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CULPABILITE, Hétéronomie, Psychanalyse, Savoir

Si l'on ne veut pas sombrer dans une culpabilité indéfinie, comme le redoutait Nietzsche, il faut poser la culpabilité dans le savoir, où elle recevra sa juste mesure. Il faut distinguer deux types de culpabilité. Il existe une culpabilité fausse liée à la haine de soi, reflet de la haine pour le créateur. Et puis il existe une culpabilité essentielle reposant sur une hétéronomie fondamentale : c'est la culpabilité éprouvée devant l'Autre absolu, qui se mesure dans le rapport à Dieu établi par le judaïsme et le christianisme. Mais elle repose aussi sur une pluralité, en ce sens qu'elle s'éprouve également devant les autres finis. La psychanalyse, avec l'inconscient, a fait entrer la culpabilité dans le domaine du savoir, et ce n'est certes pas pour s'en débarrasser mais au contraire pour la reconnaître comme essentielle (elle consiste à avoir cédé sur l'essentiel, soit son désir).


"Telle est la culpabilité qu’a dégagée, dans l’espace du savoir rationnel pur, la psychanalyse. Lacan souligne ainsi que la psychanalyse ne vise en rien à « apaiser la culpabilité ». Il y a certes, d’après lui, une culpabilité fausse, dont il convient, autant qu’il est possible, de se libérer. C’est la culpabilité de l’« homme du commun », « reflet de sa haine pour le créateur quel qu’il soit qui l’a fait si faible et si insuffisante créature ». Mais il y a aussi une culpabilité fondamentale qu’il faut reconnaître, et qui est d’« avoir cédé sur son désir », c’est-à-dire d’avoir renoncé à son être d’individu, en se soumettant au « service des biens », à l’ordre commun du monde."
JURANVILLE, 2000, ALTER

CULPABILITE, Choix, Finitude, Moi, KIERKEGAARD

Kierkegaard met en avant l'ineffaçable culpabilité du sujet : quand bien même celui-ci aurait fait le choix essentiel, appelé en ceci par l'Autre absolu, il lui serait impossible de proclamer un quelconque accomplissement objectif du choix, le libérant de la culpabilité - cela reviendrait simplement à nier la finitude. "Même au moment où la tâche est assignée, il y a déjà du temps perdu", écrit Kierkegaard : il faut partir d'un tel "devenir-coupable" pour réaliser que le seul choix authentique devant l'existence, le seul choix personnel, est précisément le choix de la culpabilité ("ce n’est qu’en me choisissant comme coupable que je me choisis moi-même"). Position que le métaphysicien ne saurait seulement entendre, lui qui ramène la finitude à une faiblesse temporaire, lui qui suppose une culpabilité (devant le savoir, ou devant l'idéal) seulement chez le disciple, nullement de la part du maître. Par ailleurs il ne suffit pas de critiquer la fausse culpabilité, celle du ressentiment, pour accéder à l'autonomie de l'existence, comme le voudrait Nietzsche - lequel se laisse entrainer à une nouvelle dissimulation de la culpabilité, et à une tentation sacrificielle. Freud, de son côté, a bien vu une culpabilité inéliminable liée à l'amour (universel) pour le père, mais seulement par ses effets indésirables : agressivité, névrose, etc., comme s'il était possible, pour un moi "théoriquement" sain, de les évacuer (rien d'autre que l'idéal scientiste). La clairvoyance de Nietzsche comme de Freud aura été de montrer que toute culpabilité fausse cherche à se dissimuler, à dériver vers des pratiques sacrificielles douteuses ; leur aveuglement aura été de nier à leur tour la culpabilité vraie, constitutive, celle que cherchent précisément à dissimuler les formes inessentielles et dérivées de culpabilité.


