CHOSE, Signifiant, Nom, Parole, LACAN
"La Chose, au sens le plus quotidien, est donc le signifiant surgissant comme signifiant, incarné, dans le réel. Réalité muette du signifiant pur, si la parole suppose le signifié. Lacan dit que la Chose « fait mot », au sens où le mot (= motus), c’est ce qui se tait. Mais en même temps elle introduit au monde par sa référence à l’Autre de la loi et du Nom. Toute chose est à chaque fois l’occasion de la rencontre de « la Chose », dès lors que s’y produit ce surgissement du signifiant verbal pur. Non dans sa détermination spécifique (tel signifiant plutôt que tel autre, ce qui renvoie non plus au réel, mais au symbolique), mais dans la coupure de son émergence : soit l’instant de la parole. Toute chose la plus commune, pour autant qu’elle nous convie à la considérer comme chose, est la rencontre de l’autre sujet dans son corps advenant à la subjectivité... Mais dans l’existence commune, on ne laisse de tenter d’esquiver cette présence insuppressible de la Chose dans la parole, soit aussi des choses dans le monde."
JURANVILLE, LPH, 1984
CHOSE, Quadriparti, Quaternaire, Signifiant, HEIDEGGER, LACAN
CHOSE, Nom, Sujet, Objet, HEIDEGGER
"Comment s’effectue alors ce rassemblement du monde ? La chose convoque et renvoie l’homme en le posant comme sujet. L’homme est impliqué par la chose en tant que phallus, puisque le phallus, c’est « le sujet dans sa réalité ». Réalité de l’homme qui regarde la chose. Mais en même temps la chose appelle un nom. Dans un premier sens, cela signifie que la chose demande à être nommée. Dans un second sens, qu’elle requiert l’avènement du Nom en général. La chose implique donc, non seulement la réalité de l’homme qui se trouve en sa présence et la rencontre, mais le Nom primordial, soit le Nom-du-Père, et sa propre nomination à elle. Ce qui l’installe elle-même comme sujet par la détermination de ce qu’on a évoqué comme « trait unaire ». La chose implique enfin sa propre réalité, non pas sa réalité de sujet (qui serait aussi le phallus), mais sa réalité de chose. Cette réalité que perd le sujet comme sujet, soit celle de l’objet."
JURANVILLE, LPH, 1984
CHOSE, Désir, Sujet, Castration, LACAN
La Chose est l'Autre originaire du désir, l'Autre réel. Elle incarne à la fois la plénitude absolue (celle que suppose le désir) et l'impossibilité d'une telle plénitude, du fait même qu'elle se signifie comme désirante - s'infligeant par-là même la castration et l'infligeant au sujet.
CHOSE, Désir, Manque, Phallus
La Chose est distincte de l'objet "a' cause du désir, comme elle est distincte du signifiant Phallus qui maintient le désir. Le Phallus se substitue précisément à la plénitude manquante de la Chose. Si dans le réel la Chose est signifiante pour le sujet, si elle lui "parle", en somme si elle désire, c'est en effet qu'elle manque tout en causant le manque dans le sujet.
CHOSE, Désir, Interdit, Mère, LACAN
La Chose, bien qu’elle apparaisse comme l’objet premier et absolu du désir, demeure mythique. Les lois de la parole, dont les Dix Commandements sont une émanation, instaurent une distance rendant sa jouissance impossible, au-delà d’une simple interdiction. En effet, en déduire que le désir lui-même puisse être interdit n'est qu'une interprétation névrotique de la loi, laquelle dicte, au contraire, de désirer. La mère réelle, dans l'histoire et dans la structure psychique du sujet, occupe généralement la place de la Chose, mais elle n'est pas la Chose, dont l'absence se solde par l'émergence du signifiant Phallus, grand ordonnateur du désir. Certes la mère semble bien interdite d'après la loi de la prohibition de l'inceste. Seulement il est vain de fonder le désir sur cette loi interdictrice ; car c'est plutôt le désir qui fait loi, et il ne se fonde que sur le manque fondamental de la Chose, qui divise également le sujet : ceci est la castration, propre au sujet parlant, que l'interdit (et donc le complexe d'Oedipe) cherche précisément à faire oublier. A contrario Oedipe est "celui qui n'a pas de complexe d'Oedipe", celui dont le désir est "de savoir le fin mot sur le désir", dixit Lacan, quitte à en payer le prix.
