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CULPABILITE, Choix, Finitude, Moi, KIERKEGAARD

Kierkegaard met en avant l'ineffaçable culpabilité du sujet : quand bien même celui-ci aurait fait le choix essentiel, appelé en ceci par l'Autre absolu, il lui serait impossible de proclamer un quelconque accomplissement objectif du choix, le libérant de la culpabilité - cela reviendrait simplement à nier la finitude. "Même au moment où la tâche est assignée, il y a déjà du temps perdu", écrit Kierkegaard : il faut partir d'un tel "devenir-coupable" pour réaliser que le seul choix authentique devant l'existence, le seul choix personnel, est précisément le choix de la culpabilité ("ce n’est qu’en me choisissant comme coupable que je me choisis moi-même"). Position que le métaphysicien ne saurait seulement entendre, lui qui ramène la finitude à une faiblesse temporaire, lui qui suppose une culpabilité (devant le savoir, ou devant l'idéal) seulement chez le disciple, nullement de la part du maître. Par ailleurs il ne suffit pas de critiquer la fausse culpabilité, celle du ressentiment, pour accéder à l'autonomie de l'existence, comme le voudrait Nietzsche - lequel se laisse entrainer à une nouvelle dissimulation de la culpabilité, et à une tentation sacrificielle. Freud, de son côté, a bien vu une culpabilité inéliminable liée à l'amour (universel) pour le père, mais seulement par ses effets indésirables : agressivité, névrose, etc., comme s'il était possible, pour un moi "théoriquement" sain, de les évacuer (rien d'autre que l'idéal scientiste). La clairvoyance de Nietzsche comme de Freud aura été de montrer que toute culpabilité fausse cherche à se dissimuler, à dériver vers des pratiques sacrificielles douteuses ; leur aveuglement aura été de nier à leur tour la culpabilité vraie, constitutive, celle que cherchent précisément à dissimuler les formes inessentielles et dérivées de culpabilité.


"Car qu’est-ce qui permet cette dissimulation ? Nietzsche l’a montré, et Freud l’a redit après lui : le monde social, le fait que plusieurs ont la même culpabilité (fausse) et qu’ils s’en défont sur la victime du sacrifice. Tant que n’est pas dénoncé, dans un monde social nouveau, le jeu de la culpabilité ordinaire (fausse), tant que la culpabilité constitutive n’est pas reconnue socialement, la dissimulation de la culpabilité se maintient.
JURANVILLE, 2000, ALTER"

CRITIQUE, Fondation, Philosophie, Certitude

Pour éviter d'être vaine et de s'assimiler à un refus de tout savoir, pour accomplir la vocation politique de la philosophie, la critique (qui est, rappelons-le, négation et savoir) ne saurait être immédiate ; elle présuppose la question comme ce qui accomplit la vocation éthique de la philosophie. Mais c'est bien la politique qui, finalement, justifie l'éthique, et en constitue l'aboutissement. Grâce à la critique, la philosophie est doublement fondatrice. D'abord, du côté de l'objet, elle permet de fonder l'objectivité vraie face à l'objectivité ordinaire, laquelle tend toujours à s'absoluiser faussement : elle le fait par la puissance spéculative et créatrice (métaphorique) du concept. Ensuite, du côté du sujet, elle permet à la subjectivité de se fonder elle-même sur la certitude, comme fondatrice du savoir et de l'objectivité du savoir. Mais ce principe fondateur subjectif implique la reconnaissance de la finitude radicale - par le moi s'identifiant à l'Autre absolu et assumant l'élection, donc pas seulement en tant qu'individu.


"C’est ainsi par le moi que se déploie subjectivement la critique. Moi qui a fait, comme individu, dans la position d’exclu de la « scène primitive », sous la menace du sacrifice, l’épreuve de la finitude radicale. Moi qui est entré, comme individu, dans le travail de l’œuvre et de la question – car, s’il s’engage dans cette épreuve en tant que moi, c’est en tant qu’individu qu’il la fait. Mais moi qui, par la critique, vise expressément (c’est son élection de moi, au-delà de la grâce de l’individu, de même que l’élection du concept va au-delà de la grâce de l’être) à instituer le monde juste où chacun pourra devenir individu – et moi."
JURANVILLE, 2000, JEU

INDIVIDU, Oeuvre, Histoire, Moi

Par essence toujours tournée vers l'Autre, la finalité ultime de l'oeuvre est de contribuer à cette oeuvre de toutes les oeuvres qu'est l'histoire (faute de quoi elle se fossilise en masque, fétiche), en tant qu'elle doit déboucher sur une société juste garantissant la liberté d'oeuvrer pour chacun. Cette contribution est l'oeuvre de chacun parvenu à ce stade accompli (et autonome) de l'individu qu'est le moi.

"L’œuvre est enfin l’essentiel de l’œuvre. Car l’œuvre est certes tout entière tournée vers l’Autre comme tel ; elle est certes, pour l’existant, ce qui le fait se désapproprier de ses identités et propriétés ordinaires. Mais, parce qu’elle lui fait traverser, douloureusement, sa passion propre, elle est aussi, pour lui comme individu, ce qu’il a de plus propre, sa propriété vraie par excellence. Or, parce que tous, par finitude, n’effectueront pas cette traversée de la passion, l’œuvre, à la fois, donne, à celui qui l’a produite, un droit et un pouvoir et, en même temps, elle se transforme, socialement, en œuvre fausse, fétiche, masque fascinant et terrifiant, lettre qui tue et ne vivifie plus. Il faut donc que l’existant, pour son œuvre propre, vise toujours aussi, à travers cette œuvre, l’œuvre des œuvres humaines qu’est l’histoire et, dans l’histoire, la société juste sur quoi celle-ci débouche. Société juste comme société de droit où chacun sera mis en position de créer son œuvre propre (là est le sens du droit), sa propriété essentielle – sans être voué à se soumettre aux propriétés et aux pouvoirs de certains. Société juste où toutes les œuvres auront leur reconnaissance. Pareille œuvre de l’histoire – avec, en elle, la société juste –, c’est alors non plus simplement comme individu, mais comme moi, que l’existant la produit."
JURANVILLE, 2007, EVENEMENT