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JUSTICE, Lutte, Droit, Peuple

Ni le droit positif ni le droit naturel, considérés en eux-mêmes, ne suffisent à soutenir l'idée de justice, quand bien même l'on admettrait avec Adorno que "l'idée de droit naturel contient en elle, de façon critique, la non-vérité du droit positif". Il faut y ajouter la nécessité des luttes, sociales et politiques, qui s'opposent à toute violence de fait du droit positif, et qui légitiment seulement après-coup la référence à un droit naturel. C'est plutôt la lutte comme telle qui est juste, mais seulement quand elle s'affranchit de la violence populaire faisant cercle avec la violence des maîtres (donc quand elle s'affranchit aussi bien du discours du peuple que du discours du maître), et seulement quand elle accouche de droits nouveaux pour tous, autrement dit quand elle réalise un progrès effectif dans l'histoire.


"Nous voulons souligner (...) la portée de la lutte. Elle est menée pour le peuple, à travers le peuple (et sa violence qui menace), non pas par le discours du peuple qui ne s’oppose pas directement aux maîtres ordinaires, mais par le discours philosophico-clérical qui s’oppose directement à eux et qui donne au peuple des maîtres d’un type nouveau (intellectuels, syndicalistes). Telle est la seule lutte effective qui puisse correspondre à ce que dit Marx quand il proclame que « l’histoire de toute société jusqu’à nos jours, c’est l’histoire de la lutte des classes », et quand il décrit très attentivement les « luttes des classes en France ». D’où il résulte que le droit se caractérise par ses progrès dans l’histoire."
JURANVILLE, 2010, ICFH

DEMOCRATIE, Existence, Autre, Peuple

La démocratie n'est pas autre chose que l'affirmations sociale de l'existence. Est démocrate celui qui voit en l'Autre - d'abord l'Autre absolu puis le peuple comme communauté des autres Autres - la source de la vérité et de l'universel.


"Qu'est-ce socialement que l'affirmation de l'existence ? C'est l'affirmation de l'universel comme surgissant d'abord en l'Autre, à partir duquel seulement il peut venir en chacun pour autant que ce dernier est et se veut l'élu de cet Autre... Peut être dit démocrate celui qui laisse place à l'objection venue de l'Autre, et qui ne cherche pas à imposer son point de vue, mais a l'idée que la vérité est en l'Autre. La démocratie est dès lors caractérisée par ceci que le peuple apparaît à chacun comme le lieu primordial de la vérité parmi les hommes, lui-même n'étant autre que la communauté des créatures de Dieu."
JURANVILLE, 2015, LCEDL

DEMOCRATIE, Représentation, Peuple, Oeuvre, MARX

La plupart des philosophes ont vanté la démocratie comme le "régime où il fait meilleur vivre" (Platon), "le meilleur des régimes" (Aristote), ou "l’énigme résolue de toutes les constitutions" (Marx). Reste que la méfiance à l'égard de la représentation politique, la crainte d'une séparation entre l'Etat dirigeant et la société civile, ont engendré les conceptions illusoires, théoriquement et pratiquement, de la "démocratie directe" (Rousseau) ou de la "démocratie sociale" (Marx) qui ont, à chaque fois, débouché sur des régimes de terreur. Marx voit dans la démocratie politique, en particulier dans sa version libérale, un pur produit de l'idéologie, mais lui-même traite abstraitement de la représentation, refusant de considérer le travail concret qu'elle représente elle-même, travail sur soi et surtout travail de l'oeuvre en tant qu'universalisable.


"[Marx] combat aussi, au nom de l’émancipation pleinement humaine, et plus radicalement, la coupure que la démocratie simplement politique, tout comme le christianisme, maintiendraient entre l’homme individuel et l’homme générique. Il combat cette coupure (coupure des droits de l’homme, coupure entre l’État et la société civile) qui se répéterait dans le système représentatif (« La séparation de l’État politique et de la société civile apparaît comme la séparation des députés et de leurs mandants »). Système représentatif dont il a fort bien compris le principe (pour lui, « le cordonnier, qui satisfait un besoin social, est mon représentant » ). Sauf qu’il ne veut pas voir que le cordonnier, quelle que soit la dignité de sa fonction dans l’ordre social général, ne produit pas, comme individu, une œuvre propre dans laquelle il témoignerait, aux yeux de tous, de l’« essentiel » – seuls peuvent représenter, redisons-le, ceux qui, sur quelque plan que ce soit, produisent une telle œuvre."
JURANVILLE, 2010, ICFH