CERTITUDE, Parole, Reconnaissance, Castration, DESCARTES
"Pour Lacan, il y a l’acte de la parole, ou plus précisément ce qui le fait acte, soit la présence de l’articulation du signifiant. Il y a donc l’énonciation. C’est ce qui fait l’acte de la pensée (et la situe d’emblée dans l’inconscient). Il y a ensuite le passage au signifié, là où de fait on peut parler de l’être. Et c’est à ce moment que devient possible une certitude, qui se constituera proprement et s’affirmera enfin dans l’acte effectif de la parole du sujet. Parce que parler, c’est assumer le signifié, et donc le phénomène de la castration. Mais cette constitution de la certitude ne tient pas à l’émergence d’une reconnaissance : on est à l’avance reconnu, on a déjà sa place dans le monde – comme castré cependant, c’est-à-dire comme le phallus, comme l’indication de ce phallus « perdu », l’index du phallus. Assumer la castration, c’est accepter cette reconnaissance, se la garantir. La reconnaissance demeure donc bien d’abord celle par l’Autre absolu, mais elle se confirme et s’affirme dans et par l’acte de la parole adressé à l’Autre présent. La certitude est toujours celle d’un Je suis (qui comme pour Descartes, renvoie là aussi à un réel, au sens précis de ce terme pour Lacan)."
JURANVILLE, 1984, LPH
CASTRATION, Sexualité, Pulsion, Chose, LACAN
Initiée par le signifiant Phallus, qui lui-même renvoie au vide réel de la Chose, la castration interrompt le principe de plaisir et le cycle pulsionnel. Certes l'objet de la pulsion est dit "perdu", mais tout autant et indéfiniment "retrouvé", donc la perte ici n'est pas réelle (à la différence de la Chose) mais un simple effet du processus pulsionnel, imaginaire. Cependant, si elle s'oppose ai sexuel de la pulsion, la castration ne se situe pas totalement hors du champ sexuel puisqu'elle conditionne - via le Phallus - aussi bien le désir que la jouissance.
CASTRATION, Père, Interdit, Imaginaire, LACAN
Le désir interdit, névrotique et culpabilisant, s'appuie sur le mythe entretenu du meurtre du père. Il s'agit là du père imaginaire. Mais l'agent de la castration est le père réel, "celui qui besogne la mère" dit Lacan, ou qui par sa présence est en mesure de le faire, bref c'est le père désirant lui-même castré. La rivalité n'est qu'imaginaire (et pour cause, l'enfant, lui, n'étant en mesure de rien du tout) et justement névrotique, elle entretient en miroir avec l'enfant l'image d'un père faible, un père qui a failli, finalement d'un père vengeur qui prendra la figure du Surmoi.
PHALLUS, Castration, Signifiant, Désir
Le signifiant, par nature, implique son propre effacement : c'est cette fonction que remplit originellement le phallus, en tant que signifiant non verbal, à la fois en se substituant à l'objet et en disparaissant lui-même pour laisser place au langage - et au désir. Le phallus est ce qui dans le langage laisse à désirer, fait désirer ; il porte en lui l'absence de la Chose, l'objet fondamental du désir. Enfin, en tant qu'il se fait représenter par le Nom-du-Père dans le langage, il instaure la loi - identiquement loi du désir et loi de la castration - qui assujettit le parlêtre au signfiant.
CASTRATION, Identification, Phallus, Désir, LACAN
Dans la constitution du sujet du désir, la castration se rapporte directement à l'identification symbolique, qui s'effectue à l'idéal-du-moi en tant que c'est la place du père réel : la castration est d'abord celle de ce père qui donne son nom, et qui se pose comme désirant (qui renonce donc aussi potentiellement à la jouissance). C'est pourquoi l'identification symbolique, qui conditionne le désir, ne peut être que phallique aux yeux de la psychanalyse (pour l'homme comme pour la femme).
