ABSOLU, Finitude, Objectivité, Péché

L'homme ne peut prétendre, par ses propres moyens, qu'à la connaissance d'une objectivité finie. Mais en assumant sa finitude, sa séparation, en renonçant à "l'illusion du grand Tout mythologique", l'homme se dispose à accueillir le Nouveau, l'Autre divin. Lequel se laisse caractériser aussi bien comme Absolu (puisque surgissant en dehors de toute relation établie) que comme Infini, puisqu'il n'est soumis à aucune limitation, n'étant ni à l'intérieur du monde ni même à sa limite. Dès lors la finitude peut prendre une nouvelle valeur, l'homme plaçant désormais son identité dans sa relation à l'Autre absolu. La faute, le péché consiste précisément à absolutiser l'objectivité finie, à s'en suffire : orgueil, suffisance ordinaire de la créature, bien plus "mortelle" que la simple tentation charnelle. Mais un espace s'ouvre pour l'objectivation du fini, avec la science galiléenne, dès lors qu'elle ne cherche plus à absolutiser l'objet dans la foulée, laissant à la philosophie la tâche de fixer une effective objectivité absolue dans son propre discours.

"La vérité qu'il faut maintenant à l'homme s'approprier dans le savoir est toujours celle de l'objectivité - mais une objectivité que l'homme d'abord et par lui-même ne peut pas atteindre en tant qu'absolue. D'abord et par lui-même il n'accède qu'à une objectivité finie. La vérité que l'homme a, avec l'affirmation du péché, à s'approprier dans le savoir est en effet celle qui est impliquée dans la nature. Dans une nature qui, en l'homme, est corrompue par le péché. Une coupure se trace donc entre l'objectivité imparfaite que l'homme peut atteindre par lui-même, et l'objectivité parfaite qu'il ne peut atteindre que par Dieu, par la grâce de Dieu. Effondrement du finalisme aristotélicien, de la perspective selon laquelle peu à peu, par un progrès continu, sans rupture et de manière prévisible, l'idée se réaliserait. Certes l'idée ultimement se réalisera, et un finalisme "transcendant" pourra être justifié. Or l'objectivité apparaît comme caractérisant d'abord le divin, déterminé maintenant, d'une manière non grecque, comme l'absolu. Et elle est opposée, en tant qu'objectivité absolue, à ce que l'homme, déterminé maintenant, d'une manière là aussi non grecque, par sa finitude, peut par lui-même atteindre d'objectivité, et qui est objectivité finie."
JURANVILLE, 2015, LCEDH

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