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DEMOCRATIE, Religion, Politique, Capitalisme

Certes il semblerait que la démocratie s'établisse originellement - ce fut le cas à Athènes avec les réformes de Clisthène, a fortiori dans les démocraties contemporaines - contre l'emprise de la religion sur le politique, contre ses hiérarchies, en instituant le politique avant tout comme un espace public et laïc. Sauf que le peuple n'en conserve pas moins ses tendances profondément païennes et sacrificielles, renouant incessamment avec l'idolâtrie, refusant de voir émerger l'individu dans son autonomie. D'où la nécessité, pour la philosophie devant accomplir la démocratie, de reconnaître, d'une part la portée politique des grandes religions, en particulier celle du christianisme (qui seul peut faire entendre et accepter universellement la voix de l'individu, fondement de la démocratie), d'autre part la place du capitalisme comme institution assumant une forme inévitable et minimale de paganisme.


"La philosophie doit donc d’une part, pour accomplir la démocratie, reconnaître la portée politique décisive, contre le paganisme, des grandes religions (au-delà de la tentative purement formelle de Platon dans Les Lois, avec le religieux qu’il y affirme). Portée politique décisive du christianisme d’abord parce que c’est par lui que l’acceptation jusqu’au bout, par le sujet social, de la démocratie devient possible, et qu’il est la voie (pour reprendre Rosenzweig reprenant saint Jean). Du judaïsme ensuite parce qu’il est, apparue d’emblée, la vérité qu’il faut atteindre au bout de cette voie. De l’islam enfin et, au-delà de la révélation, de toutes les grandes religions instituées par l’homme, parce que celui-là et celles-ci sont la vie en tant qu’elle peut, par cette voie, s’élever à cette vérité. Et la philosophie doit alors d’autre part, parce que le paganisme foncier est inéliminable, donner toute sa place – jusqu’à l’instituer – au capitalisme comme forme minimale du paganisme. Sans les grandes religions et sans le capitalisme, la démocratie ne pourra s’accomplir."
JURANVILLE, 2010, ICFH

DEMOCRATIE, Discours, Pouvoir, Politique

Le monde démocratique a pour vertu de reconnaître la vérité du discours psychanalytico-individuel que le monde sacrificiel, au contraire, rejetait en bloc. Or tel qu'il est apparu historiquement à l'époque moderne, l'Etat démocratique s'appuie plus précisément sur le discours philosophico-clérical, le seul capable de concevoir et de mettre en acte la "volonté générale" à travers le pouvoir législatif. Mais il reconnait aussi la vérité des deux autres discours qui, comme lui, correspondent à l'exercice d'un pouvoir politique, ce qui permet de garantir constitutionnellement la séparation des trois pouvoirs ou au moins leur équilibre. Ainsi le discours clérical ou philosophico-clérical, dont on parle, correspond au pouvoir législatif (aspect artistocratique du système) ; le discours du maître correspond au pouvoir exécutif (aspect monarchique) ; et le discours du peuple correspond au pouvoir judiciaire (aspect populaire donc), pouvoir que Montesquieu dit « pour ainsi dire invisible et nul » puisqu'il ne fait qu'appliquer la loi (fort heureusement car son essence "pénale" l'expose particulièrement au risque sacrificiel). Le quatrième discours, psychanalytico-individuel, ne correspond à aucun pouvoir, si ce n'est celui que Platon reconnaissait à la science réthorique pour épauler, de concert avec le discours philosophico-clérical, le pouvoir législatif.


"Le système politique de la société juste a donc à fixer, dans le cadre de la démocratie représentative ou parlementaire, la présence du discours vrai de l’individu ou discours psychanalytico-individuel, toujours d’abord rejeté sacrificiellement du monde social – et risquant toujours à nouveau de l’être. Ce qui se fait par ce que Schmitt appelle le deuxième « principe de la composante libérale de toute constitution moderne », le principe d’organisation, c’est-à-dire la séparation des pouvoirs, ou encore leur division, ou encore leur équilibre. Principe dont nous allons voir à nouveau qu’il appartient en fait au système politique. Car le pouvoir qui s’impose dans l’histoire, là où un État véritable est institué, est celui qui veut poser ce que Rousseau a désigné si exactement comme la volonté générale. C’est le pouvoir du discours clérical ou philosophico-clérical – pouvoir législatif, l’aspect aristocratique de la démocratie véritable."
JURANVILLE, 2010, ICFH

AMOUR, Amitié, Démocratie, Politique

La démocratie est à la politique, sur le plan social, ce que l'amitié est à l'amour, sur le plan individuel : à savoir une façon d'assumer la finitude constitutive à laquelle l'homme est confronté dans sa relation avec l'autre. C'est le capitalisme qu'il s'agit d'assumer dans le cadre de la politique, et c'est la sexualité dans le cadre de l'amour.


