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DESIR, Temps, Pulsion, Réel

Si l'on appréhende l'articulation signifiante en terme de temporalité, il semble clair que les trois dimensions du réel, de l'imaginaire et du symbolique correspondent à trois modes de temporalité distincts. A partir de là une différence fondamentale entre la pulsion et le désir se fait jour. Le désir se caractérise comme le temps réel : surgissement imprévisible du sens, depuis la Chose en tant qu'elle parle. La pulsion, elle, substitue l'objet à la Chose, le petit (a) à l'Autre réel. Mais dans cette temporalité, rien ne change vraiment ; tout ce qui est désirable, tout ce qui peut advenir étant anticipable, cela caractérise le temps imaginaire. Mais par ailleurs le mouvement pulsionnel ne se soutient que d'une coupure temporelle, qui est pure articulation formelle : ici apparaît la dimension proprement symbolique de la pulsion. A ce titre le symbolique n'est jamais qu'une dimension de l'articulation signifiante où le réel n'a aucune part, où le temps se ramène à l'instantané de la coupure.


"Le désir se caractérise par la présence du « temps réel », de ce temps où le sens se constitue. Il n’y a plus de désir si à l’avance est exclu que la plénitude puisse se produire. Mais c’est le cas dans la pulsion : on sait à l’avance que l’objet absolu manque et que dans le temps rien ne se marquera sinon ce manque. En ce sens, ce qui peut advenir est déterminé de manière anticipative. On est donc dans ce que nous avons appelé « temps imaginaire ». Mais d’une façon particulière : la pulsion est mouvement comme le désir et, dans le temps imaginaire, elle introduit la coupure, le pur jeu de l’articulation formelle. Ce qui compte dans la pulsion, ce n’est pas cependant le passage du temps, si l’on entend par là qu’on passe d’un mode d’être à un autre de manière irréversible. Cette articulation formelle rejoint tout à fait ce qu’on a dit à propos du symbolique : le comportement symbolique, qui surgit comme coupure dans le temps, n’en est pas moins déterminable à l’avance dans son contenu, où rien de nouveau n’est apporté. Le symbolique, c’est le signifiant, mais vidé de sa temporalité (soit le réel), et pris dans le jeu de la différence formelle (ce qui exclut aussi l’imaginaire)."
JURANVILLLE, 1984, LPH

DEMANDE, Désir, Transfert, Pulsion, LACAN

La demande est au cœur du transfert : elle suppose l’idéalisation mais cherche à se justifier objectivement, à travers même sa désidéalisation. Elle est double : hétéronomie signifiante et volonté de poser cette hétéronomie comme sens. La demande est essentielle lorsqu’elle vise l’Autre lui-même, non comme instrument d'un besoin, mais comme être de désir. En posant sa demande, le sujet expose son désir, affirmant sa finitude et son impuissance à s’approprier seul le vrai désir : il a donc besoin de l’Autre pour y accéder. Ce qu’il demande ultimement, c’est l’amour (désir vrai de l’Autre), la grâce (accès au vrai désir), et la raison (validation de ce désir). La demande vise alors moins un contenu qu’un dialogue, où se construit un savoir rationnel pur. Elle fonde ainsi objectivement le transfert, dans et par la parole.
Lacan, contrairement à Freud qui relie transfert et idéalisation, articule le transfert à la demande tout en soulignant son ambiguïté : la demande vise un absolu (désir inconditionné), mais en fuyant la finitude de la pulsion sexuelle, elle masque le vrai désir. En réalité, elle devient elle-même pulsion, quête illusoire de jouissance, et l’Autre s’y réduit à objet de la pulsion. Le sujet en demande reste fermé sur lui-même, sous couvert d’ouverture à l’Autre. D’où la nécessité, pour Lacan, de dépasser cette demande fausse pour assumer la finitude dans le désir, conçu non comme inconditionné mais comme « condition absolue » du sujet fini. Le désir, et d’abord comme désir de l’analyste, dégage, au contraire, dans cette demande la pulsion. D’où ce que dit Lacan que, « si le transfert est ce qui, de la pulsion, écarte la demande, le désir de l’analyste est ce qui l’y ramène ». Cette demande, dans le transfert, deviendrait alors « face de vérité ». Elle serait sensible dans la formule : « Je te demande de me refuser ce que je t’offre parce que ce n’est pas ça. ». Lacan frôle ici une limite : peut-on encore « demander l’impossible » sans effacer la demande elle-même, comme le fait Levinas par une soumission radicale à l’Autre ?



