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COMPLOTISME, Discours du peuple, Discours du maître, Discours de l'individu

Le discours complotiste, tenu par le peuple, suppose toujours qu'un petit groupe de maîtres détient secrètement le pouvoir et ment à la population. Dans la société traditionnelle un tel discours n'a pas lieu d'être, précisément parce que le discours du peuple y est dominant, hégémonique, massivement complotiste lui-même - même si ce sont d'autres discours qui organisent (discours du maître) ou légitiment (discours du clerc) le système sacrificiel, conformément à l'obscure volonté du peuple. Ce n'est qu'à l'aube de l'histoire, avec le discours du maître parvenu en position dominante (discours qui prône alors un minimum de justice et de rationalité), que le complotisme se déclare ouvertement et se répand parmi le peuple, précisément contre les maîtres supposés illégitimes. Il se déchaîne littéralement à la fin de l'histoire avec l'avènement du discours de l'individu (violemment rejeté par les masses), prenant pour cible le capitalisme, le "système", la finance, etc., ceci dans un contexte où si le discours du peuple globalement décline, il en va autrement de son pouvoir (demo-cratie) largement dévoyé dans les Etats totalitaires, ouvertement complotistes et anticapitalistes.


"Le complotisme est inconcevable dans le monde traditionnel. Car c'est une conception qui interprète les événements à partir de l'idée qu'un complot (une conspiration, une conjuration) a été ourdi secrètement par un groupe maléfique (les juifs, les francs-maçons, etc.) pour exercer la domination sur le peuple et occuper la place de maîtres... Il est en fait discours du peuple qui rejette ce groupe prétendu maléfique et le condamne à la violence sacrificielle... Mais cette captation de tous dans le social est mise en question avec l'avènement de l'histoire. Et le complotisme apparaît. Des individus (formant des groupes) surgissent alors qui agissent socialement en tant que maîtres nouveaux et qui introduisent des changements politiques dans le sens de la justice véritable. Le complotisme se dresse explicitement contre eux."
JURANVILLE, 2021, UJC

DISCOURS DU PEUPLE, Discours du maître, Discours, Oeuvre, LACAN

Qu'est-ce que le discours du peuple ? Un discours où les sujets, fort de leur appartenance à une totalité sociale, et au nom de cette finitude, rejettent toute prétention à un savoir absolu. C'est bien le premier discours historique, celui qui déploie l'oeuvre du monde social traditionnel, bloqué sur un mode de pensée quaternaire analogique ("quand le divin est à l’humain ce que l’humain est au divin" résume bien Juranville) et donc une structure discursive elle-même faussée, incapable de se projeter sur une ouverture au Cinq de l'Histoire, et encore moins au Six du Savoir. Or Lacan, qui fait du discours du Maitre le discours primordial ne voit pas en quoi celui-ci, qui semble régner sur le monde traditionnel, est en réalité déterminé par le discours du peuple (discours de l'hystérique, pour lui). De là aussi que sa propre construction du discours en général, tirée de la structure du discours du maître (S 1-S 2-a-$), présente une clôture artificielle et fausse, qui doit être rectifiée à l'aune de la structure complète, sénaire (doublement ternaire, et incluant le quaternaire de l'oeuvre : Autre-Chose-objet-sujet), du mouvement existentiel.

"Dès lors la présentation structurale, par Lacan, du discours aura, dans l’analyse ternaire que nous proposons pour le discours en général (pensée-conflit-dialogue), mais aussi pour les discours fondamentaux ou structures historiales, les correspondants suivants. Le plan supérieur, celui de l’agent et de l’autre, renverra au discours dans son acte, ou son phénomène (la pensée, rappelons-le, est suscitée par l’essence venant en l’Autre et comme Autre, et implique que l’essence est reconstituable par chacun, par soi d’abord, mais aussi par tout autre à venir). Le plan inférieur chez Lacan, celui de la production et de la vérité, aura comme correspondant le discours dans ce par quoi il s’accomplit, dans l’identification qui le caractérise (le conflit résulte de ce qu’il y a plusieurs identifications possibles). Les flèches de l’impossibilité et de l’impuissance enfin, là où le discours se heurte, pour Lacan, à une contradiction indépassable, renverront chez nous (qui voulons montrer comment cette contradiction peut se résoudre) au discours dans son principe subjectif (le dialogue reçoit de l’Autre absolu, posable comme tel par la philosophie, sinon par la psychanalyse, toutes les conditions pour se déployer universellement, et donner au conflit toute sa vérité)."
JURANVILLE, 2007, EVENEMENT

DISCOURS DU MAITRE, Loi, Fantasme, Politique, LACAN

La forme essentielle du discours du maître est le discours politique, selon lequel le savoir (et le monde) peut faire une totalité sous le règne de la loi. Pourtant, en soumettant l'esclave et le forçant à travailler, loin de convertir l'autre à la loi, il provoque l'apparition d'un supplément, un "plus-de-jouir" justement en dehors de toute loi puisque la référence au grand Autre a dès lors disparu (S1 est inaccessible). En réalité le seul "ordre" dont ce monde peut se prévaloir, à l'aune du discours du maître, est simplement un fantasme de totalité, que constitue la relation sous-jacente du $ (côté maître) avec le "a" (côté esclave) dont il se compète, $ <> a étant bien la formule du fantasme. D'où l'illusion d'un rapport sexuel totalisant, substitution de l'objet à la Chose, et donc impossibilité de toute sublimation (où il faudrait qu'inversement l'objet devienne Chose). Le discours du maître ne fait pas acte, il laisse le peuple être ce qu'il est, protégé certes, mais dominé et exploité, voire sacrifié s'il le faut.

