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DROIT, Etat, Droit de propriété, Droit de suffrage

"Le droit est savoir de la finitude. Savoir des conditions que le fini doit recevoir pour atteindre la finitude essentielle" écrit Juranville. Mais le droit est établi par l'Etat, qui implique à la fois pouvoir et autorité : pouvoir (comme volonté dans sa réalité) pour triompher des résistances que la voloté de justice suscite immanquablement ; autorité (comme vérité de la volonté) pour transposer la volonté de justice en capacité pour chacun de reconstituer la loi à laquelle il est soumis. Le droit qui apparait avec l'institution de l'Etat est lui-même double : à la fois civil et politique. Le droit civil fondamental est alors le droit de propriété, reconnu à chaque particulier par l'Etat comme condition matérielle de son autonomie. Le droit politique fondamental est maintenant le droit de suffrage, permettant à chacun de participer au pouvoir dans le cadre d'une démocratie.


"L'Etat véritable suppose que toutes les conditions aient été données socialement à chacun pour accéder à son autonomie d'individu. Le droit est savoir de la finitude. Savoir des conditions que le fini doit recevoir pour atteindre la finitude essentielle. Mais le droit est établi dans l'Etat par la volonté qui institue l'Etat pour autant que cette volonté triomphe des résistances qu'elle rencontre, c'est-à-dire pour autant que cette volonté est pouvoir. Pourvoir qui est la volonté dans sa réalité. Mais le pouvoir peut être fondé ou sur la violence (répétition de la violence sacrificielle) - et alors la résistance provient positivement de l'exigence, légitime, d'autonomie réelle. Ou sur la grâce, qui libère l'autre et le met en position de reconstituer à partir de soi la loi à laquelle il est soumis - l'Etat véritable suppose donc l'autorité, comme vérité de la volonté, l'autorité en ce que la volonté, qui a produit l'œuvre apparaît comme devant et pouvant devenir celle de chacun. Ce qui tient à l'élection qu'elle porte en elle et communique."
JURANVILLE, 2015, LCEDL

DEMOCRATIE, Discours, Pouvoir, Politique

Le monde démocratique a pour vertu de reconnaître la vérité du discours psychanalytico-individuel que le monde sacrificiel, au contraire, rejetait en bloc. Or tel qu'il est apparu historiquement à l'époque moderne, l'Etat démocratique s'appuie plus précisément sur le discours philosophico-clérical, le seul capable de concevoir et de mettre en acte la "volonté générale" à travers le pouvoir législatif. Mais il reconnait aussi la vérité des deux autres discours qui, comme lui, correspondent à l'exercice d'un pouvoir politique, ce qui permet de garantir constitutionnellement la séparation des trois pouvoirs ou au moins leur équilibre. Ainsi le discours clérical ou philosophico-clérical, dont on parle, correspond au pouvoir législatif (aspect artistocratique du système) ; le discours du maître correspond au pouvoir exécutif (aspect monarchique) ; et le discours du peuple correspond au pouvoir judiciaire (aspect populaire donc), pouvoir que Montesquieu dit « pour ainsi dire invisible et nul » puisqu'il ne fait qu'appliquer la loi (fort heureusement car son essence "pénale" l'expose particulièrement au risque sacrificiel). Le quatrième discours, psychanalytico-individuel, ne correspond à aucun pouvoir, si ce n'est celui que Platon reconnaissait à la science réthorique pour épauler, de concert avec le discours philosophico-clérical, le pouvoir législatif.


"Le système politique de la société juste a donc à fixer, dans le cadre de la démocratie représentative ou parlementaire, la présence du discours vrai de l’individu ou discours psychanalytico-individuel, toujours d’abord rejeté sacrificiellement du monde social – et risquant toujours à nouveau de l’être. Ce qui se fait par ce que Schmitt appelle le deuxième « principe de la composante libérale de toute constitution moderne », le principe d’organisation, c’est-à-dire la séparation des pouvoirs, ou encore leur division, ou encore leur équilibre. Principe dont nous allons voir à nouveau qu’il appartient en fait au système politique. Car le pouvoir qui s’impose dans l’histoire, là où un État véritable est institué, est celui qui veut poser ce que Rousseau a désigné si exactement comme la volonté générale. C’est le pouvoir du discours clérical ou philosophico-clérical – pouvoir législatif, l’aspect aristocratique de la démocratie véritable."
JURANVILLE, 2010, ICFH

CRITIQUE, Vérité, Pouvoir, Individu, FOUCAULT

Foucault, initialement proche de l’École de Francfort et de sa critique de l’idéologie dominante, a formulé trois objections : cette critique repose sur une théorie mal fondée de la représentation, suppose une opposition binaire entre vrai et faux, et ignore les mécanismes d’assujettissement, notamment dans les régimes totalitaires où le discours scientifique peut devenir oppressif. Il passe alors de la critique de l’idéologie à la notion de savoir-pouvoir, où le savoir exerce un pouvoir via des pratiques constitutives et des techniques de domination. Ensuite, Foucault introduit les « régimes de véridiction », actes par lesquels une nouvelle vérité émerge, instaurant un nouveau savoir et un nouveau pouvoir, soit un nouveau gouvernement des hommes. Plutôt que de critiquer la rationalité européenne, il propose une critique visant à analyser les conditions et effets de ces régimes véridictionnels, pour promouvoir le « désassujettissement » et une forme d'autonomie individuelle face aux pouvoirs oppressifs. Cette critique, enracinée dans la spiritualité chrétienne et la pastorale, s’inspire de Kant (« Qu’est-ce que les Lumières ? ») et du thème de la sortie de l’homme de sa minorité. Elle se manifeste comme un art de « ne pas être tellement gouverné », une attitude de questionnement des pouvoirs abusifs, visant un salut collectif par la parole vraie (parrhèsia) et la reconnaissance de l’individu véritable.


