On trouve chez Descartes trois preuves de l'existence de Dieu. La première est la preuve ontologique : imaginaire, ou circulaire, elle présuppose cela même qu'elle cherche à établir, soit la consistance du savoir. La second est la preuve par l'idée d'infini : celle-ci s'avère plus radicale car elle doit franchir le cap du doute hyperbolique et l'hypothèse de la folie. Elle se situe au plan symbolique : quoi qu'il arrive, l'homme pense, et parmi ses idées (le système du symbolique pour Lacan) se trouve l'idée d'infini (le Nom-du-Père qui relie le symbolique au réel). Mais la seule qui puisse établir la consistance de Dieu en dehors de la relation à l'homme est la preuve par la "cause de soi". Pour Juranville elle se situe au niveau de la consistance du signifiant pur, qui implique un temps réel. S'agissant d'expliquer comment la substance humaine finie peut perdurer dans l'être, il n'est besoin que d'invoquer le concours de la substance divine infinie, mais encore faut-il supposer que celle-ci soit pleinement cause d'elle-même, et c'est bien ce que fait Descartes, ne confondant nullement à ce stade la cause avec la raison et ses enchaînements. Comme avec le cogito, au plan humain, il y a rupture avec la temporalité mondaine.
DIEU, Cause, Temps, Preuve, DESCARTES
CAUSE, Identité, Oubli, Loi
L'identité avec l'existence définit la cause, laquelle fait acte de la loi pour le sujet. Cette loi, le sujet s'en saisit pour reconstituer peu à peu une nécessité à travers l'oeuvre - mais toujours d'abord le fini refuse pareille cause remettant "en cause" son identité immédiate et l'appelant à devenir cause lui-même. D'abord, par la grâce, la cause se donne comme objet fini (agissant comme cause matérielle), lequel est censé se faire oublier comme tel - mais l'existant refuse d'oublier l'objet, le fausse et l'absolutise, refoulant de ce fait la cause elle-même (comme dans la science). Ensuite, par l'élection reçue de l'Autre, la cause se donne comme sujet (agissant comme cause formelle), lequel peine à s'oublier comme substance, en tout cas comme conscience faussement souveraine (comme souvent en philosophie). Puis, par la foi, la cause se donne comme Autre (agissant comme cause finale), pour permettre à l'existant d'affronter la finitude et d'accepter l'oubli essentiel, afin de devenir Autre à son tour - mais le fini fausse cet Autre, lui attribuant une puissance sans finitude (quand la religion vire à la superstition). Enfin, par le don, la cause se donne comme Chose (agissant comme cause efficiente), Chose créatrice ouverte sur son Autre, ce que doit devenir à son tour le sujet existant par l'accomplissement de l'oeuvre.
BIEN, Absolu, Mélancolie, Cause, LEVINAS
Le Bien est la vérité de l'absolu, l'absolu en tant qu'il doit être vérifié, donc d'une certaine manière atteint et recherché dans une transcendance, au-delà de ce qui est immédiatement présent au sujet. D'où la notion du devoir, qui impose de déterminer le Bien (dans le savoir) et le réaliser (dans l'oeuvre) ; mais aussi celle de la mélancolie qui accompagne le désir d'atteindre, si difficilement, le Bien. La tradition métaphysique détermine le Bien a priori, le présupposant à partir de l'essence (même si elle le situe au-delà, comme Platon) ; tandis que la pensée de l'existence le détermine justement comme ex-sistant, niant toute possibilité de le poser dans le savoir ou de l'identifier au savoir. Ainsi Levinas pointant le Bien dans l'Infiniment Autre (Dieu ou Prochain), mais critiquant la preuve cartésienne de Dieu par l'idée d'infini, refusant au fond l'idée même d'une "cause" divine du Bien - seul le mal, comme radical, à la suite de Kant, apparaît ainsi comme intelligible. Or refuser que la cause puisse être créatrice et imprévisible (ek-sistante), la rabattre sur une cause substantielle, n'est-ce pas la contradiction et l'impasse même faisant le lit ordinaire de la mélancolie, et acter l'impossibilité d'une détermination socialement effective du Bien ?