DEMOCRATIE, Peuple, Egalité, Etat

La véritable démocratie, telle que la veut la philosophie, doit être parlementaire et donc ne saurait être parfaitement égalitaire. L'égalité politique doit être établie, mais instituer (autoritairement) l'égalité sociale reviendrait à nier la finitude radicale (pulsion de mort, volonté du mal pour le mal) face à laquelle chacun ne lutte pas également. Viendrait un moment où l'égalité sociale mettrait en danger l'égalité politique. Quant au projet d'une démocratie directe, anti-parlementaire, il reviendrait pareillement à nier les principes de représentation et d'élection en vertu desquels certains individus, et pas tous, manifestent la volonté de faire passer le bien commun avant l'intérêt personnel. La démocratie n'en demeure pas moins le pouvoir du peuple, soit d'une part un sujet politique se dotant du pouvoir constituant, d'autre part une communauté « se trouvant déjà lié par quelque union d’origine, d’intérêt ou de convention » comme dit Rousseau qui décline rien de moins, en ces termes, que la notion d'identité nationale. Or le peuple n'en demeure pas moins, fatalement, par finitude radicale, rattrapé par ses tendances païennes et sacrificielles ; parce que le "peuple", sujet politique, est toujours en même temps le "bas peuple" opprimé, avide de revanche, voire de vengeance (sentiment "humain, trop humain"). Les nouveaux "dirigeants" ayant chassé les "représentants" vont commencer par falsifier la véritable identité nationale (en soi jamais "pure", toujours redevable à l'Autre) pour la ramener à quelque mythe des origines, puis ils vont dramatiser les risques (intérieurs comme extérieurs) de désunion pour attenter aux droits individuels, puis à l'individualité comme telle. En tout cas, il n'est pas de peuple dont le destin historique ne soit de fonder un Etat, et un Etat démocratique, fût-il le "peuple élu", le peuple juif, ayant reconnu pleinement l'Individu dès son origine du fait de la Révélation du Dieu unique, car justement il ne devrait pas exister meilleure protection pour l'individu - et pour un peuple - que l'existence d'un Etat démocratique.


"Rosenzweig insiste à juste titre sur la vérité pure du peuple juif. Ce peuple, contre toute tentation sacrificielle, aurait laissé place en lui, du fait de la révélation et de la loi qu’il a reçues, et de l’élection dont il s’est réclamé, à l’individu. Il détiendrait l’« harmonie entre foi et vie ». Mais Rosenzweig prétend que cette vérité du peuple juif devait rester séparée de tout État. Or ce « peuple sans État », dénoncé comme tel par Schmitt, glorifié comme tel par Rosenzweig, ne s’est-il pas vu menacé dans sa vie même du fait de n’avoir pas constitué d’État qui le protège  ? La société juste doit donc être démocratie. Non pas une démocratie égalitaire qui prétendrait réaliser l’égalité sociale (la « justice sociale »). Mais une démocratie qui limite l’inégalité sociale pour autant qu’elle risquerait de contredire l’égalité politique."
JURANVILLE, 2010, ICFH

DEMOCRATIE, Parlementarisme, Liberté d'association, Peuple

La liberté d'association, grande conquête de l'institution démocratique, débouche à l'époque contemporaine sur la formation des partis, à travers lesquels s'expriment dans les conditions d'un débat encadré par la loi des conceptions politiques divergentes. Gauche/droite, par exemple, forment une nouvelle division de la société succédant à celles des actes, des ordres et des classes. Or les partis finissent par devenir des forces d'influence, des groupes de pression tentant soit de protéger un gouvernement soit de conspirer contre lui, au détriment des débats d'idées. D'où la haine du parlementarisme et la tentation de convoquer directement le "peuple" comme étant le seul "parti" légitime, en l'opposant aux "élites" afin de soi-disant revitaliser la démocratie. L'imposition d'un parti unique vient alors consacrer le mariage entre populisme et totalitarisme... et signer la fin de la démocratie.


"C'est la menace ultime qui plane sur la démocratie, celle de l'anti-parlementarisme. Elle prend prétexte de la perversion du système parlementaire à laquelle elle ne cherche pas à remédier ; elle prétend volontiers trouver sa légitimité dans la démocratie réelle (directe, sociale, populaire, participative, etc.) ; elle s'attaque en fait à la démocratie véritable, parlementaire, celle qui tient compte de la finitude ; elle est entraînée par le leurre du Tout païen devenu État total : elle débouche sur l'autocratie."
JURANVILLE, 2015, LCEDL

DEMOCRATIE, Nation, Droit, Peuple

Si la démocratie est bien le gouvernement du peuple, ce dernier, en tant qu'il exerce le pouvoir, donc comme sujet politique, est avant tout Nation. L'institution de la démocratie se manifeste donc par la nationalisation du droit, l'exposant de ce fait au risque du nationalisme. Ce qui se produit lorsque le peuple perd de vue les principes de l'internationalisation du droit ou les juge incompatibles avec ses intérêts nationaux - ceci, bien entendu, aux dépens de l'universalisme démocratique.


