L'existant ne peut rencontrer le vrai bonheur (au-delà du seul bonheur sexuel) qu'en allant jusqu'au bout de la connaissance, c'est-à-dire jusqu'à l'objectivité absolue. Cela implique d'assumer toute la finitude, son être d'objet pour l'Autre, y compris la finitude (radicale) se fuyant dans la sexualité. Mais assumer celle-ci, la revouloir, s'y engager notamment dans l'oeuvre, signifie devenir sujet, et c'est en tant que sujet qu'il éprouve le bonheur (dans l'éternité de la connaissance) de même que c'est en tant qu'objet qu'il éprouve le plaisir (dans l'instantanéité de l'expérience).
BONHEUR, Sujet, Finitude, Connaissance
BONHEUR, Eternité, Sens, Plaisir, KIERKEGAARD
De même que dans le plaisir le sens vient au sujet (toujours de l'Autre) et se fige dans l'instant, dans le bonheur le sens se donne et se présentifie dans l'éternité (c'est le sens de la formule de Kierkegaard selon lequel l'instant est "atome d'éternité"). Mais contrairement à la passivité du plaisir (qui va passer), il y faut, de la part du sujet, un acte d'acceptation pure qui donne sens au non-sens - ce qui est déjà l'éternité en acte.
BONHEUR, Culpabilité, Objectivité, Sentiment
La positivité du bonheur doit être soutenue, contre la pensée de l'existence. Puisque le sentiment en général est ce qui permet au sujet de poser l'objet et de se poser dans l'objectivité, et comme le plaisir est ce sentiment qui ouvre au sujet l'espace de l'objectivité (et par quoi il assume sa mélancolie), le bonheur est le sentiment par lequel le sujet atteint enfin une forme d'objectivation (et par quoi il assume sa culpabilité). Chacun recherche le bonheur, comme le stipule Aristote ; restait à définir cet objet, précisément comme objectivité. Or pour la pensée de l'existence, et la quête du bonheur et son accomplissement contreviendraient à la finitude ainsi qu'à l'altérité essentielle, ce serait selon Kierkegaard demeurer au stade de l'esthétique. De même pour Freud le bonheur est pris dans la contradiction entre la satisfaction sexuelle (qui donne un semblant de bonheur) et la répression sociale (qui engendre la mauvaise culpabilité, sans possibilité de l'assumer comme il le faudrait pourtant).
CONNAISSANCE, Bonheur, Autre, Objectivité
"L’expérience, on l’a vu, est vérité de l’identité, identité constituée comme objective, pour tout Autre, à partir de la différence qui surgit (l’instant). Du savoir nous dirons qu’il est vérité de l’intériorité. La connaissance, elle, est vérité de l’extériorité. Elle pose l’identité comme toujours d’abord présente en l’Autre, toujours d’abord celle de l’Autre, à l’extérieur, et comme devant, à partir de cet Autre, devenir celle du sujet qui, à la fois, pourra poser l’Autre comme extérieur à lui et lui-même comme extérieur à l’Autre – l’un et l’autre ayant, dans cette relation qui se retourne, leur identité et consistance et autonomie vraie."
JURANVILLE, ALTER, 2000
BONHEUR, Présence, Autre Plaisir
"Dans le bonheur, le sujet ne se rapporte pas de la même manière que dans le plaisir au sens qui surgit en cet Autre, qui est cet Autre, cette cause extérieure. Dans le plaisir, il éprouve le sens comme voué à passer, et comme devant être plus tard, par lui-même, reconstitué, à partir du non-sens. Dans le bonheur, il éprouve le sens comme présent. À la fois en l’Autre – et déjà, par lui-même, reconstitué, pour autant qu’il a accepté absolument le non-sens, inévitable et, même, essentiel. À la fois, dans le bonheur, l’accomplissement a sa condition en l’Autre, à l’extérieur, et il permet, comme accomplissement intérieur, d’accueillir pleinement cet Autre. Le plaisir est, avons-nous dit, le sens comme passage et comme passé. Le bonheur est le sens comme présence et comme présent. Non seulement sens éprouvé dans le présent – ce qui est le cas de toute épreuve du sens –, mais comme présent, comme demeurant."
JURANVILLE, ALTER, 2000