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CONNAISSANCE, Oeuvre, Occasion, Objectivité

Celui qui affirme l'existence suppose certes une oeuvre primordialement vraie, celle de l'Autre absolu, mais il exclut d'abord de poser son oeuvre propre en toute objectivité. Or il n'y a pas d'autre moyen de poser et de confirmer l'oeuvre primordiale que d'y répondre (et d'en répondre) par son oeuvre propre - laquelle recrée de quelque manière la consistance de l'oeuvre antérieure. C'est ainsi seulement que l'oeuvre devient connaissance. Et c'est ainsi que s'accomplit l'occasion, seulement quand l'oeuvre est posé dans son objectivité.


"L’occasion, même si elle est, comme nous l’avons dit, occasion par l’œuvre, est bien, comme on le pense plus communément, occasion pour l’œuvre – mais pour une œuvre qui, se rapportant à une autre œuvre déjà là, est alors connaissance."
JURANVILLE, 2007, EVENEMENT 

CONNAISSANCE, Métaphysique, Sujet, Existence

En matière de connaissance, la métaphysique évite la question de la finitude radicale, ainsi que la relation à l'Autre comme tel. A l'époque antique, en plaçant la vérité dans l'objet à connaître, indépendamment des limitations du sujet ; à l'époque moderne, en situant au contraire la vérité dans le sujet, à partir de quoi seulement l'objet peut être connu. Avec cette conséquence que la connaissance métaphysique s'accomplit sous la forme d'une auto-objectivation du sujet tendant à faire disparaître l'extériorité de l'objet... et donc, avec ce dernier, le principe même de toute connaissance objective au profit du seul savoir (intérieur). Il est facile de voir qu'une telle connaissance métaphysique, avec son sujet tout puissant, réalise un fantasme sexuel, pervers qui plus est, où l'objet est censé venir combler tout manque dans l'Autre. Inversement, c'est contre toute forme de connaissance absolue et vraie que se dresse la pensée de l'existence, au nom du choix existentiel (« Choisis-toi toi-même » énonce Kierkegaard) et de la confrontation avec la finitude, primant sur toute démarche de connaissance (y compris le « Connais-toi toi-même » de Socrate). Lacan en particulier, remet radicalement en question les préjugés liés au statut épistémique de l'objet aussi bien que celui du sujet, les ordonnant plutôt, du point de vue de la psychanalyse, à la cause de désir. Toutefois la question des conséquences sociales et politiques d'une telle position reste entière et non résolue.


"La pensée de l’existence récuse toute idée de connaissance absolue. Pour elle, la connaissance, comme détermination effective de l’objet dans son unité par le sujet dans son unité, est une illusion. Illusion caractéristique aussi bien de la conception traditionnelle que de la métaphysique. Illusion par quoi l’existant se dissimule son existence... Ils maintiennent le refus, propre à toute la pensée de l’existence, de toute connaissance vraie qui pourrait se poser comme raison pure, et donc ordonner un monde social nouveau. Et alors on peut douter qu’il y ait eu véritable rupture avec l’ordre traditionnel et avec la connaissance comme « fantasme de l’inscription du lien sexuel ». Que la mystique glorifiée par Lacan se distingue réellement de la mystique érotique traditionnelle qu’il a si constamment dénoncée."
JURANVILLE, ALTER, 2000

CONNAISSANCE, Individu, Autre, Messie

L'individu est le principe subjectif de toute connaissance vraie. Car se vouloir individu, c'est affirmer son identité dans son unicité, et donc en faisant l'épreuve de la finitude, s'arracher aux lois ordinaires de ce monde. L’identité est l’acte de la connaissance, tandis que la chose est ce qui est à connaître, à travers l'oeuvre, et ce dans quoi s’accomplit la connaissance. L'oeuvre est connaissance dès lors qu'elle s'ouvre aux autres oeuvres, qui la précèdent, d'abord celle de l'Autre absolu, la création, ensuite toutes celles, humaines, avec lesquelles elle accepte d'entrer en dialogue. La reconnaissance pour son oeuvre, l'individu ne l'obtient pas immédiatement, c'est pourquoi dans ce chemin vers l'autonomie il est porté par la grâce qui lui permet d'anticiper cette reconnaissance - pour peu, une nouvelle fois, qu'il s'ouvre aux autres, qu'il accepte la grâce qu'ils peuvent lui communiquer. Mais l'existant préfère s'attacher, tout d'abord, à des formes de connaissance moins exigeantes. Il peut notamment choisir la connaissance empirique (scientifique et positive) en s'identifiant au sujet transcendantal en vigueur, avec ses maîtres et ses modèles socialement établis, dans le but de "produire" (non de créer) et surtout de "capitaliser" des connaissances utiles. Cette connaissance exclut toute relation à l'Autre comme tel, toute épreuve de la finitude radicale, et ne permet pas de créer l'oeuvre-chose dans son unité ; le travail de l'individu est toujours sacrifié à des fins collectives, monnayables, capitalisables. A contraire s'il accepte l'existence, et avec elle le principe d'une connaissance vraie, absolue, le sujet doit d'abord supposer cette connaissance à l'Autre absolu, et que cet Autre donne toutes les conditions à tout Autre pour y accéder à son tour. Mais, à cause de la finitude, il faut supposer également l'intervention en personne de cet Autre, par la médiation de son Fils incarné (c'est toujours d'un fils dont est attendue l'accès à la connaissance et au-delà la rédemption, ce fils initialement rejeté du microcosme sexuel parental - la fameuse "scène primitive") ; c'est pourquoi le Fils de l'Homme ne saurait être, d'abord et en même temps, que le Fils de Dieu. La connaissance vraie revêt donc, inévitablement, une portée messianique, puisqu'elle doit préparer, par l'instauration d'un monde juste, le retour du Messie.