"Si l'Etat correspond à l'installation du droit et au fait général du droit véritable. Si l'Eglise correspond à la canonisation du droit et à la détermination de ses fins dernières. Si la Science correspond à la rationalisation du droit et à la détermination de sa forme. La démocratie, avec sa nationalisation du droit, correspond, elle, à la matière (contenu) du droit."
JURANVILLE, 2015, LCEDL

COMMUNAUTE, Sacrifice, Peuple, Etranger

La communauté sacrificielle se caractérise par la violence qu'elle fait subir à certains individus, voire à l'individu comme tel, sur lesquels s'est déportée la haine de l'Autre, de l'altérité comme telle. Ce système sacrificiel se réalise sous trois formes de communautés successives. D'abord le couple des amants : fermée et exclusive par définition, cette communauté est tout entière consacrée à la jouissance sexuelle, plus ou moins élevée à la passion, mais surtout elle exclut l'Autre comme tel (l'Autre absolu d'une part, par crainte de l'interdit, l'autre fini d'autre part, l'enfant qui pourrait y être procréer, par crainte de la finitude qu'il faudrait alors assumer). Ensuite la famille : c'est une communauté où cette fois règne l'interdit et la mesure, l'éducation et la responsabilité, mais une communauté qui peine à s'ouvrir à la fraternité universelle, étant elle aussi tentée d'exclure tout étranger (en répétant d'une certaine façon le mythe inconscient de la "scène primitive", soit le "parfait" rapport sexuel dont l'enfant était le premier exclu), mais tentée aussi, corollairement, d'empêcher chacun de ses membres de devenir "étranger" et pleinement individu, dans la solitude et la séparation. Enfin le peuple : cette communauté devrait poser sa spiritualité propre en assumant son rôle dans l'histoire, elle est pourtant aussi le théâtre par excellence du sacrifice, par la communauté entière, de l'Etranger comme tel (c'est la condamnation du Fils de Dieu envoyé sur Terre pour laver les péchés des hommes, la perpétuation de la haine et le refus de toute rédemption).


"Le système social sacrificiel où le sacrifice est violence subie par une victime sur laquelle s’est déplacée la haine contre l’Autre absolu vrai, contre le vrai Dieu... Communauté où se répète et s’« extrêmise » la haine contre l’enfant (le fils) exclu de la scène primitive et contre l’étranger rejeté par la famille. Communauté qui se fixe par la violence exercée en commun contre l’Autre comme tel, devenu victime du « sacrifice »."
JURANVILLE, 2000, ALTERITE

CAPITALISME, Paganisme, Etat, Peuple, MARX

Que le capitalisme soit une continuation du paganisme, Marx l'a montré avec sa théorie de la monnaie fétiche : la monnaie qui, extraite de la marchandise mesurée à sa stricte valeur d'échange, devient le capital lui-même, tout en dissimulant le travail réel qui l'a produite. La monnaie devient valeur en elle-même, adorée et fétichisée, à l'image de cet Autre absolu faux sur lequel repose tout paganisme, tandis que le travailleur se voit sacrifié sur l'autel du capital. Mais l'analyse politique de Marx en vient à assimiler l'Etat lui-même à un usurpateur, alors que s'il a permis l'institution du capitalisme (en fixant les règles du commerce par exemple), il a aussi ouvert l'espace - notamment juridique - à l'individu, dont on ne peut pas dire qu'il est seulement victime (contraint, abusé, etc.) du contrat de travail auquel il a consenti librement, liberté qui lui a été octroyée par l'Etat. Donc, pour le peuple, vouloir la démocratie et la liberté n'est pas contradictoire avec l'acceptation du capitalisme en tant que forme minimale du paganisme, c'en est même la condition sine qua non - justement pour éviter d'ériger soit le capitalisme soit l'Etat lui-même en Maîtres tyranniques - et c'est proprement ce qu'on doit déterminer comme la vérité (démocratique) du peuple.


"[Le capitalisme] nous le posons comme ce paganisme minimal qu’a voulu la révélation (et dont, bien sûr, elle se distingue, rappelons-le contre Benjamin), mais comme ce paganisme minimal dégagé dans le cadre de l’État, d’un État qui n’est pas le Léviathan de Hobbes et qui dispense de véritables droits et ouvre l’espace pour l’individu réel. Le peuple n’accède donc à sa vérité (sur fond de quoi pourra se constituer une véritable démocratie) que pour autant qu’il veut la présence, dans le monde social, du capitalisme. Vérité du peuple qu’on doit dire alors utopique, parce que, face au paganisme dans lequel s’empêtrent les peuples, elle n’a d’abord « pas de lieu »."
JURANVILLE, 2010, ICFH