CASTRATION, Jouissance, Phallus, Signifiant, LACAN
Par rapport à la jouissance, comme "au-delà du principe de plaisir", la castration en marque à la fois la possibilité (avec le désir) et l'impossibilité en tant que totale. Et c'est aussi la castration qui fait du Phallus le signifiant - comme signifiant et donc négation de la chose - le signifiant de cette impossible jouissance absolue.
CASTRATION, Interdit, Complexe d'Oedipe, Désir, LACAN
Si la loi du désir ne peut être définie par un quelconque objet, c'est qu'elle est constituée par la castration, le manque, la finitude humaine. Mais le névrosé "oedipianisé" ramène cette loi à l'interdit paternel - qui fait accroire à un objet et à une jouissance non pas impossibles mais interdits - parce qu'il est plus facile de subir l'interdit que d'affronter la loi de la castration. L'interdit a pour fonction de refouler aussi bien le désir que la castration, de même que l'interdit intériorisé en Surmoi refoule la vraie loi et se constitue en faute morale d'après Lacan : non pas d'avoir désiré l'objet interdit (puisque la transgression, sur fond de rivalité avec le père, est la seule option laissée par le Surmoi) mais d'avoir "cédé sur son désir".
CASTRATION, Désir, Fantasme, Phallus
"Figure de ce que l’on appelle traditionnellement la finitude de l’homme. Mais c’est une figure doublement particulière : le non-sens y est éprouvé dans le sexuel, et surtout il y est inséparable du sens, qui devient lui-même sexuel. Le désir est pour la théorie de l’inconscient désir sexuel, conduisant à une plénitude qui est jouissance sexuelle ; mais jouissance qui n’est que partiellement jouissance et porte en elle "une souffrance fondamentale". La castration marque le lien du désir et du sexuel, ce qui veut dire aussi, et sur un autre plan, de la jouissance et de la souffrance."
JURANVILLE, LPH, 1984
CASTRATION, Complexe d'Oedipe, Désir, Interdit, LACAN
Le désir primordial de l'homme est marqué par la castration, mais le désir tel qu'il apparait dans le complexe d'Oedipe n'en est que la version névrotique, marquée par l'interdit. Autrement dit, avant d'être refoulé le complexe d'Oedipe est refoulant, il sert à refouler la castration, et donc le désir lui-même. Se voir interdire la mère par le père, comme si c'elle elle l'objet du désir, c'est se masquer l'insoutenable absence de la Chose, l'absence fondamentale de l'objet du désir.
ANALYSTE, Interprétation, Signifiant, Inconscient, LACAN
La parole interprétante (de l'analyste) doit permettre l'émergence du signifiant (par l'analysant), comme non-sens d'abord, dans la métaphore et le trait d'esprit, puis comme Nom-du-père qui est la métaphore essentielle et le signifiant du désir. La fin de la cure doit consister à convertir le symptôme dans le jeu de mots, au niveau de "lalangue" du sujet, afin d'en finir avec les maux qu'il occasionne. Durant tout le processus, malgré la levée du refoulement c'est toujours l'inconscient qui opère (il n'a pas à "devenir conscient" !), tant chez l'analysant que chez l'analyste. C'est pourquoi ce dernier, à partir du moment où il sait ce qu'il fait lorsqu'il interprète, littéralement ne sait pas ce qu'il dit.
ANALYSTE, Interprétation, Question, Résistance, LACAN
"Pour introduire le sujet dans la sublimation, la Chose doit supporter la question où s’affirme l’être-séparé du sujet, et qui est la forme que prend la demande dans la sublimation... Mais ce qui en permet la mise en œuvre effective c’est le désir de l’analyste... Le désir de l’analyste se manifeste dans la cure avant tout par l’interprétation, et même comme interprétation... L’interprétation ne se place pas d’abord sur le plan du dit. Et l’exactitude de la construction, qu’édifie au moins autant l’analysant que l’analyste, est secondaire. C’est que le plan où une vérité doit émerger n’est pas celui du dit, mais du dire. Vouloir faire des constructions relèverait, dans le cadre de la cure, de la résistance de l’analyste. Freud d’ailleurs n’y voyait que des hypothèses."
