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INDIVIDU, Dépression, Capitalisme, Paganisme

La dépression généralisée, mal du siècle, est bien une conséquence du capitalisme : ce mal témoigne de la difficulté qu'éprouve l'individu à créer une oeuvre qui tienne face aux tentations idolâtres dont regorge ce même monde capitaliste ; mais il vaut mieux éprouver ce mal, cette difficulté à être individu, comme effet d'un dilemme intérieur irrésolu - en ceci la dépression est essentielle - plutôt que de subir l'empêchement extérieur, effectif, qui caractérise le paganisme pré-capitaliste.

"Le capitalisme est étroitement lié au droit et aux institutions qui permettent l'avènement de l'individu véritable, mais devenir un individu véritable reste difficile. Cela suppose qu’on s’arrache aux modèles auprès desquels on s’aliénait avec complaisance. Qu’on s’affronte à l’incapacité, toujours d’abord, d’effectuer cet arrachement ; à la fuite, toujours d’abord, devant cette exigence, fuite qui est le principe du mal en l’homme, de cette « peste » dont il est, lui, malade. De là la dépression de l’homme actuel. Dépression essentielle d’abord, par rapport à l’exigence qui est en lui, de faire de sa vie, et à partir de sa vie, une œuvre véritable, quelque chose qui se tienne, qui ait consistance – peu y parviennent, mais à tous doivent être données et redonnées les conditions pour y parvenir, et l’essentiel est de s’être engagé dans cette tentative. Dépression inessentielle ensuite, à quoi l’homme se voue pour oublier cette sienne finitude, dépression inessentielle alors par rapport à des idéaux dérisoires qu’il se fabrique pour oublier sa finitude. Mais il est mieux, pour l’homme, de risquer ainsi la dépression sous toutes ses formes, comme c’est le cas aujourd’hui dans le monde capitaliste, plutôt que de ne pas pouvoir advenir à ce à quoi il doit advenir, à l’individualité véritable. Plutôt que d’en être empêché. Car cet empêchement caractérise le constitutif paganisme de l’humain. Or le paganisme est le mal par excellence, la peste dont parle La Fontaine. Le mal en tant qu’il ne veut rien savoir du mal en l’homme."
JURANVILLE, 2010, ICFH