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DIEU, Cause, Temps, Preuve, DESCARTES

On trouve chez Descartes trois preuves de l'existence de Dieu. La première est la preuve ontologique : imaginaire, ou circulaire, elle présuppose cela même qu'elle cherche à établir, soit la consistance du savoir. La second est la preuve par l'idée d'infini : celle-ci s'avère plus radicale car elle doit franchir le cap du doute hyperbolique et l'hypothèse de la folie. Elle se situe au plan symbolique : quoi qu'il arrive, l'homme pense, et parmi ses idées (le système du symbolique pour Lacan) se trouve l'idée d'infini (le Nom-du-Père qui relie le symbolique au réel). Mais la seule qui puisse établir la consistance de Dieu en dehors de la relation à l'homme est la preuve par la "cause de soi".  Pour Juranville elle se situe au niveau de la consistance du signifiant pur, qui implique un temps réel. S'agissant d'expliquer comment la substance humaine finie peut perdurer dans l'être, il n'est besoin que d'invoquer le concours de la substance divine infinie, mais encore faut-il supposer que celle-ci soit pleinement cause d'elle-même, et c'est bien ce que fait Descartes, ne confondant nullement à ce stade la cause avec la raison et ses enchaînements. Comme avec le cogito, au plan humain, il y a rupture avec la temporalité mondaine.


"1) En maintenant l’idée d’une substance en l’homme, Descartes dit ce que dit aussi la théorie du signifiant – il y a en l’homme même une vérité totale du signifiant pur, qui en tant que telle se produit elle-même, qui est d’une certaine façon cause de soi (ce qu’on retrouvera dans la liberté, comme chez Descartes), même s’il faut la vérité totale infinie en Dieu, pleinement cause de soi , pour que la substance finie soit créée et conservée. 2) Il faut souligner que « cause de soi » n’implique nullement le Dieu de la métaphysique. Heidegger dit au contraire : « Comment Dieu entre-t-il dans la philosophie ?… L’être de l’étant, au sens de fond, ne peut être conçu, si l’on veut aller au fond, que comme causa sui . C’est là nommer le concept métaphysique de Dieu ». Mais la confusion de la cause et de la raison, certaine pour Spinoza qui ouvre l’ Éthique en affirmant : « Par cause de soi, j’entends ce dont l’essence enveloppe l’existence », n’est pas absolument vraie pour Descartes, malgré des formules comme causa sive ratio. Cause n’est pas fondement ou raison, la cause suppose un temps réel qui rompt avec le monde (cf. ce que dit Lacan que l’inconscient est de l’ordre de la cause). Or toute la problématique de Descartes est supportée par l’idée de la discontinuité du temps et de l’instant. La certitude du « Je suis, j’existe » est ponctuelle."
JURANVILLE, LPH, 1984

CAUSE, Identité, Oubli, Loi

L'identité avec l'existence définit la cause, laquelle fait acte de la loi pour le sujet. Cette loi, le sujet s'en saisit pour reconstituer peu à peu une nécessité à travers l'oeuvre - mais toujours d'abord le fini refuse pareille cause remettant "en cause" son identité immédiate et l'appelant à devenir cause lui-même. D'abord, par la grâce, la cause se donne comme objet fini (agissant comme cause matérielle), lequel est censé se faire oublier comme tel - mais l'existant refuse d'oublier l'objet, le fausse et l'absolutise, refoulant de ce fait la cause elle-même (comme dans la science). Ensuite, par l'élection reçue de l'Autre, la cause se donne comme sujet (agissant comme cause formelle), lequel peine à s'oublier comme substance, en tout cas comme conscience faussement souveraine (comme souvent en philosophie). Puis, par la foi, la cause se donne comme Autre (agissant comme cause finale), pour permettre à l'existant d'affronter la finitude et d'accepter l'oubli essentiel, afin de devenir Autre à son tour - mais le fini fausse cet Autre, lui attribuant une puissance sans finitude (quand la religion vire à la superstition). Enfin, par le don, la cause se donne comme Chose (agissant comme cause efficiente), Chose créatrice ouverte sur son Autre, ce que doit devenir à son tour le sujet existant par l'accomplissement de l'oeuvre.