"Cette fixation au fantasme est ce qui bloque la sublimation. Certes le maître est le castré, celui qui s’est assujetti à la loi de la castration, en s’exposant à la mort. Il a sublimé. Mais le discours du maître ferme l’accès à la sublimation. De la Chose n’est retenu que l’objet a . Et la jouissance de l’Autre ne peut plus se dégager de la jouissance sexuelle. Le discours du maître conforte en l’autre l’illusion qu’il y a un rapport sexuel, que le masculin et le féminin se complètent et constituent l’harmonie du monde. L’autre sait pourtant, et le savoir établit, qu’il n’y a pas de rapport sexuel. Mais le maître permet à l’autre de supporter ce savoir qu’il a en horreur, en en dissimulant les conséquences dernières. Il est le castré, celui qui s’est sacrifié, qui a payé pour les autres, et c’est pour cela qu’il reçoit tous les honneurs. Le discours du maître n’implique aucune haine parce que personne ne veut s’y identifier au maître."
JURANVILLE, LPH, 1984

DISCOURS DU MAITRE, Loi, Plus-de-jouir, Fascination, LACAN

Le discours du maitre est le premier dans l'ordre d'apparition des discours : le maître ici n'est pas celui qui enseigne mais celui qui édicte la loi de ce qui est. Cette loi (historiquement elle vient avec la Révélation juive, et rend possible la philosophie) n'est pas d'abord rapportée à l'Autre absolu vrai (divin), mais à un Autre absolu faux, l'idole païenne dont le maître se fait le représentant (il faudra l'Histoire et d'autres événements "cruciaux" pour qu'advienne le règne de l'Autre absolu vrai). L'ordre social qui en découle ne peut être qu'injuste mais la loi du maitre parvient à s'imposer à l'aune d'une rationalité dogmatique (creuse, mais ayant réponse à tout) suffisamment déployée pour faire illusion. Cela, face à l'esclave qui, de son côté, se laisse fasciner par le maître et ne peut s'affranchir de l'illusion du tout-social, ni donc revendiquer son individualité. Le maître est celui qui, initialement, s'est affranchi justement de ce fantasme, et qui, renonçant à la jouissance, a osé affronter la mort. Il reste à l'esclave de travailler pour le maître, avec pour seul privilège d'accéder à quelque savoir technique, tandis qu'il se fait lui-même objet-déchet - mais un objet de plus en plus nécessaire de sorte que se reconstitue le fantasme du maître, sujet devenant dépendant de son objet. De là à imaginer, comme le développe Hegel, que l'expertise acquise par l'esclave pourra suffire à renverser le maître, on sait que ce raccourci est vivement critiqué par Marx : aucun changement profond n'est matériellement possible dans le cadre de ce dispositif de domination tant que l'esclave est spolié de la plue-value de son travail. Il n'en aurait pas la force, une révolution serait nécessaire, donc un changement structurel de discours. Lacan répond à Hegel que le maître n'est pas seul à se vautrer dans la jouissance de l'objet, une part du plus-de-jouir revient bien à l'esclave (sinon il ne serait pas maintenu "esclave" aussi bien d'un "idéal" de la consommation), et il répond à Marx que justement l'esclave s'enchaîne de lui-même à la jouissance d'objet, refusant à nouveau le travail sur soi de renonciation nécessaire à une vraie émancipation, et que dans ces conditions - révolution ou pas - il serait abusif de parler d'un quelconque "progrès".

"Le discours apparaît dans le monde social – et c’est là qu’il a sa réalité matérielle – comme réponse à la question qui se pose aux hommes quant à ce qu’ils ont à être. Et cette réponse consiste d’abord à énoncer la loi qui organise ce monde. Une loi qui est initialement celle de l’Autre absolu faux, de l’idole, mais qui n’est pas définitivement celle-là, et pourra devenir celle de l’Autre absolu vrai, du vrai Dieu. Ambiant dans le monde social, ce primordial discours peut être déployé expressément comme tel, comme raison et donc savoir rationnel. Il justifie ce qui est. Mais ce qui est est d’abord inévitablement injuste, parce que l’effet de ce discours sur son autre, sur celui auquel il s’adresse, est alors non pas de l’aider à se conformer à la loi énoncée, mais de le vouer à la fascination devant cette raison et de le soumettre à l’arbitraire éventuel de celui qui tient le discours... Celui qui tient ce primordial discours suscite en son autre la toujours présente, toujours prête à surgir à nouveau soumission fascinatoire devant le tout social, devant l’idole selon la loi de laquelle le tout est ordonné et devant le maître qui incarne cette idole – non pas maître qui enseigne, mais maître qui domine. Soumission fascinatoire dont on peut dire qu’elle est libre, mais d’une liberté qui se perd – c’est là une des formes de la pulsion de mort – et qui ne peut plus se recouvrer par soi, il y faudra l’Autre."
JURANVILLE, 2024, PL