La forme essentielle du discours du maître est le discours politique, selon lequel le savoir (et le monde) peut faire une totalité sous le règne de la loi. Pourtant, en soumettant l'esclave et le forçant à travailler, loin de convertir l'autre à la loi, il provoque l'apparition d'un supplément, un "plus-de-jouir" justement en dehors de toute loi puisque la référence au grand Autre a dès lors disparu (S1 est inaccessible). En réalité le seul "ordre" dont ce monde peut se prévaloir, à l'aune du discours du maître, est simplement un fantasme de totalité, que constitue la relation sous-jacente du $ (côté maître) avec le "a" (côté esclave) dont il se compète, $ <> a étant bien la formule du fantasme. D'où l'illusion d'un rapport sexuel totalisant, substitution de l'objet à la Chose, et donc impossibilité de toute sublimation (où il faudrait qu'inversement l'objet devienne Chose). Le discours du maître ne fait pas acte, il laisse le peuple être ce qu'il est, protégé certes, mais dominé et exploité, voire sacrifié s'il le faut.
"Cette fixation au fantasme est ce qui bloque la sublimation. Certes le maître est le castré, celui qui s’est assujetti à la loi de la castration, en s’exposant à la mort. Il a sublimé. Mais le discours du maître ferme l’accès à la sublimation. De la Chose n’est retenu que l’objet a . Et la jouissance de l’Autre ne peut plus se dégager de la jouissance sexuelle. Le discours du maître conforte en l’autre l’illusion qu’il y a un rapport sexuel, que le masculin et le féminin se complètent et constituent l’harmonie du monde. L’autre sait pourtant, et le savoir établit, qu’il n’y a pas de rapport sexuel. Mais le maître permet à l’autre de supporter ce savoir qu’il a en horreur, en en dissimulant les conséquences dernières. Il est le castré, celui qui s’est sacrifié, qui a payé pour les autres, et c’est pour cela qu’il reçoit tous les honneurs. Le discours du maître n’implique aucune haine parce que personne ne veut s’y identifier au maître."
JURANVILLE, LPH, 1984
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