"La demande est parole, et l’imaginaire, dans la parole, doit, pour la psychanalyse comme discours, recevoir sa vérité (par la théorie des nœuds). La demande vraie est alors demande à l’Autre - à l’Autre absolu, mais aussi, bien sûr, au psychanalyste - de permettre la séparation, l’autonomie, le vrai désir et, pour cela, de faire reconnaître la finitude. Une telle demande, plus même que le seul désir (désir du patient, répondant au désir de l’analyste), serait, pour Lacan lui-même, la « face de vérité » du transfert. Ce qu’il rassemble dans la formule suivante (introduite, avec le nœud borroméen, lors du séminaire Ou pire) : « Je te demande de me refuser ce que je t’offre parce que ce n’est pas ça. » Or, qu’il appelle à déborder le plan de la demande, ou qu’il reconnaisse la demande vraie dont nous venons de parler, Lacan ne rejoint-il pas ce qui fait le fond de la demande courante, c’est-à-dire la clôture sur soi et, pour le sujet comme pour l’Autre, la transformation de son Autre en pur moyen, en déchet ? Ne plus rien demander, et dégager le désir hors de toute demande essentielle, n’est-ce pas en effet, pour le sujet, s’établir dans l’autonomie abstraite ? Demander à l’Autre son refus, sans lui demander en même temps son don, le don de sa grâce, sans lui « demander l’impossible », n’est-ce pas par ailleurs, pour le sujet, se faire le déchet de l’Autre, et lui imputer la même autonomie abstraite ? Et n’est-ce pas vers ce dernier effacement problématique de soi que conduit Lévinas avec la soumission, à quoi il appelle, à la demande venue de l’Autre ?"
JURANVILLE, 2000, INCONSCIENT

ANGOISSE, Peur, Hétéronomie, Autonomie, HEIDEGGER

L’angoisse, distincte de la peur, précède cette dernière et plonge le sujet dans une expérience de finitude radicale et d’hétéronomie, où le sens émerge de l’Autre absolu. Heidegger la décrit comme une angoisse face à l’être-au-monde, révélant le néant et la transcendance, contrairement à la peur qui concerne l’étant intramondain. Pourtant, loin de s’opposer à la peur, l’angoisse y conduit, en tant que peur essentielle, en projetant le sujet dans un temps imaginaire où il découvre sa condition humaine. Elle angoisse précisément parce qu’elle annonce le passage au temps réel, celui de l’urgence et de l’action, de l'objectivité qu'il faudrait assumer. Ainsi, l’hétéronomie de l’angoisse fonde l’autonomie de la peur, qui suppose à son tour une reconnaissance de cette hétéronomie initiale. Heidegger, qui ne dit rien de la peur essentielle et encore moins de son horizon objectif, décrit seulement la peur mondaine comme déchéance et fuite devant l'angoisse. A ce titre il est vrai que la peur (ou l'angoisse évitée) ramène le sujet à la condition d'objet fini, sous l'effet de la pulsion sexuelle devenant pulsion de mort à mesure qu'elle s'articule autour de l'Autre réduit lui-même à un objet, à un fétiche en guise de maître. Cet Autre faux régissant le monde social n'appelle certes pas le sujet à éprouver la finitude ni à conquérir l'autonomie, plutôt l'encourage-t-il - comble du désespoir - au sacrifice.


"L'angoisse précède la peur. Elle est unicité, où le savoir s’effondre et où est éprouvée la finitude radicale. Et en même temps hétéronomie, le sens et la loi apparaissant alors en l’Autre absolu seul, au-delà de soi et de son monde à soi. Face à la peur qui serait peur devant l’étant intramondain, Heidegger la présente ainsi comme angoisse devant l’être-au-monde lui-même (devant l’être). Comme le sentiment décisif, parce qu’elle « révèle le néant » (l’être au-delà de l’étant), la « transcendance », le « méta-physique ». Mais, bien loin de s’opposer à la peur qui serait, comme le veut Heidegger, une « angoisse inauthentique », l’angoisse dirige au contraire, d’après nous, vers la peur essentielle – et c’est même pour cela qu’elle angoisse."
JURANVILLE, 2000, JEU