JURANVILLE, 1984, LPH
ANALYSTE, Chose, Objet a, Castration
Si la cure analytique commence sur le plan de la demande (demande consciente de guérison, demande inconsciente de non guérison !), elle doit permettre le dévoilement du désir présent dans cette demande même, ce qui impose au sujet de faire l'épreuve de la castration.. L’analyste, initialement idéalisé comme « sujet supposé savoir », identifié au père imaginaire par le névrosé, est amené à déchoir de cette position pour devenir l’objet a, support du désir du sujet, tout en incarnant la Chose. Car c'est seulement en tant que Chose, dépositaire d'un savoir inconscient, que l'analyste sollicite l’émergence du signifiant du désir chez l’analysant. Lequel, hors refoulement, fait alors l'expérience de la traversée du fantasme, bien que le fantasme ne soit qu’un soutien du désir et non ce qui le maintient. C'est ici que le sujet fait l'épreuve de la castration (ou pas, s'il s'en tient à l'amour de transfert), laquelle se manifeste par la non-disponibilité de l’analyste aux pulsions de l’analysant, réaffirmant sa position de Chose et non simplement d'objet a. C'est ici également que s'impose une nouvelle identification imaginaire, celle de la sublimation se substituant à la névrose.
AMOUR, Transfert, Séduction, Chose, LACAN
Lacan a pu affirmer que du transfert l’amour était « la face de résistance ». Pour autant il ne faudrait pas confondre l'amour de transfert, bien présent dans l'analyse, avec l'amour qui fait acte, l'amour qui permet d'accéder à la sublimation dans le cadre de la cure. Certes la cure ne va pas sans le transfert, qui ne va pas sans l'amour ; mais cet amour qui se mêle à la haine et qui fonctionne à la séduction doit être dépassé. De quelle haine s'agit-il ? Celle qu'entraîne inévitablement l'identification de l'analyste, par l'analysant, à son propre symptôme - mécanisme propre de la névrose. L'analyste placé dans la position du père réel (en tant qu'imaginarisé, donc finalement du père imaginaire), dans le cadre du transfert, est ainsi aimé comme son propre symptôme et fatalement haï pour la même raison. De quelle séduction maintenant s'agit-il ? L'analyste, depuis la place de la Chose qu'il occupe, ouvre structurellement à l'analysant l'occasion de s'identifier au père symbolique ; il le fait en lui communiquant son amour, celui qu'il puise dans le savoir qu'il incarne en tant que la Chose. Mais en tant que névrosé, le sujet analysant refuse cette identification (qui le confronterait à la castration), comme il refuse cet amour de l'analyste auquel il réplique et résiste par l'amour de transfert (amour-séduction), comme il refuse ce savoir de la Chose en faisant de l'analyste un sujet, un "sujet supposé savoir".
AMOUR, Savoir, Névrose, Femme, LACAN
En affirmant « la femme ne peut aimer en l’homme que la façon dont il fait face au savoir dont il âme », Lacan renvoie au savoir impliqué par le symptôme, et donc l'amour éprouvé dans le cadre de la névrose, y compris l'amour de transfert. Et il oppose au savoir "dont on âme" le "savoir dont on est", hors refoulement, à situer du côté de l'analyste, qui suscite lui aussi de l'amour. L'amour, quel qu'il soit, se supporte d’un certain rapport entre deux savoirs inconscients, et chacun y "marque la trace de son exil, non comme sujet, mais comme parlant, de son exil du rapport sexuel" - c'est en quoi la parole amoureuse, sur la voie de la sublimation, supplée au non-rapport sexuel. Mais sur cette voie l'amour névrotique, passant par l'identification au symptôme, doit être dépassé dans sa composante de haine... car "l'insu c'est la Mourre" ironise Lacan... pour parvenir à aimer le savoir inconscient de l'autre... "l’insu que sait de l’une-bévue"... , en bref celui qui aime est aimé comme celui qui sait est su. Cela ne veut pas dire que l'amour lève tout le refoulé, ou que la sublimation soit sans limite : la rencontre de l'Autre sexe - toujours féminin, en un sens - peut bien avoir lieu, cet Autre reste malgré tout l'Autre, et une femme comme le dit Lacan, irréductiblement, reste "un symptôme pour tout homme".