Dans la conception de Lacan la Chose apparaît comme un Souverain Bien paradoxal : à la fois visée essentielle du désir, mais aussi objet fondamentalement mythique et absent. Autrement dit le Souverain Bien n'existe pas, et la jouissance de la Chose n'est pas tant interdite que réellement impossible. Pourtant le sujet ne laisse pas d'avoir affaire à la Chose (on ne parle pas ici de la relation à l'objet dans le fantasme), puisqu'elle est constitutive de son désir : en tant que substance jouissante autant que substance signifiante, elle n'est pas moins que "la vérité qui parle" dit Lacan. Inversement l'on ne peut pas dire la vérité sur la Chose, et son être, tout comme celui du sujet, demeure indicible : « C’est bien ce qui fait que l’ontologie, autrement dit la considération du sujet comme être, l’ontologie est une honte, si vous me le permettez ! » (Lacan). Dans le cadre de la psychanalyse, tout savoir sur la jouissance de la Chose reste par principe inaccessible - disjonction de la vérité et du savoir -, et le devenir-Chose du sujet, l'accès à son autonomie de chose, demeure tout autant inconcevable.
CHOSE, Bien, Jouissance, Sujet, Vérité, LACAN
BIEN, Absolu, Mélancolie, Cause, LEVINAS
Le Bien est la vérité de l'absolu, l'absolu en tant qu'il doit être vérifié, donc d'une certaine manière atteint et recherché dans une transcendance, au-delà de ce qui est immédiatement présent au sujet. D'où la notion du devoir, qui impose de déterminer le Bien (dans le savoir) et le réaliser (dans l'oeuvre) ; mais aussi celle de la mélancolie qui accompagne le désir d'atteindre, si difficilement, le Bien. La tradition métaphysique détermine le Bien a priori, le présupposant à partir de l'essence (même si elle le situe au-delà, comme Platon) ; tandis que la pensée de l'existence le détermine justement comme ex-sistant, niant toute possibilité de le poser dans le savoir ou de l'identifier au savoir. Ainsi Levinas pointant le Bien dans l'Infiniment Autre (Dieu ou Prochain), mais critiquant la preuve cartésienne de Dieu par l'idée d'infini, refusant au fond l'idée même d'une "cause" divine du Bien - seul le mal, comme radical, à la suite de Kant, apparaît ainsi comme intelligible. Or refuser que la cause puisse être créatrice et imprévisible (ek-sistante), la rabattre sur une cause substantielle, n'est-ce pas la contradiction et l'impasse même faisant le lit ordinaire de la mélancolie, et acter l'impossibilité d'une détermination socialement effective du Bien ?