Affichage des articles dont le libellé est Romanisation. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Romanisation. Afficher tous les articles

ETAT, Universel, Romanisation, Paganisme

L’universel (position de la totalité) est bien présent dans l'Etat comme figure sociale d'une totalité consciente d’elle-même - ainsi la polis grecque, la civitas romaine, l'Etat moderne. Toute société, avant l’État, fonctionne d’abord comme une totalité fausse, sacrificielle (un ordre fondé sur la violence rituelle et l’exclusion) ; l’État vise à sortir l’homme de la logique sacrificielle en donnant sa pleine place à l’individu. Mais dans les faits, l'Etat n'incarne pas aussi facilement l'universel, comme on l'a vu avec les Romains : d’un côté, ceux-ci restent profondément attachés à l’ordre sacrificiel qu'implique leur religion, mais aussi leur culte de la guerre ; de l’autre, ils affirment la primauté de la loi, par la « vertu », c’est-à-dire la volonté immédiate de poser la loi universelle. D'où une situation profondément tragique, note Juranville : l’individu qui lutte pour l’universel juste ne peut que subir la violence d'un tel système. Mais la contradiction ne s'arrête pas là. Parce que l’État contient en lui l’universel, il tend naturellement à s’étendre, et ce depuis un centre : d'où la romanisation, interprétée idéalement comme diffusion du souci du bien public. Dans les faits se produit plutôt une réactivation du paganisme, aussi bien chez les Romains eux-mêmes (corrompus par la puissance) que chez les peuples extérieurs menacés dans leur "identité" par la diffusion de cet universel. Le centre (Rome) qui pose l’égalité des droits provoque en même temps un rejet viscéral. Il ne peut alors percevoir les autres peuples que comme des barbares, ce qui entraîne des guerres préventives. Mais dans ces guerres, la barbarie des Romains devient indistinguable de celle de ses ennemis. La véritable universalité ne pourra émerger que lorsque la barbarie guerrière aura été globalement invalidée.


"L'universel est, formellement dit, position de la totalité. Mais l'universel présent socialement est l'Etat, que les Grecs nomment Polis et les Romains civitas ou publica. Il est totalité, comme toute société, mais totalité avec l'universalité, c'est-à-dire avec position de la totalité. Et cela parce que la totalité (sociale) est d'abord fausse et sacrificielle. L'Etat véritable assure, lui, toute sa place à l'individu. Or l'institution de l'Etat se heurte à l'attachement viscéral de l'homme à l'ordre sacrificiel. Les romains sont un peuple qui, tout en restant pris dans l'ordre traditionnel sacrificiel, se réclame partout et toujours de la loi, par l'engagement formel de se soumettre à l'universel de cette loi, par la vertu. Car la vertu est immédiateté de la volonté, attachement viscéral à la volonté en tant que celle-ci pose la loi. Or pareille vertu est celle des romains, du peuple romain. Les Romains, après avoir chassé les rois, seraient allés emprunter leurs lois aux Athéniens. Mais ils les auraient modifiées dans leur sens, la loi n'étant pas pour eux simplement ce qui commande, mais le résultat d'un contrat. L'homme doit donc assumer à l'avance - extrême du tragique - que, là où il s'opposera au système sacrificiel et où il voudra l'universel juste (celui, en soi, de l'Etat), il subira la violence de ce système exercé contre lui."
JURANVILLE, 2015, LCEDL