ABANDON, Finitude, Surmoi, Déchéance

L'abandon ordinaire, refusant la finitude, et donc tout abandon réel à l'Autre absolu vrai, conduit à la constitution d'un Autre absolu faux, bon ou méchant, Idéal-du-Moi ou Surmoi, qui ne fait que conforter le système social sacrificiel et réduit l'abandon à une déchéance.

"L’abandon ordinaire est d’abord et toujours fondamentalement rejet haineux de l’Autre absolu vrai. Rejet haineux de cet Autre, parce que celui-ci, voulant pour lui-même toute la finitude, et s’abandonnant au fini comme à son Autre, l’appelle à revouloir lui aussi toute la finitude, et à s’abandonner à son tour du même abandon, dont il lui donne toutes les conditions – mais le fini refuse d’abord de s’abandonner ainsi. L’abandon ordinaire est, à partir de là, représentation fausse de cet Autre absolu comme méchant... Il l’aurait abandonné, « largué », laissé tomber, lui aurait refusé ce qu’il devait lui donner – alors que, soulignons-le, c’est le fini lui - même qui toujours d’abord tend à infliger un tel abandon, un tel refus à son Autre. Représentation fausse qui n’est autre que la constitution de l’Autre absolu faux ou Surmoi. L’abandon ordinaire est ensuite représentation fausse d’un Autre absolu bon qui, certes lui-même hors finitude, protégerait, dans sa bonté, le fini de l’épreuve douloureuse de la finitude. Et c’est à un tel Autre, et à tous ceux qui s’identifieraient à lui, que le fini alors s’abandonnerait d’un abandon « serein », « confiant », accédant peu à peu à un savoir socialement reconnu. Représentation fausse de l’Autre absolu comme Idéal du moi, qui n’est que l’autre face, inessentielle, de l’Autre absolu faux comme Surmoi. L’abandon ordinaire est enfin organisation, prétendument par amour pour cet Autre, du système social sacrificiel, où la haine maintenue contre l’Autre absolu vrai se transforme en violence contre la victime – elle-même cruellement abandonnée, « abandonnée à son triste sort », pour autant qu’elle incarne celui qui, individu, peut vouloir s’abandonner jusqu’au bout et assumer, dans l’autonomie, la finitude radicale de l’humain."
JURANVILLE, 2000, JEU

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