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CAPITALISME, Individu, Droit, Contrat de travail

Le capitalisme permet à chacun de s'engager sur la voie de l'individualité, sans risquer la violence physique ou la mort, en tout cas il lui en donne toutes les garanties juridiques ; mais paradoxalement c'est au prix d'y aliéner sa force de travail, son temps et sa créativité - de par la nature même du contrat de travail - et finalement de renoncer (au moins provisoirement) à son individualité.


"Le monde où l’existant peut, comme individu, s’affronter à l’aliénation inéliminable et l’assumer, est justement le monde dans lequel le capitalisme est apparu. Sans doute le capitalisme est-il le prolongement du paganisme. L’existant y est déchet de l’idole (Autre absolu faux) – maintenant, celui de la monnaie ou argent. Il y subit (ou exerce) une violence sacrificielle – maintenant, celle du contrat de travail. Bref, il y fuit toujours son individualité, sa puissance créatrice. Et cependant le capitalisme (en cela il s’oppose au paganisme traditionnel ou paganisme brut) ne se développe que pour autant que se développe autour de lui le droit."
JURANVILLE, 2010, ICFH

CAPITALISME, Finitude, Droit, Individu

Concernant la finitude radicale et les maux qu'elle engendre, la faute ultime consiste à la nier plutôt que de l'assumer sous sa forme minimale - car la finitude étant inéliminable, ses conséquences néfastes n'en seront alors qu'aggravées. Ainsi du capitalisme, qui n'est pas un bien mais effectivement un mal (une forme de système sacrificiel avec ses idoles), sauf qu'en même temps, il reste la seule institution reconnaissant par principe la place de l'individu comme tel et offrant les conditions de son autonomie effective (libertés de propriété, de travail, d'entreprise, etc. encadrées par le droit).


"Le capitalisme étant l'organisation économique par laquelle il faut passer comme hétéronomie pour accéder à la véritable autonomie... C'est l'institution décisive, ultime, pour la justice que veut la philosophie : assumer, pour et dans la justice, l'injustice inéliminable des hommes, leur soumission complaisante, toujours, à l'idole ; l'assumer sous sa forme minimale - sous une forme telle que, si on veut la combattre, l'injustice reviendra, et alors sous une forme extrême."
JURANVILLE, 2015, LCEDL

CAPITALISME, Orient, Occident, Droit, WEBER

Même mondialisé, l'esprit du capitalisme reste occidental si l'on en croit Max Weber, car c'est bien en Occident, notamment sous l'impulsion de l'éthique protestante, que l'universelle "pulsion de profit" a trouvé son objectivation rationnelle à travers la quasi-science économique, ainsi que son support par le droit. Cela supposait une "ascèse intramondaine", selon le mot de Weber, incompatible avec le traditionalisme oriental sous ses formes spirituelles (religieuses) aussi bien que temporelles (féodalisme). L'orient n'aura donc intégré le capitalisme que comme un instrument et "un artefact venu de l'extérieur" (Weber).


"Étant parti du supposé (et fameux) « appétit illimité de profit de l’Asiatique » et y ayant perçu une « pulsion de profit », Weber note qu’il y manque néanmoins « ce qui a été décisif pour l’économie de l’Occident : la rupture, et l’objectivation rationnelle de ce caractère pulsionnel de l’aspiration au profit [= la non-vérité posée comme telle] et son intégration dans un système d’éthique rationnelle intramondaine de l’agir [la non-vérité assumée dans la vérité], telles qu’elles ont été opérées par l’“ascèse intramondaine” du protestantisme en Occident » – ce qui formerait, selon lui et à nos yeux, l’esprit du capitalisme."
JURANVILLE, 2017, HUCM

AUTONOMIE, Droit, Non-sens, Fin de l'Histoire

Le monde juste de la fin de l'histoire n'est pas le paradis sur terre : c'est le monde où l'homme imparfait assume sa finitude et surtout ses contradictions, comme le fait que des institutions justes n'empêchent en rien la continuation de la violence, des injustices et du non-sens. Le droit n'est que le savoir pratique de la finitude, pas son abolition ; il dit juste ce qu'il faut faire avec, et comment limiter au mieux l'injustice. Le paganisme n'ignore par les règles qu'il fait proliférer sous la forme de tabous, il rejette avant tout l'autonomie des individus, pilier incontournable du droit. Mais l'autonomie n'est pas un acquis définitif, elle est remise en question et création de sens à partir du non-sens - il n'y a donc pas lieu de déplorer la supposée "perte du sens" dans la société de la fin de l'histoire. C'est bien plutôt la forclusion de tout non-sens, l'oubli de la finitude en général, qui conduit à la pire des tyrannies, celle d'une fausse autonomie purement abstraite revendiquée au double titre d'un droit de jouissance et d'un devoir de transparence.