"Car qu’est-ce qui permet cette dissimulation ? Nietzsche l’a montré, et Freud l’a redit après lui : le monde social, le fait que plusieurs ont la même culpabilité (fausse) et qu’ils s’en défont sur la victime du sacrifice. Tant que n’est pas dénoncé, dans un monde social nouveau, le jeu de la culpabilité ordinaire (fausse), tant que la culpabilité constitutive n’est pas reconnue socialement, la dissimulation de la culpabilité se maintient.
JURANVILLE, 2000, ALTER"

CERTITUDE, Culpabilité, Objectivité, Altérité, DESCARTES

La certitude qui advient au sujet, par l'expérience du cogito et par la grâce du Dieu non trompeur, n'est pas tant un rapport à soi qu'une soumission à l'hétéronomie ; elle se fait instrument de la culpabilité essentielle et fait prendre conscience au sujet qu'il a à s'objectiver, à ne pas en rester à la certitude immédiate de soi. Pourtant, c'est bien comme conscience abstraite ignorant toute finitude, que la subjectivité se pose d'abord intérieurement et qu'elle engage, face au monde, son entreprise d'objectivation. Alors ces deux mouvements inverses, érigeant une subjectivité et une objectivité également absolues, également désincarnées, lui font oublier la certitude première basée sur l'altérité essentielle. Le sujet peut encore reconnaître cette altérité, affirmant sa propre finitude (et culpabilité) mais en occultant cette fois la nécessité de l'objectivation et allant jusqu'à nier toute possibilité d'un savoir vrai. Ce à quoi s'en tient la pensée de l’existence tant qu'elle ignore la vérité structurale de l'inconscient.


"Que la certitude soit l’instrument de la culpabilité, cela se comprend déjà en ce qu’elle rappelle au sujet qu’il a à s’objectiver, à accomplir son œuvre de sujet. C’est cette certitude qui meut Descartes dans sa recherche du principe. C’est elle qu’il dégage comme telle pour y atteindre, puisque c’est à partir d’elle qu’il reconstituera, avec la grâce du Dieu bon, tout le système du savoir vrai."
JURANVILLE, 2000, ALTER

BONHEUR, Culpabilité, Objectivité, Sentiment

La positivité du bonheur doit être soutenue, contre la pensée de l'existence. Puisque le sentiment en général est ce qui permet au sujet de poser l'objet et de se poser dans l'objectivité, et comme le plaisir est ce sentiment qui ouvre au sujet l'espace de l'objectivité (et par quoi il assume sa mélancolie), le bonheur est le sentiment par lequel le sujet atteint enfin une forme d'objectivation (et par quoi il assume sa culpabilité). Chacun recherche le bonheur, comme le stipule Aristote ; restait à définir cet objet, précisément comme objectivité. Or pour la pensée de l'existence, et la quête du bonheur et son accomplissement contreviendraient à la finitude ainsi qu'à l'altérité essentielle, ce serait selon Kierkegaard demeurer au stade de l'esthétique. De même pour Freud le bonheur est pris dans la contradiction entre la satisfaction sexuelle (qui donne un semblant de bonheur) et la répression sociale (qui engendre la mauvaise culpabilité, sans possibilité de l'assumer comme il le faudrait pourtant).


"Nulle place donc pour quelque bonheur où serait assumée la culpabilité ! On pourrait avancer néanmoins que, si le bonheur  se veut accomplissement, sentiment de l’objectivation du sujet, toute pensée qui affirme l’existence, même si elle conçoit le sujet tout autrement que ne le fait la métaphysique, devrait envisager un bonheur existant et vrai. Comme acceptation pure de la contradiction, cette fois-ci radicale, de l’existence. Un tel bonheur serait la béatitude éternelle à laquelle l’existant se rapporte passionnément, d’après Kierkegaard."
JURANVILLE, ALTER, 2000

CULPABILITE, Hétéronomie, Pluralité, Individu

La culpabilité est définie comme hétéronomie et pluralité. En effet c'est bien la loi de l'Autre que l'on subit, négativement, dans la culpabilité, mais c'est bien face aux autres en général qu'elle se manifeste, soit parce que l'appel de l'Autre à devenir individu, au regard des "autres", est perçue comme illégitime par le sujet, soit parce que la violence sacrificielle exercée par les "autres" contre tel individu particulier est perçue au contraire comme légitime, ce qui annule la culpabilité.


"Dans la culpabilité essentielle, la même loi vraie de l’Autre absolu est reconnue par les divers sujets finis les uns devant les autres. L’hétéronomie, d’abord faussée, accède alors elle-même à sa vérité. Et de même la pluralité."
JURANVILLE, 2000, ALTER