"L’amour est, quant aux relations individuelles, comme la politique quant aux relations sociales : non pas une relation particulière, mais l'absolutisation ou intensification de toute relation... De même que l'amour, assumant la finitude radicale comme sexualité, laisse place à l'amitié et conduit, au-delà de la passion primordiale, à la vie de l'esprit, de même la politique, assumant cette même finitude comme capitalisme, laisse place à la démocratie."
JURANVILLE, 2015 

DISCOURS DU MAITRE, Loi, Fantasme, Politique, LACAN

La forme essentielle du discours du maître est le discours politique, selon lequel le savoir (et le monde) peut faire une totalité sous le règne de la loi. Pourtant, en soumettant l'esclave et le forçant à travailler, loin de convertir l'autre à la loi, il provoque l'apparition d'un supplément, un "plus-de-jouir" justement en dehors de toute loi puisque la référence au grand Autre a dès lors disparu (S1 est inaccessible). En réalité le seul "ordre" dont ce monde peut se prévaloir, à l'aune du discours du maître, est simplement un fantasme de totalité, que constitue la relation sous-jacente du $ (côté maître) avec le "a" (côté esclave) dont il se compète, $ <> a étant bien la formule du fantasme. D'où l'illusion d'un rapport sexuel totalisant, substitution de l'objet à la Chose, et donc impossibilité de toute sublimation (où il faudrait qu'inversement l'objet devienne Chose). Le discours du maître ne fait pas acte, il laisse le peuple être ce qu'il est, protégé certes, mais dominé et exploité, voire sacrifié s'il le faut.

"Cette fixation au fantasme est ce qui bloque la sublimation. Certes le maître est le castré, celui qui s’est assujetti à la loi de la castration, en s’exposant à la mort. Il a sublimé. Mais le discours du maître ferme l’accès à la sublimation. De la Chose n’est retenu que l’objet a . Et la jouissance de l’Autre ne peut plus se dégager de la jouissance sexuelle. Le discours du maître conforte en l’autre l’illusion qu’il y a un rapport sexuel, que le masculin et le féminin se complètent et constituent l’harmonie du monde. L’autre sait pourtant, et le savoir établit, qu’il n’y a pas de rapport sexuel. Mais le maître permet à l’autre de supporter ce savoir qu’il a en horreur, en en dissimulant les conséquences dernières. Il est le castré, celui qui s’est sacrifié, qui a payé pour les autres, et c’est pour cela qu’il reçoit tous les honneurs. Le discours du maître n’implique aucune haine parce que personne ne veut s’y identifier au maître."
JURANVILLE, LPH, 1984

INDIVIDU, Oeuvre, Rupture, Politique

L'individu est celui qui mène la rupture d'avec le monde sacrificiel, en accomplissant son oeuvre, car c'est par elle qu'une identité nouvelle prend corps dans un langage, et donc qu'est posée l'objectivité de l'existence - c'est toute la portée politique d'un tel accomplissement et d'une telle épreuve.

"Certes celui qui s’engage dans l’individualité doit traverser l’épreuve terrible de la finitude radicale comme solitude. Mais cette épreuve que l’individu a à traverser jusqu’au bout pour être un individu effectif, elle est fixée dans l’œuvre. Dans le parcours qui est celui de sa forme, elle témoigne auprès de tout Autre de l’épreuve traversée pour la relation à cet Autre. Et que, dans l’apaisement final qui correspond au moment où la forme se fait contenu, nouveau contenu, elle témoigne de ce que cette épreuve a été menée jusqu’au bout, jusqu’à la constitution d’une identité nouvelle dans le cadre de laquelle est revoulue toute la finitude. Dans l’œuvre est ainsi justifié le mouvement du sujet existant vers son individualité. L’individu est donc bien celui qui mène la rupture, d’abord introduite par la révélation, jusqu’à son accomplissement objectif – et il peut être ainsi posé dès lors qu’on pose comme telle l’objectivité de l’existence, ce que nous faisons en affirmant, au-delà de l’existence, l’inconscient. Individu dont toute la visée du système sacrificiel est d’empêcher la venue – où l’on voit que la catégorie de l’individu relève primordialement et ultimement, malgré qu’en eût eu Kierkegaard, de la politique."
JURANVILLE, 2010, ICFH

INDIVIDU, Droit, Politique, Volonté générale, SCHMITT

Les droits de l'individu émanent de la volonté politique en tant que telle (et non d'une "composante libérale" en quelque sorte annexe de la société, comme le pense Schmitt), rien d'autre que la volonté générale dont l'individu doit se faire activement le représentant.

"Le système politique de la société juste doit ouvrir l’espace pour que l’existant puisse advenir à son individualité. Espace qui ne contredit en rien la dimension politique de cette société, contrairement à ce que pense Carl Schmitt. Disons, quant à nous, qu’il n’y a pas, dans l’État de droit bourgeois, de contradiction entre une composante politique et une composante libérale. Et qu’il y a bien plutôt un accomplissement du politique. L’État a une souveraineté et une légitimité bien plus grandes quand il restreint ses pouvoirs au profit de l’individu que lorsqu’il déploie sans limite lesdits pouvoirs – il n’est alors que le prolongement de l’idole païenne... L’individu a des droits qui excèdent certes, sinon précèdent, le monde social ordinaire. Des droits non pas d’un individu déjà constitué et absolu par soi, mais d’un individu à venir, et qui aura lui-même à reconstituer – c’est son élection - la volonté générale. Car la "volonté générale" est certes d’emblée là, mais elle est toujours d’abord forclose par la "volonté de tous", par le système sacrificiel."
JURANVILLE, 2010, ICFH