ETAT, Justice, Individu, Capitalisme

Les définitions philosophiques de l'Etat, de Hegel à Weber, mettent l'accent sur sa rationalité, sa constitution juridique, et même sa visée de justice, mais elles restent souvent trop abstraites. Pour qui affirme l'existence, l'Etat est "cette structure fondamentale qui, dans le monde social, accueille l’autonomie offerte par la révélation" affirme Juranville. Autrement dit il faut que l'individu concret puisse reconstituer par soi-même les lois de l'Etat, car ainsi que le dit Levinas "la justice ne serait pas possible sans la singularité, sans l’unicité de la subjectivité". La justice n'est pas apportée de l'extérieur par un Etat surplombant la société civile, mu par quelque fantasme d'ordre et de pureté, elle émerge concrètement dès lors que l'Etat lui-même cesse de se penser comme souverain absolu, et laisse place au non-sens et à l'inéliminable violence impliquée par le capitalisme, en l'assumant et en la régulant, de façon à la rendre finalement supportable.


"L’État doit donc, pour la justice qu’il vise comme fin suprême, donner une mesure à la violence qu’il exerce. Cette mesure n’est pas apportée de l’extérieur par une justice abstraite qui se veut illusoirement pure de toute violence et qui, en fait, laisserait se déchaîner, voire extrémiserait la violence. Elle est mise de l’intérieur par la justice véritable qui assume en soi la violence inéliminable, celle du capitalisme, et précisément du contrat de travail. Et l’État n’est plus alors ce qu’il est toujours d’abord pour les hommes, le Léviathan, l’Autre absolu faux illusoirement élevé au vrai tel que Hobbes le thématise. Il a, au contraire, laissé place en lui au non-sens pur qu’est l’Autre absolu faux du capital et de la monnaie. Il est bien alors, en tant qu’État juste, la réponse que l’homme comme être social devait donner à l’Autre absolu vrai de la révélation."
JURANVILLE, 2010, ICFH

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