"Mais l'autonomie véritable, créatrice, est toujours d'abord rejetée par l'existant comme une possibilité insupportable. Et, plutôt que de donner sens au non-sens constitutif, il préfère alors s'abîmer dans le non-sens, quitte à le parer plus ou moins d'un sens illusoire. Ce qui prend une portée particulièrement significative dans le monde actuel où à la fois l'autonomie créatrice est proclamée socialement et où en même temps le non-sens constitutif est posé comme tel. Et le même rejet de l'autonomie créatrice possible, et donc le même engouffrement dans le non-sens, se retrouverait aujourd'hui chez ceux qui déplorent la perte du sens. Comme si le sens, le vrai, ne devait pas être recréé à partir du non-sens ! Ce mouvement de rejet correspond, dans le monde actuel, à la captation par l'autonomie la plus abstraite - qui se donne comme visée de jouissance qu'aucune autorité n'aurait limité - et qui se manifeste comme exigence de transparence par quoi on s'assure que nulle autorité ne s'exerce, autonomie abstraite qui suppose alors une profonde dépression."
JURANVILLE, 2015, LCEDL

INDIVIDU, Droit, Politique, Volonté générale, SCHMITT

Les droits de l'individu émanent de la volonté politique en tant que telle (et non d'une "composante libérale" en quelque sorte annexe de la société, comme le pense Schmitt), rien d'autre que la volonté générale dont l'individu doit se faire activement le représentant.

"Le système politique de la société juste doit ouvrir l’espace pour que l’existant puisse advenir à son individualité. Espace qui ne contredit en rien la dimension politique de cette société, contrairement à ce que pense Carl Schmitt. Disons, quant à nous, qu’il n’y a pas, dans l’État de droit bourgeois, de contradiction entre une composante politique et une composante libérale. Et qu’il y a bien plutôt un accomplissement du politique. L’État a une souveraineté et une légitimité bien plus grandes quand il restreint ses pouvoirs au profit de l’individu que lorsqu’il déploie sans limite lesdits pouvoirs – il n’est alors que le prolongement de l’idole païenne... L’individu a des droits qui excèdent certes, sinon précèdent, le monde social ordinaire. Des droits non pas d’un individu déjà constitué et absolu par soi, mais d’un individu à venir, et qui aura lui-même à reconstituer – c’est son élection - la volonté générale. Car la "volonté générale" est certes d’emblée là, mais elle est toujours d’abord forclose par la "volonté de tous", par le système sacrificiel."
JURANVILLE, 2010, ICFH

INDIVIDU, Droit, Etat, Capitalisme, FOUCAULT

C'est grâce à ces diverses institutions que sont l'Etat, l'Eglise, la Science, la Démocratie, et même le Capitalisme, que les progrès en matière de justice et la reconnaissance des droits de l'individu se confondent en une seule même réalité historique.

"Les progrès en matière de justice se caractérisent à chaque fois, pour Foucault, par une reconnaissance s'approfondissant de ce qu'il en est de l'individu qu'ont à devenir les humains, ce qu'empêche le système sacrificiel des communautés païennes ou néo-païennes. Avec l'institution de l'État, c'est par exemple la lutte contre les vengeances familiales, l'héritage devenant individuel, la limitation des conduites de deuil, l'abolition des dettes par Solon pour que nul ne soit voué par elles à l'esclavage, l'institution de la monnaie comme richesse passant de main en main. Avec l'institution de l'Église, c'est l'avènement exprès de l'individu (aveu du péché, foi néanmoins en l'homme nouveau qu'on peut devenir) qui est directement recherché, mais pas encore sous ce nom. Avec la raison d'État, la rationalisation du droit et l'institution de la science, l'individu est désigné comme tel, « le droit [allant] servir de point d'appui à toute personne qui voudra d'une manière ou d'une autre limiter cette extension indéfinie d'une raison d'Etat prenant corps dans un Etat de police » (Foucault). Avec l'institution de la démocratie, l'individualisme formel étant libéré politiquement, l'individu est proclamé par la philosophie de ce temps et devient, Foucault le souligne, ce que cherche à susciter dans l'humain la pédagogie. Avec enfin l'institution du capitalisme, est reconnu philosophiquement et politiquement qu'à la fois tous les humains doivent et peuvent devenir des individus et que tous ne le deviendront pas ; qu'il faut « faire avec » la pulsion de mort et que c'est le propre de l'État de droit accompli ou encore entièrement « gouvernementalisé » dont traite ultimement Foucault."
JURANVILLE, 2021, UJC