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METAPHORE, Signifiance, Finitude, Signification

En soi, le langage est signifiance produisant la signification. Mais, du point de vue de l'existence, du fait de la finitude, la signifiance est toujours perdue, refusée ; et c'est justement l'efficience de la métaphore, en tant qu'elle est à la fois sens et non sens, donc épreuve de la finitude, de réactiver la signifiance. Formellement, elle consiste à substituer un signifiant à un autre signifiant, mais avec cet effet d'accentuation caractéristique qui confère au second terme une signifiance nouvelle et pleine. Après le travail de substitution et d'accentuation, le processus métaphorique s'achève sur une identification, le nom ayant retrouvé sa puissance créatrice de verbe, et la signification peut enfin être produire. (Si toutes les langues peuvent produire et déployer la signification essentielle, comme la visée commune de l'humanité, c'est justement au moyen - et seulement par ce moyen - de la métaphore.)

"Dans le cadre de l’affirmation non seulement de l’existence, mais, en plus, de l’inconscient, nous aussi, comme Rosenzweig, Heidegger et Benjamin, proclamons le caractère essentiel de la langue. Mais en le posant comme tel, dans la métaphore. Et nous conclurons sur la justification possible, par le savoir philosophique, d’une fin de l’histoire, toutes les langues ayant libéré en elles le pouvoir de déployer la signification essentielle et de la poser comme telle dans le savoir. Car le langage est, en soi, signifiance produisant une signification. Mais le propre de la finitude de l’humain, c’est que cette signifiance est toujours d’abord perdue et qu’elle ne peut revenir comme vraie que si l’on part de la non-signifiance. De là le fait que le principe réel (c’est-à-dire tenant compte de la finitude) soit pour le pur langage la métaphore (qui est non-signifiance et signifiance). Benjamin avait dit du pur langage que son « essence la plus intime » est le nom et qu’il est à la fois « ce qui crée et ce qui achève, verbe et nom. » La métaphore justement permet d’éclairer ce propos. Tous les éléments du langage peuvent être considérés comme des noms, avait dit saint Augustin dans "Le maître". C’est vrai « au repos », et quand il n’y a pas d’acte véritable de langage. Mais, lors d’un tel acte, primordialement lors d’une métaphore, le nom retrouve la puissance de verbe qu’il avait perdue et redevient nom véritable, créateur."
JURANVILLE, 2017, HUCM

METAPHORE, Signifiance, Mythe, Nom-du-Père, LACAN

Parce que dans son principe elle conjoint signifiance et non-signifiance, la métaphore représente la possibilité la plus générale de résoudre une contradiction. En insufflant une altérité essentielle. Par exemple la métaphore du Nom-du-Père, inventée par la mère, permet à l'enfant de réorienter son désir en l'articulant à la loi du père, le père symbolique devenant signifiant, effaçant la loi de la mère. Chaque histoire gagne ainsi en objectivité, chaque mythe individuel peut se déployer et prendre sens, grâce aux métaphores qui sont appelées à être recrées, jusqu'à la constitution finale, quaternaire, de l'oeuvre.

"La métaphore est ainsi l’altérité absolue du mythe et son essence. Ce qui, le créant et le recréant, lui donne sa structure fondamentale quaternaire. La pensée qui n’affirme que l’existence ne lui donne guère de place : pour Heidegger, qui ne l’envisage que comme figure évoquant l’intelligible en nommant le sensible, « la métaphore n’existe qu’à l’intérieur des frontières de la métaphysique ». Déjà certes Lévinas lui accorde une place majeure (dans la « signifiance-de-l’un-pour-l’autre »). Mais c’est la pensée de l’inconscient, nommément Lacan, qui la reconnaît comme principe, notamment à travers la métaphore existentiellement originelle qu’est la métaphore du Nom-du-Père, « soit la métaphore qui substitue ce Nom à la place premièrement symbolisée par l’opération de l’absence de la mère » (E, 557). La mère produit par une création cette métaphore : aux yeux de l’enfant, elle s’efface comme l’objet absolu, absolument signifiant qu’elle a été, et pose comme dorénavant suprêmement signifiant le père, non pas le père réel, mais le Nom du père, le père symbolique. Ce qui pourrait être interprété par l’analogie : la mère serait d’abord pour l’enfant ce que le père symbolique serait pour le père réel. Mais ce qui peut se comprendre dans la perspective de la création : la mère aurait créé cette métaphore ; le père réel et l’enfant à leur tour, pour être à la hauteur de leur nom, auraient à la recréer. Là serait ce à partir de quoi le mythe est déployé."
JURANVILLE, 2017, HUCM

