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CREATION, Raison, Autonomie, Loi

Comme vérité de l'autonomie, la création - qu'elle soit humaine ou divine - veut la loi, la loi telle qu'elle provient de l'Autre comme cause - que cet Autre soit déjà là ou à venir. Mais par ailleurs la loi demande à être justifiée par la raison, qui elle-même demande à être posée socialement dans le savoir (pour répondre à toutes les objections).


"Dès qu’il affirme l’existence, le fini suppose une raison vraie, au-delà de la raison ordinaire qui est, en son fond, violente. Que lui manque-t-il dès lors pour poser enfin cette raison vraie, pour la poser socialement, dans le savoir, comme elle doit l’être au demeurant, puisqu’elle ne serait pas raison si elle ne répondait pas à toutes les objections ? Que lui manque-t-il pour rompre réellement avec le fond violent de la raison ordinaire, avec la soumission à la loi de l’Autre faux, et pour reconnaître la loi dans toute sa vérité ? Il lui manque de donner vérité objective à l’autonomie qu’il a reçue de l’Autre. Et donc de s’engager jusqu’au bout dans la création, qui est vérité de l’autonomie. La création est ainsi ce qui, en l’homme comme en Dieu, veut la loi."
JURANVILLE, 2000, JEU

CREATION, Mélancolie, Absolu, Autonomie, KIERKEGAARD

La création est l’acte par lequel l’être fini transforme sa finitude en autonomie et en vérité, recréant un absolu à partir de lui-même. Cette création est issue de la mélancolie, elle-même causée par le Bien. La mélancolie pousse l’être fini à désirer le savoir, à participer à l’Œuvre de la Création. Mais il existe deux formes de mélancolie : la vraie mélancolie, féconde, qui mène à la création et à un savoir absolu, et qui doit être supposée à tout créateur y compris au créateur suprême (car il attend que son oeuvre soit confirmée par sa créature) ; la mélancolie fausse, stérile, où le sujet se replie sur un faux absolu, une Chose close sur elle-même, refusant la relation et la finitude — ce que Kierkegaard appelle le "démoniaque". Kierkegaard reconnaît une mélancolie sublime, tournée vers une grande idée, mais refuse d’en faire la base d’un savoir absolu, craignant qu’on nie ainsi la finitude humaine. Or refuser d’objectiver la création et le savoir, c’est paradoxalement tomber dans la mélancolie fausse que Kierkegaard dénonce. Par ailleurs la création, troisième temps de l'analyse de la mélancolie, correspond à la troisième preuve de l'existence de Dieu chez Descartes, celle qui établit Dieu comme cause première absolue et l'être fini comme cause absolument libre, capable de devenir créateur.


"Reste que, si l’on n’affirme pas ainsi la création – ce que le sujet d’abord ne fait pas, ce que la pensée de l’existence ne fait pas non plus –, la mélancolie ne peut plus avoir la vérité que nous avons dite : susciter le désir du savoir et entraîner jusqu’à la constitution effective d’un « savoir absolu ». Et que proclamer le désir d’un tel savoir relève bien alors d’une mélancolie, mais de la mélancolie courante, fausse, celle que fait apparaître et dénonce Kierkegaard, chez Hegel, mais aussi au cœur de tout sujet existant. Pareille mélancolie résulte certes toujours de l’exigence venue de l’Autre absolu, du Bien, de s’affronter à la finitude. Elle est souffrance à la finitude. Mais souffrance qui tend à se fausser – au point, éventuellement, de ne plus se percevoir. Comment se fausse-t-elle ? En rejetant l’absolu vrai. Et en s’en fabriquant un faux, auquel le sujet s’identifie. Identification psychotique, mais selon une psychose pathologique. À la Chose, mais comme fausse, close sur soi, excluant toute finitude et toute relation. De cette Chose, le savoir anticipatif du monde commun, de même que ses prolongements métaphysique et empiriste, est alors la forme la plus décisive. C’est ce rejet, cette clôture sur soi, que Kierkegaard décrit sous le nom de démoniaque. « Le démoniaque, dit-il, est l’angoisse du Bien. »"
JURANVILLE, 2000, ALTERITE

