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DEMOCRATIE, Représentation, Finitude, Election, SCHMITT

Ceux qui se confrontent à la mort en combattant l'ennemi acquièrent un grand pouvoir fondé sur le prestige ; mais ceux qui affrontent la finitude radicale, la pulsion de mort en eux, acquièrent une grande autorité et surtout une double responsabilité : celle d'assumer pour eux-mêmes cette finitude (inéliminable) tout en la dépassant, celle aussi d'en témoigner auprès d'autrui à travers la constitution de l'oeuvre. Tel est le principe de l'élection - pour peu que l'oeuvre soit reconnue et validée par le peuple - sur lequel repose la démocratie représentative ou parlementaire. Dès lors, la position centrale de l'élu et l'influence qu'il exerce dans la cité ne doit pas masquer sa fondamentale solitude, ni surtout le fait qu'il devient immanquablement objet de haine et de jalousie de la part de ceux qui - à juste titre ou non - s'estiment déshérités ou en situation d'exclusion. Si la finitude est la même pour tous - c'est le sort de la Créature - il n'y a pas d'égalité naturelle et encore moins sociale devant la capacité de s'y confronter. Finitude ou pulsion de mort qui est, fondamentalement, aliénation à la répétition et refus du choix, refus de "changer les choses" (même si l'on voudrait que "les autres" le fassent). Mais certains utiliseront la misère du peuple, prétendant le représenter "directement", pour conquérir le pouvoir ; ils n'auront de cesse d'obtenir la chute, et si possible, l'exclusion d'élus compétents mais jugés trop "éloignés du peuple" ; ils s'en prendront finalement au régime démocratique qui avait permis leur élection. Tel est la loi sacrificielle d'un monde livré aux idoles populistes, ayant fait bon marché de la démocratie.


"La démocratie véritable est la démocratie représentative ou parlementaire... Car la démocratie véritable comme société juste doit laisser place non seulement à la finitude radicale en tant que l’homme doit s’y affronter (ce que tous ne feront pas également), mais à la finitude radicale en tant que certains s’y sont effectivement affrontés et qu’ils ont acquis par là un pouvoir. Les Juifs sont, selon nous, les représentants, par excellence, non pas des exclus au sens de « déshérités », mais des exclus au sens où ils se sont distingués, volontairement séparés, pour accueillir pleinement l’héritage qu’ils ont reçu. Ils sont par excellence ceux qu’on envie, ils ont payé pour cela à l’époque contemporaine parce que les exclus au sens de « déshérités » et leurs zélotes ont voulu exterminer le peuple éternel et, à travers lui, ceux qui se réclament de l’élection, de l’exigence pure d’étude et de responsabilité pour autrui...
Rousseau certes a cette idée de la démocratie parfaite comme démocratie directe. Il récuse la représentation. Au moins reconnaît-il la difficulté de cette démocratie directe. Et même son impossibilité : « Un gouvernement si parfait ne convient pas à des hommes »  Schmitt préfère l’acclamation au vote individuel secret (« La méthode du vote individuel secret n’est pas démocratique ») – cette acclamation païenne que Rousseau, comme Platon et saint Augustin, a condamnée le plus nettement en tant que sacrificielle. Et, comme Schmitt, avec Schmitt, tous les tenants du totalitarisme considèrent les démocraties parlementaires comme n’étant que des démocraties formelles."
JURANVILLE, 2010, ICFH

DEMOCRATIE, Autorité, Représentation, Totalitarisme

Il se produit une "crise de l'autorité" lorsque les représentants titulaires d'une charge, d'une responsabilité politique, se trouvent dénigrés et donc délégitimés par des forces contestataires (de l'intérieur) ou ennemies (de l'extérieur), leur reprochant soit un excès d'autoritarisme soit à l'inverse - le plus souvent - un excès de faiblesse. Ainsi la crise d'autorité de la démocratie, notamment parlementaire, peut sembler systémique, dans la mesure où l'autorité des représentants comme des gouvernants repose sur leur volonté explicite d'exercer ladite autorité pour réaliser le bien commun. Or c'est cette volonté qui peut faire défaut au regard de ce qu'implique de fondamentalement vertueux la vraie autorité : faire accéder l'Autre à la liberté et à l'égalité effectives, augmenter littéralement (augeo, « augmenter ») sa créativité, lui permettre d'exercer un jour, à son tour, pareille autorité qui implique nécessairement (là où il y a élection) la reconnaissance de l'oeuvre. Ainsi les régimes totalitaires (ou, à un degré moindre, tyranniques et autocratiques), qui ignorent la vraie autorité comme elles ignorent la vérité de l'oeuvre individuelle, n'ont pas de tâches plus pressantes que de saper l'autorité des démocraties, meilleur moyen d'éliminer la démocratie elle-même. Or c'est souvent la relation assumée des démocraties avec le capitalisme (en tant qu'il laisse place à l'oeuvre individuelle), et l'affaiblissement politique et moral qu'elle est censée engendrer (l'éloignement des "valeurs traditionnelles", la "perte de sens", etc., bref la "crise de l'autorité" !), qui a servi de prétexte aux anti-démocrates dans l'histoire récente, pour attaquer les démocraties et tenter d'en finir avec elles.


"Soulignons simplement, quant à nous, que l’autorité suppose une volonté qui peut et doit devenir celle de chacun. Et qu’une inégalité est alors impliquée, mais non pas comme inégalité définitive, puisque, au contraire, elle ouvre l’espace de l’égalité. C’est l’autorité des parents sur les enfants (futurs parents). Des maîtres sur les élèves (futurs maîtres). Des auteurs sur les lecteurs (futurs auteurs). L’autorité n’augmente pas simplement la fondation, comme le dit Hannah Arendt. Elle augmente (augeo, « augmenter »  ; auctor, « celui qui augmente ») toujours davantage la puissance créatrice et fécondante, comme cela avait été voulu lors de la Création."
JURANVILLE, 2010, ICFH