INDIVIDU, Subjectivité, Objectivité, Autre, LACAN

La pensée de l'existence avec Kierkegaard, comme la théorie de l'inconscient avec Lacan, posent la division du sujet en disjoignant temporellement la pensée de l'être ; mais seule la seconde rend possible, pour l'individu, une nouvelle objectivité pour autant que l'Autre lui en donne toutes les conditions : grâce, élection, et foi. En vertu de quoi, de la division du sujet l'on peut repasser à l'indivision, mais cette fois de l'individu, sans quoi aucune rupture de sa part ne serait possible.

"L’individu peut et doit, en tant que subjectivité existante, parvenir à l'objectivité. Car la subjectivité est relation à l’Autre et épreuve, dans cette relation, d’une contradiction à traverser pour devenir pleinement objectif (reconnu)... Mais la relation à l’Autre ne saurait demeurer, aux yeux de qui affirme l’existence, ce qu’elle était pour la pensée moderne, une relation qu’une subjectivité toujours déjà là ouvre pour s’objectiver et se connaître. Aux yeux de qui affirme l’existence, la relation à l’Autre survient imprévisiblement, faisant s’effondrer toute subjectivité déjà là. C’est une telle subjectivité qui commence par l’épreuve de pareil effondrement que vise Lacan quand il déclare : « De naître avec le signifiant, le sujet naît divisé. » Division du sujet qu’il a pu commenter ainsi : « Je pense où je ne suis pas, donc je suis où je ne pense pas. » Où il retrouve Kierkegaard opposant, à la subjectivité moderne, la « subjectivité de l’éthique et de l’existence », celle qui assume que « l’existence sépare la pensée et l’être, les tient distants l’un de l’autre dans la succession »... Certes la subjectivité se caractérise initialement et constitutivement par sa « division ». Certes, dans la relation à l’Autre, elle est, toujours d’abord et chaque fois à nouveau, objet, par quoi elle doit reconnaître et à partir de quoi elle doit éprouver sa finitude radicale (c’est ce que Lacan appelle l’objet « a ») – elle est en cela subjectivité finie, se sachant objet fini. Mais elle peut alors, par l’Autre, passer de sa « division » à une « indivision » d’individu, de monade – et devenir, comme, formellement, chez Hegel, subjectivité absolue menant l’objectivité jusqu’à son terme. Indivision du sujet avant tout par la grâce venue de l’Autre, sans laquelle il ne saurait y avoir d’individu... Mais indivision du sujet aussi par l’élection venue de l’Autre, sans laquelle l’individu ne pourrait pas s’engager à accomplir la rupture. Et par la foi venue de l’Autre, sans laquelle l’individu n’accomplirait pas effectivement, dans l’objectivité, cette rupture."
JURANVILLE, 2010, ICFH

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