"La connaissance est enfin, dans son principe subjectif, individu. Car l’existant peut bien en venir à affirmer ou à supposer une chose vraie et existante comme ce qui est à connaître, et cela en l’Autre absolu et en tout existant, une chose qui assumerait la finitude radicale, et une chose qu’il devrait devenir lui-même en tant que connaissant. Mais il se laisse d’abord prendre, c’est ce qu’on vient de voir, par le monde ordinaire et son fond sacrificiel. Ce qu’il lui faut, pour poser objectivement cette chose et, par là, donner toute sa vérité à la connaissance, c’est s’arracher à ce monde, c’est-à-dire s’arracher aux maîtres et modèles qu’il y trouve, auxquels il veut s’identifier, et qui le détournent de l’épreuve pure de la finitude. Ce qu’il lui faut, c’est ne vouloir d’identité que dans son unicité, et à partir de l’épreuve qui y est faite de cette finitude. C’est donc se vouloir individu. Individu qui est celui qui veut connaître et qui connaît, quand l’identité est l’acte et le fait de la connaissance, et que la chose est, elle, ce qui est à connaître, et ce dans quoi s’accomplit la connaissance."
JURANVILLE, 2007, EVENEMENT 

CONNAISSANCE, Existence, Sens, Inconscient

La connaissance porte sur le particulier externe, même si elle en tire de l'universel, et elle est toujours oeuvre particulière, certes tournée vers l'universel. Affirmer l'existence, c'est donc toujours viser une connaissance particulière, mais aussi essentielle. En effet en posant l'extériorité de l'Autre absolu, aussi bien que son identité, l'existant suppose sa propre extériorité séparée et la possibilité de l'exposer dans son oeuvre propre, ayant alors valeur de connaissance. Mais la pensée de l'existence juge d'abord inconciliables l'existence, vécue authentiquement, et l'extériorité objective de la connaissance, sans se rendre compte que l'existence soi-disant authentique n'est alors que le reflet idéaliste et donc la continuation complaisante du monde social, avec son faux savoir écrasant. C'est en affirmant l'inconscient, en plus de l'existence, que l'on peut éviter le piège de l'idéalisme et parvenir à une connaissance objective. Seule la science de l'inconscient laisse place au non-sens constitutif de l'existence, et lui donne un sens finalement à la (dé)mesure du sens que l'Autre absolu a donné à son Oeuvre. A la condition de s'identifier, dans son oeuvre, à cet Autre absolu, l'oeuvre peut délivrer un sens qui soit connaissance essentielle et universelle.


"Connaître est certes répéter en soi ce qu’il en est de ce qui est à connaître, mais de telle sorte qu’on ne le ramène pas à soi, et que bien plutôt on le recrée en le laissant à toute son extériorité. Le décisif dans la connaissance est le particulier, à partir duquel l’universel doit réadvenir imprévisiblement. C’est ce que note Adorno : « La connaissance vise le particulier, non l’universel. » D’où ceci que ce qu’on connaît est toujours l’unique. Unicité d’une part de celui ou de ce qui est à connaître, et qui est toujours à connaître comme œuvre, et d’autre part de celui qui connaît, et qui connaît toujours en faisant œuvre à son tour, trait par trait.
En quoi affirmer l’existence, est-ce supposer une connaissance essentielle ? Affirmer l’existence, c’est supposer d’abord l’extériorité de l’Autre absolu qui, surgissant en dehors de l’existant, lui fait éprouver sa finitude radicale. Mais c’est supposer ensuite l’extériorité de l’existant qui reçoit de cet Autre toutes les conditions pour accéder, à partir de la finitude, à son identité vraie de séparé– jusqu’à poser comme telle cette identité dans son œuvre, comme l’Autre absolu le fait toujours d’abord. C’est supposer donc l’extériorité et qu’elle soit reconstituée par l’existant, supposer l’extériorité et en même temps la vérité de cette extériorité, supposer la connaissance. La même connaissance, de l’œuvre par l’œuvre, pouvant, pour l’existant, advenir dans la relation, non seulement à l’Autre absolu, mais à l’autre existant qui, lui aussi, a reçu, comme tout existant, les mêmes conditions pour aller jusqu’à l’œuvre."
JURANVILLE, 2007, EVENEMENT 