CONTRAT, Autonomie, Contrat social, Finitude, ROUSSEAU, MARX

Pour le fini la société est d'abord une totalité close qui n'admet pas spontanément l'autonomie. C'est le contrat qui institue la société juste laissant une place à l'autonomie, car le contrat se définit comme écriture et position - or la position suppose l'autonomie, et l'écriture est ce qui garantit l'objectivité du contrat. Le contrat réduit ("contraction") l'essentiel à un trait, et comme limitation inévitable il se veut une épreuve assumée de la finitude, et même mieux, un engagement devant l'Autre et avec l'Autre à s'y confronter. C'est le sens profond du mot "souscription", gros d'un avenir collectif, d'une création certes d'abord individuelle mais de toute façon partagée. Notons que le seul engagement, le seul contrat susceptible de recueillir la reconnaissance universelle est l'oeuvre du savoir, en l'occurrence savoir juridique (soutenu et justifié par la philosophie). D'où l'exceptionnelle importance du "contrat social" théorisé par Rousseau ; contrat qui dépasse le cadre de telle ou telle communauté, puisqu'il en appelle explicitement à l'Autre absolu (pour Rousseau, la Volonté générale) ; contrat par lequel chacun accepte de renoncer à la jouissance immédiate qui était la sienne dans l'état de nature, et qui s'était faussée. Ce contrat social se distingue par sa radicalité du contrat politique de Locke (que reprend Hegel), lequel ne fait que justifier le droit de jouir des biens acquis dans l'état de nature. Marx a bien montré que ce contrat, simple "association dictée par la nécessité" selon lui, couvre en fait une situation de domination : c'est le cas avec le "contrat de travail" dont les termes sont viciés du point de vue du travailleur, puisqu'il y engage seul sa force vitale, ce qui revient à nier son autonomie réelle et à rompre la relation d'égalité. On en revient donc au contrat ordinaire, sacrificiel dans son principe (en l'occurrence sacrifiant la puissance créatrice du travailleur), érigeant un Autre faux en position de maître absolu (le Leviathan de Hobbes) ou même d'idole (l'argent, le Capital). Marx oublie néanmoins de préciser que l'existant, initialement, accepte ce contrat de son plein gré, par finitude radicale, reculant devant l'autonomie que lui octroie l'Autre absolu vrai ...dont il ne veut pas.


"La société est d’abord contrat. Car l’existant commence par s’arrêter à une totalité – c’est ce qu’on appelle communément la « société », le « monde social » – qui rejette l’autonomie vraie, avec la finitude radicale, et n’en accepte qu’une fausse, hors une telle finitude, autonomie fausse qui est alors le principe de l’objectivité (savoir) caractérisant cette totalité. Laisser venir l’autonomie vraie, c’est laisser venir ce qui sera le principe de l’objectivité elle-même vraie, et ordonnera une totalité nouvelle. Or l’objectivité est, avec l’existence, langage ; en tant que reconnue, elle est parole ; et, comme objectivité vraie contre la fausse, elle est vérité donnée à la parole, écriture. Mais l’autonomie en tant que principe de l’objectivité est ce qui la pose. Et écriture et en même temps position définissent, selon nous, le contrat. C’est donc par le contrat que se donne la société, la société en soi, la société juste. Contrat qui est cette société dans l’acte qui l’institue...
Ce contrat est suprêmement, pour l’homme, celui du savoir, seule œuvre à pouvoir s’assurer de sa reconnaissance, à pouvoir s’affirmer contrat bilatéral, et même universel. Et il est alors ce qu’on a appelé contrat social. Contrat social que veut et sur quoi débouche la philosophie, et qui institue la société politique ou société par excellence (au-delà des sociétés particulières qu’on peut former, toujours certes par contrat). Contrat social par quoi s’établit le droit qui ordonne cette société – et ce qu’on dénomme ordinairement, dans le cadre du droit, contrat, suppose ce contrat fondamental."
JURANVILLE, 2007, EVENEMENT

COMMUNAUTE, Société, Hétéronomie, Autonomie, WEBER

Max Weber décrit la communauté plutôt comme une totalité immédiate et affective, et la société plutôt comme une totalité civile et rationnelle. Pour autant il admet qu'il n'existe aucune loi de développement qui ferait passer historiquement de l'une à l'autre, car, dit-il « la grande majorité des relations sociales ont en partie le caractère d’une communalisation, en partie celui d’une socialisation. » Juranville articule avec davantage de précision le rapport entre ces deux types de totalité, en caractérisant la communauté par l'hétéronomie et la société par l'autonomie, à quoi s'ajoute le facteur totalité. Mais il précise que l'hétéronomie en question, ce qui est reçu de l'Autre en général, ne relève pas d'une simple transmission plus ou moins imposée mais, pour chaque individu, d'une décision à la fois instituante et inspirante, qui suppose - paradoxalement - une certaine autonomie. C'est d'abord le fait de vivre en société qui peut apparaître comme une caractéristique universelle, et c'est lorsqu'une telle totalité offre concrètement les conditions d'émergence de l'autonomie, que le sujet social peut s'en saisir et découvrir - non moins paradoxalement - que l'hétéronomie, l'hétéronomie vraie de l'Autre absolu, était la condition de possibilité de son autonomie.


"Pour Weber implicitement comme pour nous explicitement, le décisif, ce n’est pas que la communauté soit totalité immédiate et naturelle, la société, totalité posée comme telle et artificielle ; c’est que la communauté soit totalité avec l’hétéronomie, la société, totalité avec l’autonomie. Car ce qui est découvert d’abord par l’existant qui s’interroge, et qui donc s’établit dans son autonomie, c’est la société dans laquelle il est pris (de là vient qu’on parle en général des « sociétés humaines », non des « communautés humaines », et que la « vie en société » peut apparaître comme une caractéristique universelle, non la « vie en communauté »). Société qui peut, comme totalité, permettre ou empêcher le développement de cette autonomie, l’existant en venant alors à concevoir l’exigence d’une société juste où l’autonomie puisse, et pour chacun, s’accomplir. Et la communauté n’est découverte qu’ensuite, avec la finitude. Et cette découverte commence par être négative pour l’existant, découverte d’une totalité primordiale dans quoi il est toujours déjà pris, en deçà même de la société, et à quoi il doit s’arracher pour accéder à la société qu’il veut, quitte à refuser cet arrachement et à revenir au mythe la communauté. Mais cette découverte peut être aussi positive, quand, avec la finitude comme radicale, apparaît à l’existant que c’est par l’Autre et sa loi qu’il atteindra le bien suprême – bien suprême qui certes était là depuis toujours, mais que lui-même doit alors revouloir, recréer soi (c’est « vivre en communauté », pris au sens d’un acte par quoi on institue ou réinstitue la communauté). Et c’est cela qu’envisage Weber quand il dit que l’identité avec d’autres, le « fait d’avoir en commun certaines qualités, une même situation ou un même comportement ne constitue pas nécessairement une communalisation », et que « c’est uniquement pour autant que celle-ci [cette identité] inspire le sentiment d’une appartenance commune », pour autant que cette identité apparaît en l’Autre comme tel, « que naît une communauté ».
JURANVILLE, 2000, EXISTENCE

COMMENCEMENT, Election, Folie, Altérité

D'abord les hommes s'effraient des vrais commencements, ils refusent toute folie essentielle - et même toute vérité philosophique que l'on pourrait en tirer - pour en rester à la folie sociale ordinaire, traditionnelle, répétant toujours les mêmes sacrifices. Les vrais commencements nécessitent une élection, qui conjoigne singularité (pour s'affranchir de la loi commune et endosser la loi de l'Autre) et autonomie (pour affronter l'opposition se dressant a priori contre toute altérité) : élection qui se présente donc comme l’altérité absolue du commencement et son essence, et la solution à sa contradiction subjective.


"L’élection est l’altérité absolue du commencement et son essence. Elle est, parmi les conditions venues de l’Autre, celle qui fait rompre avec le sujet social ordinaire et entrer dans la folie sublime et douce de l’oeuvre. Elle est offerte à tous, mais tous n’en paieront pas le prix - « car beaucoup sont appelés, mais peu sont élus ». Elle est le fait, éminemment, du Christ."
JURANVILLE, 2017, HUCM

AUTONOMIE, Volonté, Répétition, Temps, NIETZSCHE

Nietzsche avait parfaitement vu que la volonté d'autonomie (certes malencontreusement pervertie en volonté de puissance) n'était le fait que d'un petit nombre. Le commun des mortels s'adonne plutôt à "l'esprit de vengeance" qui est aversion, voire ressentiment contre le temps et son 'C'était'. L'autonomie se conquiert dans la volonté de répétition qui est création et rédemption, transformation du 'C'était' en 'Je le voulais ainsi' : amor fati !


"Peu nombreux sont ceux qui s’engagent effectivement sur la voie de l’autonomie individuelle et créatrice où s’accomplit l’existence, et ceux qui le font se heurtent à l’envie et à la haine des autres."
JURANVILLE, 2021, UJC

AUTONOMIE, Droit, Non-sens, Fin de l'Histoire

Le monde juste de la fin de l'histoire n'est pas le paradis sur terre : c'est le monde où l'homme imparfait assume sa finitude et surtout ses contradictions, comme le fait que des institutions justes n'empêchent en rien la continuation de la violence, des injustices et du non-sens. Le droit n'est que le savoir pratique de la finitude, pas son abolition ; il dit juste ce qu'il faut faire avec, et comment limiter au mieux l'injustice. Le paganisme n'ignore par les règles qu'il fait proliférer sous la forme de tabous, il rejette avant tout l'autonomie des individus, pilier incontournable du droit. Mais l'autonomie n'est pas un acquis définitif, elle est remise en question et création de sens à partir du non-sens - il n'y a donc pas lieu de déplorer la supposée "perte du sens" dans la société de la fin de l'histoire. C'est bien plutôt la forclusion de tout non-sens, l'oubli de la finitude en général, qui conduit à la pire des tyrannies, celle d'une fausse autonomie purement abstraite revendiquée au double titre d'un droit de jouissance et d'un devoir de transparence.


"Mais l'autonomie véritable, créatrice, est toujours d'abord rejetée par l'existant comme une possibilité insupportable. Et, plutôt que de donner sens au non-sens constitutif, il préfère alors s'abîmer dans le non-sens, quitte à le parer plus ou moins d'un sens illusoire. Ce qui prend une portée particulièrement significative dans le monde actuel où à la fois l'autonomie créatrice est proclamée socialement et où en même temps le non-sens constitutif est posé comme tel. Et le même rejet de l'autonomie créatrice possible, et donc le même engouffrement dans le non-sens, se retrouverait aujourd'hui chez ceux qui déplorent la perte du sens. Comme si le sens, le vrai, ne devait pas être recréé à partir du non-sens ! Ce mouvement de rejet correspond, dans le monde actuel, à la captation par l'autonomie la plus abstraite - qui se donne comme visée de jouissance qu'aucune autorité n'aurait limité - et qui se manifeste comme exigence de transparence par quoi on s'assure que nulle autorité ne s'exerce, autonomie abstraite qui suppose alors une profonde dépression."
JURANVILLE, 2015, LCEDL

ANGOISSE, Peur, Hétéronomie, Autonomie, HEIDEGGER

L’angoisse, distincte de la peur, précède cette dernière et plonge le sujet dans une expérience de finitude radicale et d’hétéronomie, où le sens émerge de l’Autre absolu. Heidegger la décrit comme une angoisse face à l’être-au-monde, révélant le néant et la transcendance, contrairement à la peur qui concerne l’étant intramondain. Pourtant, loin de s’opposer à la peur, l’angoisse y conduit, en tant que peur essentielle, en projetant le sujet dans un temps imaginaire où il découvre sa condition humaine. Elle angoisse précisément parce qu’elle annonce le passage au temps réel, celui de l’urgence et de l’action, de l'objectivité qu'il faudrait assumer. Ainsi, l’hétéronomie de l’angoisse fonde l’autonomie de la peur, qui suppose à son tour une reconnaissance de cette hétéronomie initiale. Heidegger, qui ne dit rien de la peur essentielle et encore moins de son horizon objectif, décrit seulement la peur mondaine comme déchéance et fuite devant l'angoisse. A ce titre il est vrai que la peur (ou l'angoisse évitée) ramène le sujet à la condition d'objet fini, sous l'effet de la pulsion sexuelle devenant pulsion de mort à mesure qu'elle s'articule autour de l'Autre réduit lui-même à un objet, à un fétiche en guise de maître. Cet Autre faux régissant le monde social n'appelle certes pas le sujet à éprouver la finitude ni à conquérir l'autonomie, plutôt l'encourage-t-il - comble du désespoir - au sacrifice.


"L'angoisse précède la peur. Elle est unicité, où le savoir s’effondre et où est éprouvée la finitude radicale. Et en même temps hétéronomie, le sens et la loi apparaissant alors en l’Autre absolu seul, au-delà de soi et de son monde à soi. Face à la peur qui serait peur devant l’étant intramondain, Heidegger la présente ainsi comme angoisse devant l’être-au-monde lui-même (devant l’être). Comme le sentiment décisif, parce qu’elle « révèle le néant » (l’être au-delà de l’étant), la « transcendance », le « méta-physique ». Mais, bien loin de s’opposer à la peur qui serait, comme le veut Heidegger, une « angoisse inauthentique », l’angoisse dirige au contraire, d’après nous, vers la peur essentielle – et c’est même pour cela qu’elle angoisse."
JURANVILLE, 2000, JEU

DISCOURS, Religion, Autonomie, Hétéronomie

En assumant sa propre finitude, et en reconnaissant la vérité de toutes les grandes religions, le discours philosophique dispense sa grâce aux quatre discours fondamentaux, et ce faisant les élève à leur propre vérité. Ainsi, à travers la vérité du judaïsme (soit une autonomie humaine rendue possible par l'hétéronomie divine), le discours du clerc - devenant philosophico-clérical - transforme l'hétéronomie qui le caractérise premièrement (comme Surmoi) en autonomie nouvelle et vraie (puisqu'il se réfère, librement, aux grandes religions). A travers la vérité du christianisme (soit l'autonomie que confère pour chacun la traversée de la passion), le discours individuel - devenant psychanalytico-individuel - permet un passage d'autonomie d'un individu à un autre (principe de l'analyse). A travers la vérité de l'islam (soit encore l'autonomie dans l'hétéronomie), le discours du peuple - devenant scientifico-populaire - rend possible une certaine forme d'autonomie pour chacun. Enfin à travers la vérité du bouddhisme (soit l'autonomie de quelques initiés incarnant l'hétéronomie pour les autres), le discours du maître - devant métaphysico-magistral -, permet effectivement au peuple la reconnaître une forme d'hétéronomie dans l'autonomie de certains.

"Le discours philosophique dispense donc sa grâce aux divers discours fondamentaux, à la fois en assumant sa propre finitude radicale et en reconnaissant la vérité de toutes les grandes religions. Il transforme par là même chacun des discours."
JURANVILLE, 2010, ICFH

