A l'exception du discours analytique, qui lui substitue un effet de sens, tout discours exerce un effet de fascination qui se traduit socialement par une aliénation. C'est d'abord vrai pour le discours du maître qui se déploie depuis une signification (S1) renvoyant à une vérité supposément représentée par le sujet lui-même ($), face à laquelle l'autre ne pourra se situer que comme déchet, seulement apte à produire des objets-déchets ou objets pulsionnels. Inversant ce discours du maître le discours analytique se tient depuis l'objet (a) et vise, chez l'autre d'abord identifié à son symptôme ($), à produire peu à peu la signification (S1) qui le concerne vraiment (après avoir, dans un premier temps, rejeté le savoir S2 sur l'analyste "supposé-savoir"). Les deux autres discours confortent plus ou moins le discours du maître en demeurant dans la fascination : le discours de l'hystérique, partant de la souffrance du symptôme ($), s'adresse au maître (S1) pour qu'il le libère de son aliénation en produisant un savoir, mais un savoir dont il ne peut jouir lui-même, coincé qu'il reste dans sa jouissance pulsionnelle. Enfin le discours universitaire se veut volontiers en lutte contre le maître tout en visant la libération de l'autre, l'étudiant, mais c'est l'inverse qui se produit : il arrime sa parole depuis un savoir déjà constitué (S2), lui-même supposé vrai depuis une signification (S1) originaire et surtout imaginaire, et en réduisant son interlocuteur à l'objet-déchet (a) il produit littéralement l'aliénation du sujet ($).
"Ce discours du maître est, pour le discours psychanalytique, son « envers », son retournement terme à terme. Car le psychanalyste tient son discours de la place de l’objet-déchet (le « a »). Et ce à quoi il vise, c’est à la production de la parole vraie (et alors réellement vraie – le « S1 ») par le patient- analysant. Par le patient-analysant qui est arrivé avec sa souffrance, avec son assujettissement vain au symptôme (c’est le « $ »). Et qui va laisser se déposer sur le psychanalyste toutes ses paroles sans vérité (c’est le « S2 »), jusqu’à ce qu’elles puissent se nouer imprévisiblement dans sa propre parole vraie que l’interprétation du psychanalyste aura annoncée, préparée, entamée. Tel est l’« effet de sens » que, selon Lacan, le discours psychanalytique substituerait à l’« effet de fascination » du discours du maître."
JURANVILLE, 2010, ICFH
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