DISCOURS PSYCHANALYTIQUE, Individu, Sens, Grâce, LACAN

Seul le discours psychanalytique rompt avec l'effet de fascination qu'exerce structurellement l'agent sur celui auquel il s'adresse. En effet d'une part l'analyste pose explicitement sa propre finitude en se faisant objet-déchet, renonçant à incarner la vérité, le sens ou la raison, d'autre part il pose implicitement l'autre comme étant dépositaire d'une vérité, en lui donnant l'occasion de la déployer progressivement dans la parole. Or ce double mouvement, comme le mentionne Lacan, caractérise la grâce. A l'effet de fascination, se substitue du côté de l'analysant l'effet de sens (conquis dans la traversée du non-sens) comme finalité du discours. Car au bout du compte, c'est bien un savoir que reconstitue l'analysant, un savoir qui donne sens à ses symptômes. Enfin, dans une perspective historique, c'est bien un individu autonome au sein d'une société juste que ce discours psychanalytique, articulé rationnellement, et cette fois adossé à la philosophie, tend à promouvoir. (Même si l'on peut penser que ce "discours de l'individu" a toujours été présent, de façon latente, depuis que la société existe, comme la supportant secrètement, puisqu'il est en soi raison et raison reconnue par l'Autre - le discours psychanalytique n'en serait que la version la plus récente.)

"Comment le discours peut-il réellement mettre en question le rapport de fascination que l’existant établit avec un maître quel qu’il soit ? Et comment peut-il se conformer à son essence de discours qui est de s’ouvrir à l’Autre et de chercher son libre accord avec le savoir rationnel qu’il véhicule ? Il faut que celui qui est en position de fasciner pose sa propre finitude – de façon absolument libre, sans en jouir libidinalement comme le fait celui qui tient le discours hystérico-populaire parce qu’il reste fasciné par le maître auquel il adresse vainement son discours de protestation. Et il faut en même temps qu’il pose celui qui est en position d’être fasciné comme ayant déjà la vérité en lui et devant simplement la laisser venir dans sa parole – ce qui impliquera l’épreuve de la finitude, mais n’a pas à être mentionné d’emblée. Ce double mouvement d’effacement ou dé-position de soi, et d’affirmation de la vérité en l’autre devenant Autre vrai, caractérise la grâce."
JURANVILLE, 2024, PL

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