Fruit de la philosophie nouvelle autant que de la Révélation judéo-chrétienne, selon Rosenzweig, l'individu mêle deux caractéristiques en apparence opposées : la solitude existentielle, et l'universalité essentielle (précisément comme enjeu majeur de la Révélation) ; deux propriétés que seule l'unité consistante de l'oeuvre peut rassembler, et le fait qu'elle est tout entière destinée à l'Autre.
"Rosenzweig reprend les apports décisifs de Kierkegaard quant à l'individu, en leur donnant quelques prolongements. D'une part, il souligne que l'individu, l'individu véritable, est une conquête de la philosophie nouvelle, celle qui vient après l'idéalisme (de Parménide et Platon à Hegel)... D'autre part, il inscrit cette affirmation de l'individu dans le cadre de la révélation non seulement chrétienne, mais aussi et primordialement juive. L'individu aurait été dégagé d'abord dans le judaïsme ; sans contradiction alors avec la communauté parce que c’est une communauté juste acceptant l’individu ; il serait seul néanmoins, notamment lors des Jours redoutables... L'individu aurait été ensuite proclamé comme exigence valant universellement par le christianisme... Mais il souligne surtout l'unité de l'œuvre, sa consistance et le fait qu'elle est tout entière pour l'Autre. Reste que Rosenzweig exclut toujours toute détermination objective rationnellement confirmée, toute fixation sociale, de pareille consistance – de l’œuvre, et par là, de l’individu."
JURANVILLE, FHER, 2019