METAPHORE, Identité, Signifiance, Nom, LEVINAS

La métaphore promeut la signifiance d'un terme substitué à un autre (renvoyé provisoirement à la non-signifiance), dont il est maintenant l'Autre vrai, porteur d'une nouvelle identité. Levinas évoque un tel effacement du sujet devant Autrui dont il est responsable : ce n'est rien d'autre qu'une substitution signifiante (métaphore) d'Autrui à moi et une identification de moi à Autrui, mais bien au niveau du dire (signifiance au sens plein - c'est pourquoi il y a obligation, éthique) et non à celui du dit (simple renvoi réciproque, égalitaire, non éthique). Or le premier terme (ou sujet) subissant la substitution ne disparait pas, il est amené à se reconstituer au contraire (après avoir subi jusqu'au bout l'épreuve du non-sens et de la contradiction) par la grâce de cet Autre qui, après l'avoir changé, lui dispense les conditions pour se signifier à nouveau lui-même, c'est-à-dire finalement retrouver la puissance créatrice du nom au moyen de nouvelles métaphores.

"Pourquoi donner une place absolument décisive à la métaphore dans un ouvrage intitulé: Philosophie et langage ? Parce que l’existant a été infidèle (c’est son péché originel, dit Benjamin) à la puissance créatrice du nom; parce que pèse dorénavant sur lui l’exigence de la restaurer effectivement, de reconstituer comme nouvelle l’identité et consistance originelle ; et parce que cette identité pourra alors être principe du savoir philosophique. Or la métaphore permet une telle restauration et reconstitution. Car elle est substitution d’un terme (nom) posé comme pleinement signifiant, lieu d’identité et consistance pleine, à un autre effacé au contraire, renvoyé dans la non-signifiance – le terme effacé ayant à faire jusqu’au bout l’épreuve de sa non-signifiance, jusqu’à se reconstituer comme pleinement signifiant lui aussi. Car l’identité supposée du terme qui subit la substitution est effacée, vidée, réduite à néant par rapport au terme qui lui est substitué et qui est en position d’Autre vrai, lieu par excellence de la vérité, de la signifiance, de l’identité et consistance : la générosité de Booz, trop humain, n’est rien par rapport à celle de la gerbe mythique qui se déploie et s’offre sans réserve... La métaphore peut donc être présentée comme conduisant à l’élaboration d’une identité nouvelle, par identification à l’Autre."
JURANVILLE, 2024, PL

ABANDON, Finitude, Parole, Signifiance

L'abandon se définit comme vérité de la finitude, assentiment donné à cette finitude que l'on éprouve dans la relation à l'Autre, dans l'idée que l'Autre donnera aussi vérité à la finitude en s'abandonnant à son tour, jusqu'à ce que tout homme finisse pas reconnaitre cette finitude principalement dans le savoir. Or accueillir la finitude et s'abandonner dans le savoir revient à accueillir la signifiance, la vérité de la signifiance c'est-à-dire la parole - parole qui est ce que l'on donne, donc l'acte même de l'abandon, à tout Autre, jusqu'à la constitution d'un savoir rationnel pour tous.

"Parce que l’abandon n’est pas simplement finitude, mais vérité de la finitude, celle-ci devant apparaître bonne et essentielle aux yeux de tous, accueillir l’abandon essentiel, c’est accueillir la vérité de la signifiance, celle-ci devant, elle aussi, apparaître essentielle aux yeux de tous ; c’est donc accueillir la parole. Parole qui, comme vérité et en même temps signifiance, est ainsi l’acte de l’abandon, l’acte par lequel celui qui s’abandonne se tourne vers son Autre dont il attend le même abandon – et la même parole. L’abandon étant ce par quoi on veut le jeu, et s’engage à l’instituer ou le réinstituer comme nouveau, la parole est alors l’objectivité même de la puissance créatrice, en l’Autre absolument Autre et, à partir de là, dans le fini... Et principe créateur, par lequel on s’engage à assumer toute la finitude et à répondre à toutes les objections. De là le poids d’une vraie parole, par exemple quand on « donne sa parole » – et tous n’ont pas de « parole », ne sont pas capables de « donner leur parole ». Et signifiance supposée venir en l’Autre. Pas de parole qui ne vise la parole de l’Autre, qui n’appelle à parler."
JURANVILLE, 2000, JEU