"Accordons-le à la pensée de l’existence, le sujet s’arrête d’abord à une conception fausse de la cause. Car il rejette la cause vraie qui, l’appelant à devenir lui-même cause vraie, créatrice, lui ferait éprouver sa finitude. De la cause il n’accepte alors que ce qui ne met en rien « en cause » son identité immédiate à lui, le monde où se déploie cette identité, la signification et le savoir caractéristiques de ce monde. Une cause qui certes ordonne, comme principe, l’objectivité, et qui y introduit la nécessité, mais une nécessité formelle, en rien existentielle. Une cause qui certes suppose une succession temporelle, mais dans le cadre du temps imaginaire – de sorte que cette sorte de cause peut être supprimée, comme dans la science positive, au profit de la loi abstraite. Au fond de cette conception courante règne cependant, parce que le sujet reste radicalement fini, une cause toute-puissante qu’il ne maîtrise plus par son savoir. Cause comme l’Autre absolu, non plus le vrai, mais le faux qu’il s’est inventé, et qui lui aurait fait subir le « traumatisme de la finitude ». Mais la pensée de l’existence, en refusant toute position, dans un savoir nouveau, de la cause vraie, ne rejoint-elle pas en fait cette conception courante ? Pourtant elle suppose elle-même, par cela seul qu’elle affirme la finitude radicale et l’Autre absolu, une telle cause vraie et créatrice."
JURANVILLE, 2000, JEU

BIEN, Absolu, Mélancolie, Cause, LEVINAS

Le Bien est la vérité de l'absolu, l'absolu en tant qu'il doit être vérifié, donc d'une certaine manière atteint et recherché dans une transcendance, au-delà de ce qui est immédiatement présent au sujet. D'où la notion du devoir, qui impose de déterminer le Bien (dans le savoir) et le réaliser (dans l'oeuvre) ; mais aussi celle de la mélancolie qui accompagne le désir d'atteindre, si difficilement, le Bien. La tradition métaphysique détermine le Bien a priori, le présupposant à partir de l'essence (même si elle le situe au-delà, comme Platon) ; tandis que la pensée de l'existence le détermine justement comme ex-sistant, niant toute possibilité de le poser dans le savoir ou de l'identifier au savoir. Ainsi Levinas pointant le Bien dans l'Infiniment Autre (Dieu ou Prochain), mais critiquant la preuve cartésienne de Dieu par l'idée d'infini, refusant au fond l'idée même d'une "cause" divine du Bien - seul le mal, comme radical, à la suite de Kant, apparaît ainsi comme intelligible. Or refuser que la cause puisse être créatrice et imprévisible (ek-sistante), la rabattre sur une cause substantielle, n'est-ce pas la contradiction et l'impasse même faisant le lit ordinaire de la mélancolie, et acter l'impossibilité d'une détermination socialement effective du Bien ?


"Qu’est-ce qui fait apparaître au sujet fini qu’il peut et doit, ayant reconnu l’absolu vrai qui a surgi, le reconstituer dans son immédiateté, par l’œuvre et le savoir ? Ce même absolu comme le bien. C’est le bien qui est la cause de la mélancolie, et ce qui agit par l’évidence. Car le bien est le transcendant, au-delà de ce qui est d’emblée présent dans l’immédiateté du sujet, et donc dans le monde et le savoir communs. Mais il ne serait pas le bien, il serait faux bien, nullement transcendant, s’il n’apparaissait pas comme tel au sujet. Si le sujet, dans son immédiateté, ne devait pas (c’est le bien comme devoir) déterminer ce bien et le réaliser. Et si le sujet ne devait pas, de plus, supposer qu’il a reçu toutes les conditions (sinon, le devoir n’aurait pas de sens) pour le déterminer (dans le savoir) et le réaliser (dans les œuvres en général). Le bien est ainsi absolu et, en même temps, vérité. Vérité de l’absolu. L’absolu en tant qu’il doit être vérifié."
JURANVILLE, 2000, ALTERITE