Heidegger conçoit le sacré à partir de la vérité de l’être, où celui-ci en même temps se révèle et se retire devant l’homme. Dans cet espace du sacré advient la Divinité, incarnée par l’homme lorsqu’il s’élève à l’être, ou par l'"extraordinaire" de l’œuvre. C’est là qu’est censé apparaître le "Dieu nouveau", dont Hölderlin disait que "lui seul peut nous sauver", en offrant un modèle inédit (éventuellement proche du Bouddhisme mais échappant aux catégories du monothéisme et du polythéisme), dont les aspects pluriels seraient directement en rapport avec "la richesse initiale des fondements" assure Heidegger. En tout cas, si ce dernier refuse l’idolâtrie, il ignore la nécessité de la révélation judéo-chrétienne et sa conception du sacré conserve les principaux aspects du paganisme, dont la logique sacrificielle (que la philosophie combat depuis toujours) puisque "chaque étant est sacrifié à l'être, et c'est seulement de là que l'étant comme tel reçoit sa vérité" (Heidegger).
DIEU, Etre, Sacré, Paganisme, HEIDEGGER
CREATION, Sacré, Oeuvre, Trinité
Si la présence est d'acte du sacré, et la puissance ce par quoi et dans quoi il s'accomplit la création est à la fois l'effet et le principe subjectif du sacré. Il s'agit, par la création, d'échapper à la puissance fantasmatique, traditionnelle, du sacré, la création qui débouche sur l'oeuvre individuelle elle-même engageant tout autre à créer à son tour. Certes l'existant suppose toujours d'abord la création de l'Autre absolu, celle qui vient du Père (le sacré par excellence), s'accomplit par le Fils (via son Sacrifice), et vise à étendre l'Esprit sur la terre. S'ouvre alors l'espace du sacré, et donc de la création, pour la créature séparée imitant en cela l'oeuvre du Christ, c'est-à-dire réalisant son individualité. Lui aussi traverse la passion de l'oeuvre et lui aussi accomplit en cela un sacrifice essentiel. Comme le Fils, il communique d'abord sa présence et sa grâce et s'efface devant son oeuvre, s'en remettant à l'Autre ; puis il communique sa puissance et son élection, à l'oeuvre comme à tous ceux qui la poursuivront et devront à leur tour en subir la passion ; enfin il communique la création elle-même et la foi en celle-ci, dans le fait que l'oeuvre sera finalement accueillie par tous et accomplira la Révélation.