CHOSE, Oeuvre, Commerce, Connaissance

La Chose (réalité de l'unité), considérée dans sa vérité, entre dans la définition de l'oeuvre en laquelle la connaissance s'accomplit, au-delà de la seule expérience. Mais pour accomplir cette Chose qu'est l'oeuvre, encore faut-il en saisir l'occasion, au-delà du simple intérêt, et c'est le commerce qui offre une telle occasion : il s'agit pour l'existant, appelé à devenir Chose lui-même, de s'établir dans le commerce (puis le marché) des choses existantes. Le commerce en effet consiste à s'offrir à l'échange, suscitant ainsi la demande. Même si le commerce primordial reste le commerce charnel (par lequel un homme, est-il dit dans la Bible, "connait" une femme), certes appelé à être dépassé dans la distance et dans l'esprit, il permet d'accepter et de vouloir la proximité de l'Autre comme Prochain. Ainsi se noue le commerce d'amour, naissant dans la grâce, se poursuivant dans l'élection (où l'on communique à son tour sa grâce).


"Cette chose vraie ou œuvre, l’existant ne peut s’y rapporter, et la saisir comme occasion pour son œuvre propre, pour la connaissance, que s’il se veut lui-même une telle chose vraie. Et donc s’il s’arrache à son rencoignement initial de chose fausse, close sur soi, mélancolique, et s’il s’établit en relation avec cette chose vraie qui est occasion. Ce qui caractérise le commerce. De même que l’intérêt montre qu’on a saisi l’occasion, de même le commerce est ce qui fournit, qui offre des occasions à saisir. De même que la connaissance dans son acte, l’identité, ne peut aller jusqu’au bout d’elle-même que dirigée par l’intérêt – et si l’existant s’est intéressé à l’Autre qui toujours déjà s’intéresse à lui et duquel vient l’identité –, de même la connaissance dans ce par quoi elle s’accomplit, la chose, ne peut aller jusqu’au bout d’elle-même que déployée par le commerce – et si l’existant s’est établi dans le commerce des choses existantes et s’y est fait lui-même chose."
JURANVILLE, 2007, EVENEMENT

BONHEUR, Sujet, Finitude, Connaissance

L'existant ne peut rencontrer le vrai bonheur (au-delà du seul bonheur sexuel) qu'en allant jusqu'au bout de la connaissance, c'est-à-dire jusqu'à l'objectivité absolue. Cela implique d'assumer toute la finitude, son être d'objet pour l'Autre, y compris la finitude (radicale) se fuyant dans la sexualité. Mais assumer celle-ci, la revouloir, s'y engager notamment dans l'oeuvre, signifie devenir sujet, et c'est en tant que sujet qu'il éprouve le bonheur (dans l'éternité de la connaissance) de même que c'est en tant qu'objet qu'il éprouve le plaisir (dans l'instantanéité de l'expérience).


"Si l’existant, toujours d’abord, se détourne de la véritable connaissance absolue, c’est parce qu’il refuse d’assumer jusqu’au bout son effondrement comme sujet dans la rencontre de l’Autre, son être d’objet pour l’Autre, bref, sa finitude radicale... Si, au contraire, l’existant peut aller jusqu’au bout de la connaissance, c’est pour autant qu’il s’engage à assumer toute la finitude, qu’il s’en fait absolument le sujet, qu’il se veut absolument sujet, recevant de l’Autre toutes les conditions pour parvenir, à partir de la finitude, à l’objectivité absolue. Ainsi, de même que c’est comme objet que l’existant éprouve le plaisir, qu’il l’éprouve à l’expérience, en accueillant l’instant, de même c’est comme sujet qu’il éprouve le bonheur, qu’il l’éprouve à la connaissance, en entrant dans l’éternité."
JURANVILLE, ALTER, 2000

CONNAISSANCE, Bonheur, Autre, Objectivité

De supposer l'éternité en l'Autre, et la désirer pour soi, ne mène au bonheur que par la voie de la connaissance. Encore faut-il - contrairement à l'attitude métaphysique qui s'y refuse - s'affronter à la finitude et poser l'objectivité du savoir contenu dans l'oeuvre pour le transformer en connaissance. La connaissance, distincte de l’expérience (vérité de l’identité) et du savoir (vérité de l’intériorité), est définie comme la vérité de l’extériorité. Elle repose sur la reconnaissance de l’Autre comme porteur initial de l’identité, permettant au sujet de se définir lui-même en relation avec cet Autre, et de se faire Autre à son tour. Ainsi, la connaissance devient la source du bonheur, par opposition au plaisir lié à l’expérience.


"L’expérience, on l’a vu, est vérité de l’identité, identité constituée comme objective, pour tout Autre, à partir de la différence qui surgit (l’instant). Du savoir nous dirons qu’il est vérité de l’intériorité. La connaissance, elle, est vérité de l’extériorité. Elle pose l’identité comme toujours d’abord présente en l’Autre, toujours d’abord celle de l’Autre, à l’extérieur, et comme devant, à partir de cet Autre, devenir celle du sujet qui, à la fois, pourra poser l’Autre comme extérieur à lui et lui-même comme extérieur à l’Autre – l’un et l’autre ayant, dans cette relation qui se retourne, leur identité et consistance et autonomie vraie."
JURANVILLE, ALTER, 2000