Si la psychanalyse n'est pas une science mais un discours affirmant l'inconscient comme Autre, et même nommément comme "discours de l'Autre", ce discours analytique ne peut se soutenir en dernière instance - dans la perspective de l'existence - que de la foi. L'analyse comporte alors les trois conditions d'une relation authentique à l'existence, consistant à dépasser justement le refus de l’existence (finitude radicale) et d’accéder à l’autonomie réelle : la grâce (par laquelle l'analyste s'efface comme maître de vérité), l'élection (par laquelle l'analysant est désigné comme détenteur d'une vérité), enfin la foi (par laquelle il est possible de tirer parti, pour soi-même et pour les autres, de cette vérité). Enfin si la psychanalyse n'est pas non plus philosophie, elle permet de dépasser l'impuissance caractéristique des philosophies de l'existence, arrêtées au stade la grâce avec Kierkegaard notamment (refusant, au nom de la finitude, d'envisager l'accès au savoir de l'autonomie), ou arrêtées au stade de l'élection avec Levinas et la pensée messianique (refusant, au nom d'un absolutisme de l'altérité, de mettre en oeuvre le savoir pratique de l'autonomie).
"Or ce discours ne passe comme vrai à son Autre que parce qu’il ne pose pas comme tel son savoir et parce qu’il est tenu de la place silencieuse de l’objet sexuel comme déchet. Car le psychanalyste doit, pour faire passer à l’Autre l’affirmation de l’inconscient, reconnaître en acte sa finitude radicale à soi. Ce qui est, à la fois, tenir compte de l’argument kierkegaardien et y passer outre. Et ce que le psychanalyste fait par cela seul qu’il affirme l’inconscient, puisqu’affirmer l’inconscient, c’est pour lui, là où il allait être pris pour un maître qui sait (conscience souveraine), poser que la vérité est en l’Autre qui se rapporte ainsi à lui, et même en un Autre absolu au-delà de tout l’ordre humain. Reconnaissance en acte de la finitude radicale qui a, bien sûr, cette conséquence qu’aux yeux de la psychanalyse l’existant n’a pas à donner infiniment à l’autre existant. Il ne le peut pas. Et l’exiger de soi serait, pour lui, se fabriquer une image idéale (le « donateur infini ») qui deviendrait une idole dont il serait lui-même le déchet – de même qu’il serait alors le déchet de l’autre existant. C’est là une critique décisive de l’argument lévinassien."
JURANVILLE, 2010, ICFH
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire