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DEMANDE, Désir, Transfert, Pulsion, LACAN

La demande est au cœur du transfert : elle suppose l’idéalisation mais cherche à se justifier objectivement, à travers même sa désidéalisation. Elle est double : hétéronomie signifiante et volonté de poser cette hétéronomie comme sens. La demande est essentielle lorsqu’elle vise l’Autre lui-même, non comme instrument d'un besoin, mais comme être de désir. En posant sa demande, le sujet expose son désir, affirmant sa finitude et son impuissance à s’approprier seul le vrai désir : il a donc besoin de l’Autre pour y accéder. Ce qu’il demande ultimement, c’est l’amour (désir vrai de l’Autre), la grâce (accès au vrai désir), et la raison (validation de ce désir). La demande vise alors moins un contenu qu’un dialogue, où se construit un savoir rationnel pur. Elle fonde ainsi objectivement le transfert, dans et par la parole.
Lacan, contrairement à Freud qui relie transfert et idéalisation, articule le transfert à la demande tout en soulignant son ambiguïté : la demande vise un absolu (désir inconditionné), mais en fuyant la finitude de la pulsion sexuelle, elle masque le vrai désir. En réalité, elle devient elle-même pulsion, quête illusoire de jouissance, et l’Autre s’y réduit à objet de la pulsion. Le sujet en demande reste fermé sur lui-même, sous couvert d’ouverture à l’Autre. D’où la nécessité, pour Lacan, de dépasser cette demande fausse pour assumer la finitude dans le désir, conçu non comme inconditionné mais comme « condition absolue » du sujet fini. Le désir, et d’abord comme désir de l’analyste, dégage, au contraire, dans cette demande la pulsion. D’où ce que dit Lacan que, « si le transfert est ce qui, de la pulsion, écarte la demande, le désir de l’analyste est ce qui l’y ramène ». Cette demande, dans le transfert, deviendrait alors « face de vérité ». Elle serait sensible dans la formule : « Je te demande de me refuser ce que je t’offre parce que ce n’est pas ça. ». Lacan frôle ici une limite : peut-on encore « demander l’impossible » sans effacer la demande elle-même, comme le fait Levinas par une soumission radicale à l’Autre ?



"La demande est parole, et l’imaginaire, dans la parole, doit, pour la psychanalyse comme discours, recevoir sa vérité (par la théorie des nœuds). La demande vraie est alors demande à l’Autre - à l’Autre absolu, mais aussi, bien sûr, au psychanalyste - de permettre la séparation, l’autonomie, le vrai désir et, pour cela, de faire reconnaître la finitude. Une telle demande, plus même que le seul désir (désir du patient, répondant au désir de l’analyste), serait, pour Lacan lui-même, la « face de vérité » du transfert. Ce qu’il rassemble dans la formule suivante (introduite, avec le nœud borroméen, lors du séminaire Ou pire) : « Je te demande de me refuser ce que je t’offre parce que ce n’est pas ça. » Or, qu’il appelle à déborder le plan de la demande, ou qu’il reconnaisse la demande vraie dont nous venons de parler, Lacan ne rejoint-il pas ce qui fait le fond de la demande courante, c’est-à-dire la clôture sur soi et, pour le sujet comme pour l’Autre, la transformation de son Autre en pur moyen, en déchet ? Ne plus rien demander, et dégager le désir hors de toute demande essentielle, n’est-ce pas en effet, pour le sujet, s’établir dans l’autonomie abstraite ? Demander à l’Autre son refus, sans lui demander en même temps son don, le don de sa grâce, sans lui « demander l’impossible », n’est-ce pas par ailleurs, pour le sujet, se faire le déchet de l’Autre, et lui imputer la même autonomie abstraite ? Et n’est-ce pas vers ce dernier effacement problématique de soi que conduit Lévinas avec la soumission, à quoi il appelle, à la demande venue de l’Autre ?"
JURANVILLE, 2000, INCONSCIENT

CHOSE, Signifiant, Nom, Parole, LACAN

Si la Chose est certes signifiante, incarnant le signifiant dans le réel, et même "rassemblant le monde" (Heidegger), c'est le Père symbolique qui instaure le monde au moyen de la nomination. Par elle-même la Chose est signifiant pur, avant toute émergence du signifié, et si Lacan dit qu'elle "fait mot" ("motus"), c'est seulement parce qu'elle est nommée ; et en ce sens toute chose rencontrée est la Chose, même si pour tout homme elle est d'abord la mère en appelant au Nom-du-Père. En un sens la Chose parle, non en disant ceci ou cela, mais en faisant référence à l'Autre elle incarne la possibilité et l'instant même de la parole. C'est pour cela que les hommes ont à rencontrer les choses comme choses, et par là-même à se confronter avec la castration, posés qu'ils sont par la Chose, d'abord maternelle, en tant que sujets parlant (Heidegger dirait plutôt "habiter le monde en poète"). Seule la théorie lacanienne du signifiant implique la réalité ontologique de la Chose à la limite entre le monde et le réel.


"La Chose, au sens le plus quotidien, est donc le signifiant surgissant comme signifiant, incarné, dans le réel. Réalité muette du signifiant pur, si la parole suppose le signifié. Lacan dit que la Chose « fait mot », au sens où le mot (= motus), c’est ce qui se tait. Mais en même temps elle introduit au monde par sa référence à l’Autre de la loi et du Nom. Toute chose est à chaque fois l’occasion de la rencontre de « la Chose », dès lors que s’y produit ce surgissement du signifiant verbal pur. Non dans sa détermination spécifique (tel signifiant plutôt que tel autre, ce qui renvoie non plus au réel, mais au symbolique), mais dans la coupure de son émergence : soit l’instant de la parole. Toute chose la plus commune, pour autant qu’elle nous convie à la considérer comme chose, est la rencontre de l’autre sujet dans son corps advenant à la subjectivité... Mais dans l’existence commune, on ne laisse de tenter d’esquiver cette présence insuppressible de la Chose dans la parole, soit aussi des choses dans le monde."
JURANVILLE, LPH, 1984

CHOSE, Réalité, Unité, Existence

Pour poser la finitude comme bonne et vraie pour chacun, et ainsi assumer l'abandon essentiel (sans retomber dans des formes faussées de l'abandon), il convient de poser la Chose dans son unité et dans sa réalité. D'abord présente dans l'Autre absolu, donc dans l'inconscient, la Chose advient par un acte de parole qui est création, donc en toute chose dès lors qu'elle est nommée. Une création qui se fait dans le temps réel, c'est pourquoi ni la métaphysique ni l'empirisme ne connaissent la Chose : soit l'on concevra métaphysiquement une sorte d'unité supratemporelle, mais sans réalité pour le sujet, soit l'on admettra l'existence d'une réalité empirique, mais dont l'unité ne sera que nominale ou formelle, là encore hors du temps. Quant à la Chose kantienne, quand bien même elle existe "derrière" le phénomène, elle reste "en soi" inconnaissable et muette - et même si elle "se fait" connaître au sujet, sur le plan pratique, comme un idéal impossible à atteindre. La Chose réapparait dans sa vérité avec la philosophie de l'existence, dès lors que celle-ci admet la réalité d'un temps pur où le sens n'est jamais anticipable et où l'on est, toujours par conséquent, confronté au non-sens (sens et non-sens que récusent respectivement l'empirisme et la métaphysique, rappelons-le). Ainsi la Chose apparaît au coeur de l'existence, pour Heidegger, comme ce qui contient l’Ereignis, et comme ce qui enfante ("rassemble") le monde vrai autour de son propre vide, selon la structure du Quadriparti (Geviert). Ainsi encore la Chose est introduite dans sa vérité, par Lacan, comme Chose parlante ("moi la Vérité je parle") et plus généralement comme la passion de la parole ("ce qui du réel pâtit du signifiant") - en tout cas elle est davantage que cet illusoire souverain Bien, objet du désir, que Lacan évoque le plus souvent. Mais cette chose bien réelle, existante ou inconsciente, n'est jamais présentée dans son unité consistante, faute d'avoir fait de l'inconscient l'essence même de l'existence (ce que seule une raison philosophique, déployant la structure quaternaire de l'inconscient jusqu'à la totalité de l'existence, peut assumer).


"Qu’est-ce en effet la chose dont nous avons déjà si souvent parlé ? L’unité de la réalité. La réalité (realitas, détermination propre de la res, de la chose), mais en tant que cette réalité est prise dans son unité. Chose qui est d’abord en l’Autre absolu, et qui, par la création, advient ensuite, comme chose créée, dans le fini, dans la créature. Une telle chose, qui est la forme la plus générale du principe du savoir vrai, se détermine finalement, pour le sujet fini, comme chose inconsciente, l’inconscient même... (...) Mais ni Heidegger (et ce que nous appelons la pensée de l’existence), ni Lacan (dont le discours psychanalytique prolonge cette pensée), n’acceptent que puisse être posée comme telle l’unité de la chose existante et inconsciente, et que puisse être justifiée à partir du principe la nécessité de la structure quaternaire. Montrons au contraire, quant à nous, que c’est ce que permet l’inconscient quand il est repris dans le discours philosophique et reconnu, par ce discours, comme l’essence de l’existence."
JURANVILLE, 2000, JEU

CHOSE, Quadriparti, Quaternaire, Signifiant, HEIDEGGER, LACAN

Il existe une homologie évidente - et des différences - entre le quadriparti de l'existence chez Heidegger et la structure quaternaire du signifiant chez Lacan, et tous deux supportent la Chose. D'un côté la Chose "rassemble le monde", de l'autre elle se donne comme objet du désir de l'homme ; dans les deux cas elle se constitue d'un vide central (Heidegger évoque façonnage de la main dans l'exemple de la cruche, quand Lacan attribue ce vide à l'action du signifiant : "ce qui du réel pâtit du signifiant"). Les quatre pôles sont, d'un côté, les humains (cause efficiente), la terre (cause matérielle), le ciel (cause formelle), les divins (cause finale) ; de l'autre le sujet S, l'objet maternel, l'idéal du moi (et le père réel), le Père symbolique (qui nomme et fait surgir le signifié du désir, tout comme les divins donnent la loi de la cruche, dans le versement).


"Le désir de l’homme est pris dans le quaternaire parce qu’il est d’abord non pas désir œdipien, interdit, mais désir pour la Chose. La Passion que subit la Chose, d’être écartelée aux quatre coins du quaternaire n’est autre que celle que l’homme a à souffrir du fait de son désir... Pour Heidegger, « la chose retient le quadriparti… La chose rassemble le monde »... Mais cette « chose » de Heidegger, quoiqu’elle n’ait d’unité que partielle, que sa présence soit inséparable de ce que Heidegger appelle une ex-propriation de l’être, provient de l’être en quoi se trouve l’unité. Pour Lacan, rien de cela, mais le fait pur de la pulsion de mort, et la vérité rien que partielle."
JURANVILLE, 1984, LPH

CHOSE, Jouissance, Objectivité, Réalité, LACAN

La Chose est la "substance jouissante" selon Lacan, à la fois ce que le sujet veut s'approprier, son objet de désir, et ce qu'il doit devenir. Pour cela il doit poser absolument la Chose, puisque que celle-ci - en tant qu'unité de la réalité (c'est sa définition) - constitue pour lui la forme ultime de l'objectivité : substance jouissante mais également signifiante - puisqu'il n'y a d'objectivité que de langage -, la Chose jouit de son unité toujours reconstituée. C'est cette jouissance de la Chose, et le savoir de cette jouissance, que le sujet vise dans son désir.


"Le langage nous est apparu, avec l’existence, comme le lieu de toute objectivité et, précisément, comme ce dans quoi le sens vrai (l’inconscient), en tant que sens dans le temps (jouissance), se constitue objectivement. Comment, dès lors, le sujet s’engage-t-il, pour son propre compte, vers l’objectivité absolue que permet le langage, et donc vers la jouissance vraie, et même vers la position de cette objectivité absolue, et donc vers le savoir de cette jouissance ? En posant la chose. En la posant jusqu’au bout et, de ce fait, en advenant comme lui-même chose."
JURANVILLE, 2000, INCONSCIENT

CHOSE, Désir, Sujet, Castration, LACAN

La Chose est l'Autre originaire du désir, l'Autre réel. Elle incarne à la fois la plénitude absolue (celle que suppose le désir) et l'impossibilité d'une telle plénitude, du fait même qu'elle se signifie comme désirante - s'infligeant par-là même la castration et l'infligeant au sujet.


"Chaque fois qu’une chose est rencontrée comme telle, le temps du monde s’abolit, avant d’être réinstitué. Et chaque chose est la Chose. C’est-à-dire l’Autre originaire du désir, l’Autre réel... Elle n’est autre que le réel de l’autre sujet, rencontré quand le désir de l’un se heurte au désir de l’autre. Lacan dit de la Chose qu’elle est « le vrai, sinon le bon sujet, le sujet du désir ». Soit encore le corps traversé par la castration."
JURANVILLE, 1984, LPH

CHOSE, Désir, Interdit, Mère, LACAN

La Chose, bien qu’elle apparaisse comme l’objet premier et absolu du désir, demeure mythique. Les lois de la parole, dont les Dix Commandements sont une émanation, instaurent une distance rendant sa jouissance impossible, au-delà d’une simple interdiction. En effet, en déduire que le désir lui-même puisse être interdit n'est qu'une interprétation névrotique de la loi, laquelle dicte, au contraire, de désirer. La mère réelle, dans l'histoire et dans la structure psychique du sujet, occupe généralement la place de la Chose, mais elle n'est pas la Chose, dont l'absence se solde par l'émergence du signifiant Phallus, grand ordonnateur du désir. Certes la mère semble bien interdite d'après la loi de la prohibition de l'inceste. Seulement il est vain de fonder le désir sur cette loi interdictrice ; car c'est plutôt le désir qui fait loi, et il ne se fonde que sur le manque fondamental de la Chose, qui divise également le sujet : ceci est la castration, propre au sujet parlant, que l'interdit (et donc le complexe d'Oedipe) cherche précisément à faire oublier. A contrario Oedipe est "celui qui n'a pas de complexe d'Oedipe", celui dont le désir est "de savoir le fin mot sur le désir", dixit Lacan, quitte à en payer le prix.


"Il faut donc distinguer : d’un côté la loi de la castration telle qu’elle est inscrite dans la parole, et l’attitude éthique qui veut qu’on s’y confronte ; de l’autre l’interdit, qui est la forme sous laquelle la loi se présente dans le complexe d’Œdipe, et l’attitude névrotique qui consiste à fuir le désir et à se préserver imaginairement de la castration qu’il implique. Si Œdipe, le vrai, celui de la tragédie, celui qui « n’a pas de complexe d’Œdipe », proclame au terme de sa vie le μὴ φύναι, « plutôt ne pas être », c’est pour Lacan la marque d’une existence humaine parfaitement accomplie, où l’on ne meurt pas de la mort de tous, d’une mort accidentelle, mais de la vraie mort où l’on raille soi-même son être. Parce que le désir d’Œdipe, c’est « de savoir le fin mot sur le désir », il est prêt à franchir la limite. En face du « héros » qui n’est autre que l’être moral, Lacan place celui qui fuit ce lien de son désir et de la mort, et trouve refuge dans l’Œdipe, dans le complexe d’Œdipe."
JURANVILLE, LPH, 1984

CHOSE, Bien, Jouissance, Sujet, Vérité, LACAN

Dans la conception de Lacan la Chose apparaît comme un Souverain Bien paradoxal : à la fois visée essentielle du désir, mais aussi objet fondamentalement mythique et absent. Autrement dit le Souverain Bien n'existe pas, et la jouissance de la Chose n'est pas tant interdite que réellement impossible. Pourtant le sujet ne laisse pas d'avoir affaire à la Chose (on ne parle pas ici de la relation à l'objet dans le fantasme), puisqu'elle est constitutive de son désir : en tant que substance jouissante autant que substance signifiante, elle n'est pas moins que "la vérité qui parle" dit Lacan. Inversement l'on ne peut pas dire la vérité sur la Chose, et son être, tout comme celui du sujet, demeure indicible : « C’est bien ce qui fait que l’ontologie, autrement dit la considération du sujet comme être, l’ontologie est une honte, si vous me le permettez ! » (Lacan). Dans le cadre de la psychanalyse, tout savoir sur la jouissance de la Chose reste par principe inaccessible - disjonction de la vérité et du savoir -, et le devenir-Chose du sujet, l'accès à son autonomie de chose, demeure tout autant inconcevable.


"À la différence de Lévinas, Lacan affirme expressément que la chose est, pour le sujet, le Souverain Bien, et que tout le cheminement du sujet est dirigé vers et par elle... Pour lui, « le pas fait, au niveau du principe du plaisir, par Freud, est de nous montrer qu’il n’y a pas de Souverain Bien - que le Souverain Bien, qui est das Ding, qui est la mère, l’objet de l’inceste, est un bien interdit, et qu’il n’y a pas d’autre bien. Tel est le fondement, renversé chez Freud, de la loi morale »... Lacan reconnaît-il au moins, lui, que le sujet accède, par l’éthique, à l’autonomie de la chose ? Le sujet advient bien comme chose. Il la découvre comme « la vérité qui parle », comme substance « signifiante » autant que « jouissante ». Il advient bien à ce qui est affirmé comme une autre jouissance. Lacan, en cela, à la différence de Lévinas, pose, et non pas simplement suppose, l’autonomie. Mais le sujet n’advient pas au savoir de cette jouissance. L’autonomie de la chose comme substance jouissante et parlante se pose sans doute elle-même dans le savoir de la psychanalyse, mais elle ne peut être posée comme telle par le sujet."
JURANVILLE, 2000, INCONSCIENT

CERTITUDE, Sujet, Enonciation, Folie, LACAN, DESCARTES

 Pour Lacan, la certitude du sujet est fondée sur l'acte de l'énonciation, bien qu'elle porte indéniablement sur l'être - au dernier terme un étant marqué par la castration, un sujet du désir, assumé dans sa relation à l'Autre. Pour Descartes également la certitude est fondée sur l'acte de la pensée, qui est bien une parole, d'où s'en conclut l'existence, le "je suis", au dernier terme une "res cotigans" - un sujet, certes, au sens de ce qui demeure identique sous les changements (soit le contenu divers des pensées) - car sans cela la certitude des pensées ne serait que ponctuelle. C'est en assurant le sujet dans son être que le dieu non trompeur, finalement, le conforte dans ses pensées, et dans le fait qu'il n'est pas fou (la distinction raison/folie n'intervient pas au niveau purement signifiant du cogito). Telle est le sens en tout cas de l'interprétation de Lacan avec sa logique du signifiant : il y a d'abord l'articulation signifiante, au niveau de l'énonciation, mais la certitude apparaît avec le surgissement du signifié, produit de cette articulation, donc effectivement avec l'être. Le "je suis" surgit non comme la conséquence mais comme le signifié du "je pense". Mais pour Lacan, contrairement à Descartes, on ne peut en déduire aucune permanence du sujet, lequel ne pense pas tout le temps ou ne saurait le dire - encore Descartes évoque-t-il son propre être de désir et de doute, par opposition avec la puissance de ce dieu, témoignant par là qu'il n'est pas fou. Le fou lui, pense et parle tout le temps, au sens où il semble parlé par l'Autre, sans pouvoir effectuer le passage du signifiant au signifié, le signifiant passant directement dans le réel avec le phénomène de l'hallucination.


"Si l’on a quelque raison d’affirmer que même chez Descartes, la certitude du sujet est celle d’un Je suis, j’existe, plus que celle d’un Je pense, pour Lacan il est sûr, en revanche, que la certitude est uniquement celle d’un Je suis. En disant Je pense, on ne prétend pas penser toujours, être une substance pensante, mais penser parfois, et c’est cela seulement que Lacan peut accepter. Le sujet n’est pas un sujet « pur-pensant » selon la formule de Lacan. Il faut donc distinguer sujet de l’énonciation et sujet de l’énoncé (ce sujet illusoire que nous posons quand nous parlons – de lui)... On peut comprendre maintenant qu’avec le sujet de l’inconscient, Lacan affirme qu’il touche à la vérité du sujet cartésien. L’essentiel, c’est de fonder la certitude d’un sujet (comme tel) sur l’acte de l’énonciation, sur l’acte de la pensée pour Descartes. De fonder une certitude intramondaine sur quelque chose qui demeure étranger au monde (et pour Lacan, Descartes justement ne s’est pas assez attaché à cet excès du monde). Situant l’inconscient au niveau de la chaîne signifiante et donc de l’acte de l’énonciation, Lacan parle à son propos de la cause et de la béance causale.... Quant au caractère éthique de l’inconscient, il tient à ce que la certitude est celle du sujet qui a « assumé » l’assujettissement à la loi de la castration. C’est un tel assujettissement qui est « rejeté » dans la folie. Lorsque le signifiant produit son signifié et qu’une certitude deviendrait possible, c’est alors qu’a lieu ce rejet qui empêche le monde de s’établir et qui laisse le fou en proie au réel de l’hallucination. Le prétendu Cogito possible même au fou comme tel est alors tout à fait évanouissant, mais c’est le signifié qui s’y évanouit, de sorte que réapparaît la chaîne signifiante elle-même."
JURANVILLE, 1984, LPH

CASTRATION, Sexualité, Pulsion, Chose, LACAN

Initiée par le signifiant Phallus, qui lui-même renvoie au vide réel de la Chose, la castration interrompt le principe de plaisir et le cycle pulsionnel. Certes l'objet de la pulsion est dit "perdu", mais tout autant et indéfiniment "retrouvé", donc la perte ici n'est pas réelle (à la différence de la Chose) mais un simple effet du processus pulsionnel, imaginaire. Cependant, si elle s'oppose ai sexuel de la pulsion, la castration ne se situe pas totalement hors du champ sexuel puisqu'elle conditionne - via le Phallus - aussi bien le désir que la jouissance.


"Parlant du champ du principe de plaisir, Lacan dit de l’objet qui y est retrouvé qu’il est de sa nature un objet retrouvé, et que si on peut le dire perdu, ce n’en est qu’une conséquence après coup. C’est, malgré qu’en ait Lacan, le domaine de la pulsion partielle (dont la pulsion de mort fait bien le fond, mais dissimulé). Et pour autant que la pulsion est le lieu primordial du sexuel, la castration, qui lui retire son objet, conduit à une certaine « désexualisation »... Mais le positif auquel elle amène est lui-même sexuel. C’est en tant que phallus que le sujet désire et jouit."
JURANVILLE, LPH, 1984

CASTRATION, Père, Interdit, Imaginaire, LACAN

Le désir interdit, névrotique et culpabilisant, s'appuie sur le mythe entretenu du meurtre du père. Il s'agit là du père imaginaire. Mais l'agent de la castration est le père réel, "celui qui besogne la mère" dit Lacan, ou qui par sa présence est en mesure de le faire, bref c'est le père désirant lui-même castré. La rivalité n'est qu'imaginaire (et pour cause, l'enfant, lui, n'étant en mesure de rien du tout) et justement névrotique, elle entretient en miroir avec l'enfant l'image d'un père faible, un père qui a failli, finalement d'un père vengeur qui prendra la figure du Surmoi.


"Le désir interdit est un désir qui en reste au fantasme : c’est le symptôme. Refouler, c’est aimer l’interdit qu’on subit, c’est s’aimer dans cet interdit. S’aimer et se haïr, comme aimer et haïr l’autre. Le mythe du meurtre du père est ce qui permet d’entretenir l’illusion de la possibilité de la jouissance absolue. Et la culpabilité liée au désir de mort éternise (c’est-à-dire imaginarise) le père. Mais justement, il est essentiel pour Lacan de ne pas confondre le père réel, et le père imaginaire. Le père castrateur, c’est le père réel, dit Lacan. Pourquoi ? Si le père réel est castrateur, c’est pour autant qu’il « besogne » celle vis-à-vis de qui l’enfant est en rivalité avec lui, la mère. Ce qui compte, ce n’est pas l’aspect de rivalité, qui renvoie à l’imaginaire, mais le caractère effectif du désir du père. Désirant, il se pose comme castré. Et c’est la castration du père qui est castratrice pour l’enfant."
JURANVILLE, LPH, 1984

CASTRATION, Identification, Phallus, Désir, LACAN

Dans la constitution du sujet du désir, la castration se rapporte directement à l'identification symbolique, qui s'effectue à l'idéal-du-moi en tant que c'est la place du père réel : la castration est d'abord celle de ce père qui donne son nom, et qui se pose comme désirant (qui renonce donc aussi potentiellement à la jouissance). C'est pourquoi l'identification symbolique, qui conditionne le désir, ne peut être que phallique aux yeux de la psychanalyse (pour l'homme comme pour la femme).


"Cette identification symbolique se fait par le nom, mais aussi par ce que Lacan appelle le trait unaire. Elle vaut pour l’un et l’autre sexe. Comme sujet désirant en effet, la femme ne se distingue pas de l’homme. Disons même qu’elle est « phallique ». Le « phallocentrisme » de la théorie de l’inconscient est absolu pour ce qui est de la constitution du sujet du désir. Lacan écrit ainsi : "Le phallocentrisme produit par cette dialectique est tout ce que nous avons à retenir ici… Cette fonction imaginaire du phallus, Freud l’a donc dévoilée comme pivot du procès symbolique qui parachève dans les deux sexes la mise en question du sexe par le complexe de castration" ."
JURANVILLE, LPH, 1984

CASTRATION, Jouissance, Phallus, Signifiant, LACAN

Par rapport à la jouissance, comme "au-delà du principe de plaisir", la castration en marque à la fois la possibilité (avec le désir) et l'impossibilité en tant que totale. Et c'est aussi la castration qui fait du Phallus le signifiant - comme signifiant et donc négation de la chose - le signifiant de cette impossible jouissance absolue.


"Jouissance absolue, non pas interdite, comme le prétend Lacan entraîné par le « point de vue névrotique », mais impossible. Si la castration est négation (Aufhebung) de l’objet, et donc négation du négatif, elle ne conduit pourtant pas à une positivité absolue, mais au contraire à une positivité inséparable d’une négativité radicale."
JURANVILLE, LPH, 1984

CASTRATION, Interdit, Complexe d'Oedipe, Désir, LACAN

Si la loi du désir ne peut être définie par un quelconque objet, c'est qu'elle est constituée par la castration, le manque, la finitude humaine. Mais le névrosé "oedipianisé" ramène cette loi à l'interdit paternel - qui fait accroire à un objet et à une jouissance non pas impossibles mais interdits - parce qu'il est plus facile de subir l'interdit que d'affronter la loi de la castration. L'interdit a pour fonction de refouler aussi bien le désir que la castration, de même que l'interdit intériorisé en Surmoi refoule la vraie loi et se constitue en faute morale d'après Lacan : non pas d'avoir désiré l'objet interdit (puisque la transgression, sur fond de rivalité avec le père, est la seule option laissée par le Surmoi) mais d'avoir "cédé sur son désir".


"L’analyse de l’interdit fait apparaître peu à peu tous les éléments de la structure décrite par la théorie psychanalytique sous le nom de Complexe d’Œdipe. Car si l’interdit est une forme de la loi et que la loi ne puisse être référée qu’au père, l’interdit doit venir du père. Et que peut interdire le père, sinon le désir pour cet objet même qu’il est censé désirer, et exclusivement, soit la mère ? Tout interdit renvoie à l’interdit de l’inceste. Quel rapport déterminer alors entre la loi de la castration et le complexe d’Œdipe ? La thèse de Lacan est la suivante : l’interdit (et le désir interdit, qui en est inséparable) refoule la loi de la castration. En rester au conflit avec le père interdicteur est plus facile que de se retrouver seul devant la mort présentée dans la castration."
JURANVILLE, LPH, 1984

CASTRATION, Complexe d'Oedipe, Désir, Interdit, LACAN

Le désir primordial de l'homme est marqué par la castration, mais le désir tel qu'il apparait dans le complexe d'Oedipe n'en est que la version névrotique, marquée par l'interdit. Autrement dit, avant d'être refoulé le complexe d'Oedipe est refoulant, il sert à refouler la castration, et donc le désir lui-même. Se voir interdire la mère par le père, comme si c'elle elle l'objet du désir, c'est se masquer l'insoutenable absence de la Chose, l'absence fondamentale de l'objet du désir.


"Le complexe d’Œdipe est un mythe. Pour Lacan, le complexe d’Œdipe, c’est le « rêve de Freud ». Et en tant que tel, il doit être interprété... L’Œdipe sert au refoulement de la castration. Avant d’être refoulé, il est refoulant. Et non pas simplement l’interdit paternel, mais le désir œdipien lui-même est refoulant. Désirer selon l’Œdipe, c’est refouler le désir fondamental. Devant le terrible de l’absence de la Chose, et de la pulsion de mort, l’Œdipe établit le voile du conflit avec le père. La loi comme interdictrice, comme négative, dissimule la négativité radicale de ce qui est."
JURANVILLE, LPH, 1984

CAPITALISME, Travail, Plus-value, Jouissance, MARX, LACAN

Le vrai principe de la valeur réside bien dans le travail et non dans la marchandise fétichisée, comme l'a bien vu Marx, mais il n'est pas non plus dans la plus-value soi-disant extorquée au travailleur par le capitaliste. En interprétant celle-ci comme "plus-de-jouir", Lacan souligne la complicité du travailleur pris dans la même jouissance que le maître, le même fétichisme du capital, à qui finalement il ne fait que rendre la dime de ce plus-de-jouir.


"La lucidité de Marx c'est de bien voir le conflit existentiel majeur alors présent (entre le capitaliste et le travailleur). L'aveuglement de Marx, c'est de croire que la plus-value serait extorquée au travailleur comme sa puissance active et créatrice. Alors que la plus-value est puissance de mort, à l'avance extorquable, n'est nullement personnelle (Lacan note le consentement fondamental à cette extorsion au profit de l'idole). La lucidité de Lacan, c'est d'avoir montré ce qui est au fond de la plus-value, ce qu'il appelle le plus-de-jouir - l'objet 'a' comme trace d'une mythique jouissance absolue hors finitude radicale : l'esclave (le travailleur) reste pris dans cette jouissance, devrait au maître (au capitaliste) la dîme de ce plus-de-jouir."
JURANVILLE, 2015, LCEDL

CAPITALISME, Maître, Plus-value, Individu, LACAN

Le discours du maître est contemporain de la Révélation juive, qui rompt avec le discours du peuple (hystérique) dominant dans la société païenne traditionnelle. Quant au capitalisme, il est une variante apparue assez récemment du discours du maître, quand ce dernier fait produire à l'esclave sous contrat la fameuse plus-value, le "plus-de-jouir" selon Lacan. Or ce dernier fait valoir, contrairement aux affirmations de Marx, que la plus-value n'est nullement extorquée au travailleur puisqu'elle est réalisée grâce aux conditions de productivité offertes par le maître (investissement, moyens techniques, etc.) et pas seulement par la force de travail. De plus elle ne représente rien d'émancipateur ou de créatif pour le travailleur, précisément car elle n'est pas de son fait, et se trouve bien plutôt réduite à un pur objet de jouissance, l'objet de consommation fétichisé. Lorsque Lacan évoque la "sortie" hors du discours capitaliste, il précise bien que cela ne sera "pas pour tout le monde", soulignant que cela reste un privilège de la démarche analytique et donc du sujet individuel, nullement du sujet social. Pour ce dernier la libération de l'individu ne saurait passer par l'abolition du capitalisme, qui ramènerait à une forme de paganisme aggravé, ignorant toute finitude radicale et n'ayant de cesse de "conjurer" le mal par la voie du sacrifice (réduction au silence de toute parole dissidente, par exemple, dans les régimes communistes) ; elle ne passera pas davantage par une exaltation sans réserve du même capitalisme, comme une fuite en avant (véritablement désespérée) vers un monde idéal ayant aboli le mal et la souffrance, un monde sans finitude. Il n'y a pas d'autre voie que celle d'un capitalisme raisonné laissant la possibilité à chacun de se réaliser comme individu, la société ayant cessé d'être idéalisée comme fin pour apparaître (enfin) comme simple moyen.


"Plus-value qu'a théorisée Marx et dont il dénonce la spoliation, l'extorsion, sans voir, selon Lacan, qu'elle est due au capital et au maître (qui, à la différence du serviteur, a commencé à renoncer à la jouissance) et qu'elle n'a rien de créateur et d'existentiellement positif. Et Lacan conclut en dirigeant vers le discours psychanalytique (dont le discours du maître serait «l'envers») où l'analyste s'offre comme objet a lieu de finitude radicale, à charge pour l'analysant, par l'interprétation (dans laquelle l'analyste le précède et le guide), de donner sens à ses fragments de paroles qui ne sont d'abord que non-sens. Ainsi l'analysant pourrait-il sortir (en quelque manière) du discours capitaliste et devenir individu comme l'analyste. Possibilité ouverte à l'existant par l'histoire. Accomplissement personnel certes, mais non pas progrès au sens du progressisme parce que "c'est seulement pour certains", pour ceux qui « paient le prix», «font le travail [créateur]»."
JURANVILLE, 2021, UJC

AUTRE, Surmoi, Finitude, Pulsion de mort, LACAN

L'homme ne saurait, par lui-même, dépasser sa finitude, puisque celle-ci le détourne justement de l'Autre absolu vrai qui seul pourrait le sauver. A la place il se fabrique un Autre absolu faux qui, n'admettant pour lui-même aucun Autre, ne l'appelle pas non plus à affronter sa finitude - notamment la sexualité, régie par la pulsion de mort, qui de ce fait demeure son unique horizon.


