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BONHEUR, Sujet, Finitude, Connaissance

L'existant ne peut rencontrer le vrai bonheur (au-delà du seul bonheur sexuel) qu'en allant jusqu'au bout de la connaissance, c'est-à-dire jusqu'à l'objectivité absolue. Cela implique d'assumer toute la finitude, son être d'objet pour l'Autre, y compris la finitude (radicale) se fuyant dans la sexualité. Mais assumer celle-ci, la revouloir, s'y engager notamment dans l'oeuvre, signifie devenir sujet, et c'est en tant que sujet qu'il éprouve le bonheur (dans l'éternité de la connaissance) de même que c'est en tant qu'objet qu'il éprouve le plaisir (dans l'instantanéité de l'expérience).


"Si l’existant, toujours d’abord, se détourne de la véritable connaissance absolue, c’est parce qu’il refuse d’assumer jusqu’au bout son effondrement comme sujet dans la rencontre de l’Autre, son être d’objet pour l’Autre, bref, sa finitude radicale... Si, au contraire, l’existant peut aller jusqu’au bout de la connaissance, c’est pour autant qu’il s’engage à assumer toute la finitude, qu’il s’en fait absolument le sujet, qu’il se veut absolument sujet, recevant de l’Autre toutes les conditions pour parvenir, à partir de la finitude, à l’objectivité absolue. Ainsi, de même que c’est comme objet que l’existant éprouve le plaisir, qu’il l’éprouve à l’expérience, en accueillant l’instant, de même c’est comme sujet qu’il éprouve le bonheur, qu’il l’éprouve à la connaissance, en entrant dans l’éternité."
JURANVILLE, ALTER, 2000

BONHEUR, Eternité, Sens, Plaisir, KIERKEGAARD

De même que dans le plaisir le sens vient au sujet (toujours de l'Autre) et se fige dans l'instant, dans le bonheur le sens se donne et se présentifie dans l'éternité (c'est le sens de la formule de Kierkegaard selon lequel l'instant est "atome d'éternité"). Mais contrairement à la passivité du plaisir (qui va passer), il y faut, de la part du sujet, un acte d'acceptation pure qui donne sens au non-sens - ce qui est déjà l'éternité en acte.


"Comment peut-il y avoir, pour le fini, présence du sens, bonheur ? Lui-même s’éprouve pris, toujours d’abord, dans le non-sens. Le sens, le sens vrai, doit lui venir de l’Autre. Et il lui vient ainsi dans l’instant, comme nous l’avons vu à propos du plaisir. Mais, si le sens doit alors être éprouvé comme présent, et non plus comme voué à passer, il faut que, face au non-sens qui va revenir, le sujet d’emblée accomplisse un acte qui y donne sens, un acte d’acceptation pure...  Et, bien plus – ce que ne dit pas Kierkegaard –, l’acte d’acceptation pure, qui fait entrer le sujet dans l’éternité, est déjà lui-même l’éternité. C’est donc comme éternité que se donne le bonheur."
JURANVILLE, ALTER, 2000

BONHEUR, Culpabilité, Objectivité, Sentiment

La positivité du bonheur doit être soutenue, contre la pensée de l'existence. Puisque le sentiment en général est ce qui permet au sujet de poser l'objet et de se poser dans l'objectivité, et comme le plaisir est ce sentiment qui ouvre au sujet l'espace de l'objectivité (et par quoi il assume sa mélancolie), le bonheur est le sentiment par lequel le sujet atteint enfin une forme d'objectivation (et par quoi il assume sa culpabilité). Chacun recherche le bonheur, comme le stipule Aristote ; restait à définir cet objet, précisément comme objectivité. Or pour la pensée de l'existence, et la quête du bonheur et son accomplissement contreviendraient à la finitude ainsi qu'à l'altérité essentielle, ce serait selon Kierkegaard demeurer au stade de l'esthétique. De même pour Freud le bonheur est pris dans la contradiction entre la satisfaction sexuelle (qui donne un semblant de bonheur) et la répression sociale (qui engendre la mauvaise culpabilité, sans possibilité de l'assumer comme il le faudrait pourtant).


