DESIR, Besoin, Demande, Signifiant, LACAN

Lacan exclut que le besoin soit à l'origine du désir, comme il rejette la théorie des "stades" expliquant l'accession au désir par un processus de maturation, naturel et génétique. Le caractère traumatisant de la sexualité dite "génitale", en terme de "mauvaise rencontre", conduit d'emblée à conditionner le désir à la confrontation avec le désir de l'Autre, soit avec le signifiant. De ce fait, précise Juranville, c'est bien plutôt à la castration que l'on accède - et à l'angoisse qui l'accompagne - car le désir est déjà en acte dès la présence de l'Autre. C'est donc bien le désir, chez le sujet parlant, qui est à l'origine d'un besoin d'emblée assujetti à la demande. Comme l'objet du désir manque, fondamentalement, du fait de la castration, le besoin n'est pas autre chose que le résultat de ce manque (de même que le désir lui-même, comme inconditionné, est le résultat du caractère inconditionnel de la demande, impossible à assouvir). Cependant Juranville voit dans les premières formulations de Lacan, jusqu'au séminaire X, un reste de cette conception génétique qu'il combat lui-même farouchement : le besoin resterait une donnée naturelle, immédiatement déviée et subjectivée par la demande ; celle-ci à son tour serait traduite en signes (cri, gestes) venant se greffer ensuite sur la structure symbolique. Or le besoin n'a rien de naturel et le signifiant ne naît pas de l'effacement de la chose. A sa naissance le nourrisson a seulement besoin de respirer (d'où le cri, absolument asignifiant à ce niveau). Il n'a ni besoin ni intention de se nourrir tant que l'Autre, dont c'est le désir mais surtout l'angoisse, ne lui aura pas signifié expressément que telle est la voie de la survie.


"Distinguons les diverses possibilités d’articulation entre le besoin et le désir. Première possibilité, exclue par Lacan : que le désir s’explique à partir du besoin. Et dans la conception lacanienne, on ne pourra plus parler, comme le faisait Freud, d’étayage : le désir ne s’étaie pas du besoin, ni les pulsions sexuelles de prétendues pulsions d’autoconservation. Deuxième possibilité : que le désir inscrit dans le langage et la parole, oriente un « développement » à partir du besoin. Il y aurait bien un a priori du langage, mais l’homme aurait à rendre actuel ce qui n’est d’abord qu’en puissance. On retrouverait d’une certaine façon la psychologie génétique de Piaget. Et des thèmes comme l’accession au désir, ou au symbolique, pourraient sembler soutenir pareille conception. Mais Lacan la rejette tout autant que la première... Apparaît donc la troisième possibilité, présentée en maints textes de Lacan. Le passage au désir viendrait de la rencontre traumatisante avec l’Autre et le désir de l’Autre, avec le signifiant. Mais il nous semble, contre une certaine lettre du discours de Lacan, qu’il faut insister sur ceci que le corps de l’être humain n’est pas d’abord un corps biologique qui subirait l’effet du heurt avec le « désir de l’Autre ». Il faut, si l’on veut suivre Lacan dans ce qu’il apporte de vraiment nouveau, dire que l’on n’accède pas au désir, mais à la castration, que le désir est là d’emblée, non comme virtualité, mais comme actualité, à partir de quoi l’Autre prend sens. D’où la quatrième possibilité, pour laquelle le besoin découle du désir, et non plus l’inverse, d’aucune manière."
JURANVILLE, 1984, LPH

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