DISCOURS DU CLERC, Autonomie, Philosophie, Autre

Le discours du clerc est celui qui, au nom de la vérité, prétend à l'autonomie grâce au savoir, et qui affirme la capacité de chacun à reconstituer ce savoir. Cette autonomie était déjà l'héritage réservé aux prêtres lévites (Deutétonome), et c'était aussi l'ambition première de la philosophie, de sorte qu'il devrait s'appeler "discours philosophico-clérical". Il consiste en une identification sociale, non plus à l’objet (discours empirico-populaire), ni au sujet (discours métaphysico-magistral), mais à l’Autre absolu, puisqu'il vise, en tant que philosophique, à atteindre le savoir de l'existence, soit un savoir qui résulte d'une confrontation avec les contradictions de l'existence. Il correspond au discours universitaire de Lacan, mais cette fois clairement dégagé dans sa dimension historique pleine, comme structure historiale. A ce titre, le discours du clerc se manifeste (c'est son phénomène) comme révolution ; structurellement il est identification - on l'a dit - à l'altérité ; enfin par essence ou en lui-même (c'est son principe subjectif), il est rédemption.

"Des Lévites, le Deutéronome dit ainsi : « Les prêtres lévites, toute la tribu de Lévi, n’auront point de part ni d’héritage avec Israël ; ils vivront des mets offerts à Yahvé et de son patrimoine. Cette tribu n’aura pas d’héritage au milieu de leurs frères ; c’est Yahvé qui sera son héritage, ainsi qu’il le lui a dit. » Position générale qui se distingue et de la position de l’ensemble du peuple et de la position du maître qui possède les richesses et fait travailler. Et l’on peut comprendre que le discours du clerc soit défini comme discours de l’autonomie. Car le discours de l’ensemble du peuple apparaît – dès lors qu’on introduit la question, et donc qu’on se place du point de vue de la philosophie et du savoir vrai qu’elle vise – discours qui, au nom de la finitude, récuse pareille visée. Le discours du maître se présente alors, dans le monde social, comme discours qui a déjà atteint cette visée et qui, au nom de la vérité, ordonne toutes les choses comme elles doivent l’être. Mais le discours du clerc se donne, lui, dans ce monde, comme discours qui, au nom de l’autonomie, dénonce le maître soumettant en fait le peuple à l’ordre de son discours faux, et qui montre dans l’autonomie le principe à partir duquel chacun pourra – c’est son « droit » – réengendrer tout discours comme réellement, et non plus formellement, vrai."
JURANVILLE, 2007, EVENEMENT

INDIVIDU, Existence, Finitude, Autonomie, MARX

Affirmant l'existence, la pensée philosophique ne peut pas éviter de poser en même temps l'identité et l'autonomie créatrice résultant de cette même existence, avec la possibilité d'un savoir conduisant à un monde juste, "dans lequel chacun recevrait toutes les conditions pour s’établir effectivement dans son individualité essentielle" ; c'est la position de Marx, qui reconnait et l'existence et l'individu comme essentiels, mais qui perd toute idée de finitude radicale et corrélativement toute relation à un Autre absolu.

"En vérité la pensée philosophique ne peut pas, affirmant l’individu, s’arrêter à ce refus de poser aucun savoir vrai et aucun monde juste [position de Kierkegaard]. Car elle doit reconnaître que l’existant, quand il proclame – et se proclame – un tel individu supposé s’être arraché au monde ordinaire, et quand, cependant, il laisse intouché ce monde, se contredit là aussi, et qu’il reste alors capté par ce monde, aliéné à lui. Elle doit donc vouloir, contre la position qu’elle a prise initialement, celle de Kierkegaard, affirmer comme telle l’identité et autonomie de l’existence essentielle, identité et autonomie créatrice qui serait le principe d’un savoir nouveau permettant d’instituer le monde juste dans lequel chacun recevrait toutes les conditions pour s’établir effectivement dans son individualité essentielle. Toutes choses qui se retrouvent dans les conceptions de Marx. Mais l’existant tel que l’affirme alors la pensée philosophique, cette fois avec Marx, considère que poser comme telles quelque finitude radicale et quelque relation à l’Autre absolu, ce serait, pour lui, contredire l’autonomie créatrice qu’il voulait proclamer. De sorte que, affirmant l’individu et le monde juste que cet individu instituerait, l’existant ne dit rien de la finitude radicale de l’individu ni de sa relation à l’Autre absolu."
JURANVILLE, 2007, EVENEMENT