Si le doute méthodique conduisait Descartes jusqu'à l'évidence, apparemment indépassable, des vérités mathématiques, le doute hyperbolique remet en cause - provisoirement, avec l'hypothèse du Malin Génie - le primat de la raison au profit de la seule pensée, la pensée la plus pure et la plus libre, potentiellement la plus folle, mais aussi grosse d'une rationalité future, conduisant au savoir vrai. Car la pensée du Malin Génie, pur non-sens en elle-même, fait surgir la grâce chez celui qui la conçoit (un peu comme Socrate affirmant ne rien savoir, mais plus radicalement) : il se place en retrait, quasiment en position de déchet, pour mieux dévoiler la fausseté du "malin" qui croit pouvoir l'illusionner et le manipuler, ce que la psychanalyse appelle le Surmoi, symbole de tous les maitres et faux dieux prétendant régner sur les esprits et sur le monde.
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DOUTE, Malin génie, Illusion, Grâce, DESCARTES
"Evénement capital qu'est avec Descartes l'affirmation du doute - laquelle n'est autre que la proclamation d'un savoir philosophique nouveau, entièrement rationnel. "Chemin du doute" (Hegel) qui n'est autre que le chemin (la mét-hode, de hodos chemin, voie) de la science... Ce doute est quelque chose d'essentiel dans quoi on se replie par liberté, contre le savoir ordinaire dénoncé dans sa fausseté. Mais aussi doute fou, puisque, par lui, on dénonce l'objectivité reconnue de tous. Le Malin Génie est le Dieu qu'envisage le fou dans sa psychose pathologique. Or, si l'affirmation cartésienne du doute fait rupture, c'est par la grâce qu'elle implique. Car Descartes, avec son doute hyperbolique, se met, par rapport au Dieu trompeur ou Malin Génie, dans la position du déchet."
JURANVILLE, 2015, LCEDH
AUTRE, Surmoi, Finitude, Pulsion de mort, LACAN
L'homme ne saurait, par lui-même, dépasser sa finitude, puisque celle-ci le détourne justement de l'Autre absolu vrai qui seul pourrait le sauver. A la place il se fabrique un Autre absolu faux qui, n'admettant pour lui-même aucun Autre, ne l'appelle pas non plus à affronter sa finitude - notamment la sexualité, régie par la pulsion de mort, qui de ce fait demeure son unique horizon.
"Il est idole pour autant qu'il sera l'objet d'un culte. Il est spectre (revenant) pour autant qu'il hante l'humain, le retient dans le passé et l'empêche de s'ouvrir à l'Autre qui viendra. Il est ce que la psychanalyse désigne comme le Surmoi. C'est la haine qui le produit comme formation primordialement psychotique (hallucination). « Le Surmoi est haine de Dieu, dit Lacan, reproche à Dieu d’avoir si mal fait les choses » — comme si elles avaient été mal faites parce qu’il faudrait, certes douloureusement, découvrir en soi la pulsion de mort et s’y affronter (cette pulsion de mort dont on est quant même coupable, puisque c’est le primordial refus) ! « Le Surmoi est cette béance ouverte dans l’imaginaire par tout rejet des commandements de la parole » (Lacan) - c’est un dieu obscur qui n’écoute pas et avec lequel on ne parle pas."
JURANVILLE, HUCM, 2017
ABANDON, Finitude, Surmoi, Déchéance
L'abandon ordinaire, refusant la finitude, et donc tout abandon réel à l'Autre absolu vrai, conduit à la constitution d'un Autre absolu faux, bon ou méchant, Idéal-du-Moi ou Surmoi, qui ne fait que conforter le système social sacrificiel et réduit l'abandon à une déchéance.
"L’abandon ordinaire est d’abord et toujours fondamentalement rejet haineux de l’Autre absolu vrai. Rejet haineux de cet Autre, parce que celui-ci, voulant pour lui-même toute la finitude, et s’abandonnant au fini comme à son Autre, l’appelle à revouloir lui aussi toute la finitude, et à s’abandonner à son tour du même abandon, dont il lui donne toutes les conditions – mais le fini refuse d’abord de s’abandonner ainsi. L’abandon ordinaire est, à partir de là, représentation fausse de cet Autre absolu comme méchant... Il l’aurait abandonné, « largué », laissé tomber, lui aurait refusé ce qu’il devait lui donner – alors que, soulignons-le, c’est le fini lui - même qui toujours d’abord tend à infliger un tel abandon, un tel refus à son Autre. Représentation fausse qui n’est autre que la constitution de l’Autre absolu faux ou Surmoi. L’abandon ordinaire est ensuite représentation fausse d’un Autre absolu bon qui, certes lui-même hors finitude, protégerait, dans sa bonté, le fini de l’épreuve douloureuse de la finitude. Et c’est à un tel Autre, et à tous ceux qui s’identifieraient à lui, que le fini alors s’abandonnerait d’un abandon « serein », « confiant », accédant peu à peu à un savoir socialement reconnu. Représentation fausse de l’Autre absolu comme Idéal du moi, qui n’est que l’autre face, inessentielle, de l’Autre absolu faux comme Surmoi. L’abandon ordinaire est enfin organisation, prétendument par amour pour cet Autre, du système social sacrificiel, où la haine maintenue contre l’Autre absolu vrai se transforme en violence contre la victime – elle-même cruellement abandonnée, « abandonnée à son triste sort », pour autant qu’elle incarne celui qui, individu, peut vouloir s’abandonner jusqu’au bout et assumer, dans l’autonomie, la finitude radicale de l’humain."
JURANVILLE, 2000, JEU
INDIVIDU, Existence, Finitude, Surmoi, STIRNER
Les conceptions de l'existence de Kierkegaard et de Marx, pour opposées qu'elles soient, tombent sous le coup d'une même objection : l'une en récusant toute justice en ce monde, l'autre en ignorant tout absolu divin, conduisent à fabriquer des absolus faux ; ce qu'a bien repéré Stirner, lequel conduit à son tour son individu, "L'Unique et sa propriété" vers les impasses et les abstractions du "rien".
"N’y a-t-il pas dans les deux cas la même fuite devant l’individualité, au profit d’un absolu illusoire, la même aliénation, d’espèce fondamentalement religieuse ? C’est ce que soutient Stirner qui proclame, lui, purement et simplement, l’« Unique et sa propriété ». Mais autant la critique que Stirner avancerait, avec Marx, contre Kierkegaard et ses conceptions, et la critique qu’il avance contre Marx, sont l’une et l’autre décisives pour quiconque affirme l’existence, et de même sa réaffirmation pure de l’individu, autant cette réaffirmation reste elle-même absolument abstraite (ce que lui reproche Marx dans L’idéologie allemande). Car il est sûr que l’existant par finitude radicale fuit toujours d’abord cette même finitude et se fabrique alors un absolu faux (ou Surmoi) auquel il se soumet (que cet absolu soit ou non expressément religieux). Mais il est sûr aussi, comme le dit Kierkegaard, que l’existant ne peut avoir de propre, d’identité, d’autonomie que par l’Autre absolu vrai ; et il est sûr, comme le dit Marx, que ce propre, cette identité, cette autonomie supposent l’institution d’une société juste."
JURANVILLE, 2007, EVENEMENT
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