"« La philosophie comme ascèse, la philosophie comme critique, la philosophie comme extériorité rétive à la politique, c’est le mode d’être de la philosophie moderne. C’était, en tout cas, le mode d’être de la philosophie ancienne » (Foucault). La philosophie est bien une visée – et une affirmation – du savoir vrai, absolument rationnel, portant avant tout sur l’homme en tant qu’il peut devenir individu véritable, par les autres et avec les autres, par la parole pleine et vraie de l’un (parrhèsia) tournée vers la parole pleine et vraie de l’autre – et il n’y a pas de souci de soi sans cette fonction critique."
JURANVILLE, HUCM, 2017

DISCOURS, Pouvoir, Démocratie, Individu

L'ensemble des discours, en tant qu'ils sont reconnus dans leur vérité propre, forme le système de la démocratie parlementaire, et l'on y retrouve des correspondances avec les trois pouvoirs étatiques. Ainsi le discours magistral est celui que tient le pouvoir exécutif, chargé de faire appliquer la loi, au besoin par la force. C'est le premier discours en tant qu'il ordonne et le pouvoir primordial en tant qu'il s'impose. Le discours philosophico-clérical, de son côté, est tenu par le pouvoir législatif, qui élabore et vote les lois, dans le dialogue. Enfin le discours populaire correspond au pouvoir judiciaire, lequel vérifie que la loi a bien été appliquée et corrige en ce sens les situations d'injustice. Quant au discours psychanalytico-individuel, il ne détient évidemment aucun pouvoir, mais il ouvre à chacun la possibilité de prétendre exercer l'un des trois pouvoirs existant et de s'exprimer, en responsabilité, au nom de la volonté générale.

"Le discours psychanalytico-individuel quant à lui, assurément hors pouvoir, ouvre à chacun la possibilité d'entrer dans son oeuvre propre, de devenir individu véritable, porteur de la volonté générale, à même d'exercer la responsabilité des divers pouvoirs, d'être représentant du peuple. Car le peuple – dont les membres (tous les citoyens) sont toujours d'abord menacés d'en rester, loin de la volonté générale pour laquelle il faut payer le prix, à ce que Rousseau appelle la volonté de tous, spontanément sacrificielle et par laquelle « on adore ou on maudit » – a en propre le pouvoir de voter (voter = juger) pour des représentants qui n'ont certes aucun mandat impératif à avoir puisqu'ils sont censés porter la volonté générale."
JURANVILLE, UJC, 2021

DISCOURS METAPHYSIQUE, Pouvoir, Totalité, Unité, PARMENIDE

Le discours métaphysique récuse la Question philosophique puisqu'il part du postulat que le sens est déjà là, présent dans la totalité du monde, et qu'il suffit de le reconnaître (par la voie de l'initiation, réservée à quelques un). Il y a une vérité pour chaque chose de ce monde et chaque chose n'existe qu'en hommage, pourrait-on dire, à la totalité. C'est le discours fondateur, celui qui institue le discours comme pouvoir ou instrument de pouvoir ; c'est donc, par excellence, le discours politique. Celui-là même que Lacan appelle Discours du maître, en le confondant d'ailleurs avec le discours philosophique, lequel n'est identifiable véritablement qu'avec Socrate et Platon. En Grèce, le discours métaphysique se présente exemplairement chez Parménide, dont l'enseignement se résume à deux principes : 1) « L’être est, le non-être n’est pas », donc la négativité (doute, erreur, différence même) ne sont qu'illusions (ce que contestera Platon dans le Sophiste), 2) « C’est la même chose que penser et être », c'est-à-dire que la pensée est le moyen par lequel l'être se présente comme Un : la pensée tisse les relations nécessaires pour ramener tout étant à l'être, toute partie au Tout, et finalement l'être à l'Un. Le principe de la pensée spéculative, méthode du discours métaphysique, tient à ceci : Etre-un, c'est penser, et réciproquement. La même pensée du Tout se retrouve chez Héraclite, même s'il met l'accent sur le devenir plutôt que sur l'Etre éternel : pour lui également l'être individuel n'a aucune réalité face au grand principe ordonnateur du monde qu'est le Logos.

"Si l’on considère l’objet du questionnement philosophique, et que l’on souligne que le caractère fictif de l’objet rendrait vain le questionnement même, on est conduit à ce discours que nous avons appelé métaphysique. Pour lui, ce que poursuit le questionnement philosophique existe, il y a une vérité pour tout ce qui est ; on pourrait dire que les choses sont faites pour que l’homme les pense... Le discours métaphysique est le discours totalisant sur lequel se fonde tout discours politique, en tant qu’essentiellement justificateur, et a fortiori toute idéologie... Et c’est de ce discours métaphysique, trop souvent confondu avec la philosophie elle-même et le discours que nous appellerons philosophique, que Lacan, croyant parler de la philosophie, dira qu’il est le « discours du maître ».
JURANVILLE, LPH, 1984