux de la psychanalyse l’existant n’a pas à donner infiniment à l’autre existant. Il ne le peut pas. Et l’exiger de soi serait, pour lui, se fabriquer une image idéale (le « donateur infini ») qui deviendrait une idole dont il serait lui-même le déchet – de même qu’il serait alors le déchet de l’autre existant. C’est là une critique décisive de l’argument lévinassien."
JURANVILLE, 2010, ICFH
METAPHORE, Existence, Analogie, Métaphysique, HEIDEGGER
"Mais, quel que soit l’effet d’éclairement surprenant, d’étrangeté, de surprise que la métaphore comme analogie puisse susciter, elle ne laisse de renvoyer, partant d’un élément concret donné dans l’expérience, à un au-delà qui n’est pas un Autre vrai, à une identité et signification anticipative, hors temps. Exemple par excellence, celui de l’Allégorie de la caverne au livre VII de La République de Platon, où l’au-delà est celui du Bien par rapport au soleil, le soleil étant l’analogue sur le plan physique, par son action éclairante et fécondante, du Bien sur le plan métaphysique. De là ce qu’il y a de tout à fait légitime dans la critique de Heidegger contre la métaphore: « Le métaphorique n’existe qu’à l’intérieur de la métaphysique » – celle-ci caractérisée par la « séparation du sensible et du suprasensible comme de deux domaines subsistant chacun pour soi. » À quoi Heidegger oppose la vérité originelle des noms: « Puisque notre entendre et notre voir ne sont jamais une simple réception par les sens, il ne convient pas non plus d’affirmer que l’interprétation de la pensée comme saisie par l’ouïe et le regard ne représente qu’une métaphore. » Nous entendons par tout notre être une sonate de Beethoven, et non pas par nos oreilles une suite de sons (« C’est nous qui entendons, et non l’oreille. »), nous voyons de même un tableau de Van Gogh, et non pas par nos yeux telles taches de couleur. Sauf que la métaphore ne se réduit pas forcément à l’analogie. Et que le propre de l’homme, c’est que la vérité originelle des noms, par et pour lui, est d’abord perdue et doit être reconstituée."
JURANVILLE, 2024, PL