DISCOURS DU CLERC, Autonomie, Philosophie, Autre

Le discours du clerc est celui qui, au nom de la vérité, prétend à l'autonomie grâce au savoir, et qui affirme la capacité de chacun à reconstituer ce savoir. Cette autonomie était déjà l'héritage réservé aux prêtres lévites (Deutétonome), et c'était aussi l'ambition première de la philosophie, de sorte qu'il devrait s'appeler "discours philosophico-clérical". Il consiste en une identification sociale, non plus à l’objet (discours empirico-populaire), ni au sujet (discours métaphysico-magistral), mais à l’Autre absolu, puisqu'il vise, en tant que philosophique, à atteindre le savoir de l'existence, soit un savoir qui résulte d'une confrontation avec les contradictions de l'existence. Il correspond au discours universitaire de Lacan, mais cette fois clairement dégagé dans sa dimension historique pleine, comme structure historiale. A ce titre, le discours du clerc se manifeste (c'est son phénomène) comme révolution ; structurellement il est identification - on l'a dit - à l'altérité ; enfin par essence ou en lui-même (c'est son principe subjectif), il est rédemption.

"Des Lévites, le Deutéronome dit ainsi : « Les prêtres lévites, toute la tribu de Lévi, n’auront point de part ni d’héritage avec Israël ; ils vivront des mets offerts à Yahvé et de son patrimoine. Cette tribu n’aura pas d’héritage au milieu de leurs frères ; c’est Yahvé qui sera son héritage, ainsi qu’il le lui a dit. » Position générale qui se distingue et de la position de l’ensemble du peuple et de la position du maître qui possède les richesses et fait travailler. Et l’on peut comprendre que le discours du clerc soit défini comme discours de l’autonomie. Car le discours de l’ensemble du peuple apparaît – dès lors qu’on introduit la question, et donc qu’on se place du point de vue de la philosophie et du savoir vrai qu’elle vise – discours qui, au nom de la finitude, récuse pareille visée. Le discours du maître se présente alors, dans le monde social, comme discours qui a déjà atteint cette visée et qui, au nom de la vérité, ordonne toutes les choses comme elles doivent l’être. Mais le discours du clerc se donne, lui, dans ce monde, comme discours qui, au nom de l’autonomie, dénonce le maître soumettant en fait le peuple à l’ordre de son discours faux, et qui montre dans l’autonomie le principe à partir duquel chacun pourra – c’est son « droit » – réengendrer tout discours comme réellement, et non plus formellement, vrai."
JURANVILLE, 2007, EVENEMENT

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