"Nulle place donc pour quelque bonheur où serait assumée la culpabilité ! On pourrait avancer néanmoins que, si le bonheur  se veut accomplissement, sentiment de l’objectivation du sujet, toute pensée qui affirme l’existence, même si elle conçoit le sujet tout autrement que ne le fait la métaphysique, devrait envisager un bonheur existant et vrai. Comme acceptation pure de la contradiction, cette fois-ci radicale, de l’existence. Un tel bonheur serait la béatitude éternelle à laquelle l’existant se rapporte passionnément, d’après Kierkegaard."
JURANVILLE, ALTER, 2000

CONNAISSANCE, Bonheur, Autre, Objectivité

De supposer l'éternité en l'Autre, et la désirer pour soi, ne mène au bonheur que par la voie de la connaissance. Encore faut-il - contrairement à l'attitude métaphysique qui s'y refuse - s'affronter à la finitude et poser l'objectivité du savoir contenu dans l'oeuvre pour le transformer en connaissance. La connaissance, distincte de l’expérience (vérité de l’identité) et du savoir (vérité de l’intériorité), est définie comme la vérité de l’extériorité. Elle repose sur la reconnaissance de l’Autre comme porteur initial de l’identité, permettant au sujet de se définir lui-même en relation avec cet Autre, et de se faire Autre à son tour. Ainsi, la connaissance devient la source du bonheur, par opposition au plaisir lié à l’expérience.


"L’expérience, on l’a vu, est vérité de l’identité, identité constituée comme objective, pour tout Autre, à partir de la différence qui surgit (l’instant). Du savoir nous dirons qu’il est vérité de l’intériorité. La connaissance, elle, est vérité de l’extériorité. Elle pose l’identité comme toujours d’abord présente en l’Autre, toujours d’abord celle de l’Autre, à l’extérieur, et comme devant, à partir de cet Autre, devenir celle du sujet qui, à la fois, pourra poser l’Autre comme extérieur à lui et lui-même comme extérieur à l’Autre – l’un et l’autre ayant, dans cette relation qui se retourne, leur identité et consistance et autonomie vraie."
JURANVILLE, ALTER, 2000

BONHEUR, Présence, Autre Plaisir

Aristote reconnaît une dimension interne au bonheur tout en admettant l’importance des biens extérieurs ; Descartes distingue la béatitude (satisfaction interne) du bonheur (dépendant de l’extérieur) ; Kant, lui, rejette l’idée d’un bonheur interne et le lie à une cause externe, refusant un simple contentement passif. En réalité il n'y a pas lieu d'opposer l'Autre et la présence, ce que permet la théorie de l'inconscient. Selon Lacan, l’inconscient est la "Chose" vers laquelle tend le désir, un objet à la fois mythique, perdu, mais aussi parfois associé au bonheur, notamment dans la relation sexuelle, comme sensation de la présence de l'Autre. Le bonheur, comme le plaisir, est une forme de jouissance liée à une cause extérieure, mais il se distingue par sa temporalité et sa présence. Dans le plaisir, le sens est éphémère et devra être reconstitué à partir du non-sens, tandis que dans le bonheur, le sens est pleinement présent, accepté et intériorisé comme relation à l’Autre (ce qui suppose certes le passage par le non-sens). Le bonheur implique un accomplissement à la fois dépendant de l’Autre et intérieur, une communion où le sujet répond à ce présent offert - pas simplement cadeau mais présence.


"Dans le bonheur, le sujet ne se rapporte pas de la même manière que dans le plaisir au sens qui surgit en cet Autre, qui est cet Autre, cette cause extérieure. Dans le plaisir, il éprouve le sens comme voué à passer, et comme devant être plus tard, par lui-même, reconstitué, à partir du non-sens. Dans le bonheur, il éprouve le sens comme présent. À la fois en l’Autre – et déjà, par lui-même, reconstitué, pour autant qu’il a accepté absolument le non-sens, inévitable et, même, essentiel. À la fois, dans le bonheur, l’accomplissement a sa condition en l’Autre, à l’extérieur, et il permet, comme accomplissement intérieur, d’accueillir pleinement cet Autre. Le plaisir est, avons-nous dit, le sens comme passage et comme passé. Le bonheur est le sens comme présence et comme présent. Non seulement sens éprouvé dans le présent – ce qui est le cas de toute épreuve du sens –, mais comme présent, comme demeurant."
JURANVILLE, ALTER, 2000