"Il est idole pour autant qu'il sera l'objet d'un culte. Il est spectre (revenant) pour autant qu'il hante l'humain, le retient dans le passé et l'empêche de s'ouvrir à l'Autre qui viendra. Il est ce que la psychanalyse désigne comme le Surmoi. C'est la haine qui le produit comme formation primordialement psychotique (hallucination). « Le Surmoi est haine de Dieu, dit Lacan, reproche à Dieu d’avoir si mal fait les choses » — comme si elles avaient été mal faites parce qu’il faudrait, certes douloureusement, découvrir en soi la pulsion de mort et s’y affronter (cette pulsion de mort dont on est quant même coupable, puisque c’est le primordial refus) ! « Le Surmoi est cette béance ouverte dans l’imaginaire par tout rejet des commandements de la parole » (Lacan) - c’est un dieu obscur qui n’écoute pas et avec lequel on ne parle pas."
JURANVILLE, HUCM, 2017

ATHEISME, Altérité, Existence, Dieu, LACAN

L'athéisme se présente comme un rejet fondamental de l'existence finie et de son corollaire, l'altérité essentielle, par l'humain devenu sujet social. Bien que l'athéisme nie abstraitement le divin, tout spécialement le Dieu judéo-chrétien réduit à une idole (mais n'est-ce pas le propre de l'athéisme de fabriquer des idoles ?), la pensée post-kierkegaardienne (Heidegger, Lacan, Adorno, Lévinas...) affirme tout à la fois la finitude humaine confrontée à l'existence, et l'Autre absolu ek-sistant au-delà de l'humain, Autre que rien n'empêche d'assimiler à Dieu. A partir du moment où la pensée affirme comme essentielle l'existence, l'ouverture à l'Autre, seul un Autre au-delà de l'humain peut délivrer ce dernier de son enfermement dans la finitude. Toute profession d'athéisme n'est donc que refus de cette altérité essentielle et implique à la fois allégeance à un Autre faux (l'idole) et repli sur une autonomie illusoire ; inversement toute affirmation d'un Autre absolu, s'adressant à l'homme à son insu, comme dans la théorie psychanalytique, revient à assimiler cet inconscient à Dieu.


"En fait, pour nous, si on le prend à la lettre sans chercher à voir ce qui s'y cache, l'athéisme n'est que manifestation suprême du rejet de l'Autre, de l'altérité, de l'existence et prétention à la toute-suffisance et toute-puissance prométhéenne de l'homme. C'est ce que suggère Lacan : « L'athéisme, dit-il ainsi, est la maladie de la croyance en Dieu, croyance que Dieu n'intervient pas dans le monde. Dieu intervient tout le temps, par exemple sous la forme d'une femme » ; ou encore, contre le déisme aristotélisant de Voltaire : "La religion est vraie. Elle est sûrement plus vraie que la névrose, en ceci qu'elle nie que Dieu soit purement et simplement - ce que Voltaire croyait dur comme fer -, elle dit qu'il ex-siste, qu'il est l'ex-sistence par excellence, c'est-à-dire qu'il est le refoulement en personne”. Dieu inconscient, refoulé. Reste, selon nous, que l'existence de Dieu, pour refoulée et latente qu'elle soit toujours au départ, devient patente par la Révélation. Or ce rejet de l’altérité, de l’ouverture à l’Autre, en l’occurrence à l’Autre primordial qu’est l’Autre divin, conduit inévitablement, comme dans le paganisme, à une fabrication d’idole."
JURANVILLE, UJC, 2021

ANALYSTE, Interprétation, Signifiant, Inconscient, LACAN

La parole interprétante (de l'analyste) doit permettre l'émergence du signifiant (par l'analysant), comme non-sens d'abord, dans la métaphore et le trait d'esprit, puis comme Nom-du-père qui est la métaphore essentielle et le signifiant du désir. La fin de la cure doit consister à convertir le symptôme dans le jeu de mots, au niveau de "lalangue" du sujet, afin d'en finir avec les maux qu'il occasionne. Durant tout le processus, malgré la levée du refoulement c'est toujours l'inconscient qui opère (il n'a pas à "devenir conscient" !), tant chez l'analysant que chez l'analyste. C'est pourquoi ce dernier, à partir du moment où il sait ce qu'il fait lorsqu'il interprète, littéralement ne sait pas ce qu'il dit.


"La parole de l’analyste comme signifiant est produite du lieu de l’analysant, pour « amorcer » en lui la production du signifiant et finalement faire apparaître le Nom-du-père dans sa présence, cachée d’abord, de signifiant constitutif du sujet. Il est frappant que dans l’analyse, ce qui accroche, au-delà de l’incertain du discours, ce sont les métaphores qui viennent à l’analysant comme à l’analyste. Faire de la psychologie, fût-elle analytique, s’interroger sur le rapport au père ou à la mère ou à l’oncle, ne font en rien avancer la cure, mais seulement se laisser entraîner, ce qui suppose un travail, dans le jeu des signifiants. Le jeu de mots, pour Lacan, vaut interprétation."
JURANVILLE, 1984, LPH